Le Mozambique compte réintroduire au cours des trois prochaines années 7 500 animaux dans un parc victime du braconnage. Le projet profite du soutien du Ranch Sango, dans la Réserve de la vallée de Savé au Zimbabwe : son propriétaire fournira à lui seul 6 000 spécimens, principalement grâce à l’argent récolté par les trophées de chasse.
L’un des plus grands transferts animaliers d’Afrique
50 éléphants, 200 zèbres, 100 girafes, 900 impalas, 200 buffles africains, 200 élands, 300 gnous et 50 grands koudous : telle est la précieuse « cargaison » du convoi qui est parti du Zimbabwe ce lundi et qui devrait arriver dans 8 à 10 semaines au Mozambique. Au terme d’un périple de 600 km à travers la savane, les quelques 2 000 animaux découvriront le parc national de Zinave, leur nouvelle demeure, qui s’étale sur environ 4 000 km². Il s’agit de l’un des plus importants transferts d’animaux sauvages de l’histoire : 120 personnes dont des vétérinaires, biologistes, conducteurs de camions ou pilotes d’hélicoptères auront été mobilisés pour réaliser cette opération… et ce n’est qu’une étape ! D’autres événements de cette envergure sont à venir, puisque le parc national de Zinave souhaite encore accueillir 4 000 animaux originaires du Mozambique, et 1 500 autres seront déplacés au niveau national. Au total, ce sont donc 7500 spécimens de nombreuses espèces qui vont être « relocalisés ».
Le parc national de Zinave, dont la création remonte à 1973, a vu ses animaux disparaître entre 1977 et 1992. Cette période est celle d’une guerre civile meurtrière, qui a causé la mort de près d’un million de personnes et le déplacement de plusieurs millions de réfugiés. Dans ces conditions, il était difficile de sensibiliser les communautés locales à la protection de la biodiversité ; en quinze ans, les braconniers ont vidé le parc national de Zinave de sa faune.
Victime de la guerre, le Zinave veut renaître
Vingt-trois ans plus tard, si le Mozambique compte toujours parmi les pays les plus pauvres du monde, la situation semble plus stable. Le parc national de Zinave souhaite réintroduire de grands mammifères et pour cela a un allié de taille : Wilfried Pabst, dirigeant du Ranch Sango dans la Réserve de la vallée de Savé (Zimbabwe). L’homme d’affaires allemand a accepté de céder gratuitement 6 000 animaux en trois ans, un « surplus » animalier dont dispose son territoire grâce à… l’argent que les riches touristes déboursent pour chasser les grands mammifères d’Afrique !
Selon Le Guardian, 60% des fonds nécessaires au fonctionnement de Sango proviennent de l’achat de permis de chasse, qui peuvent se négocier plusieurs dizaines de milliers de dollars à l’unité. Selon Pabst, « Sango ne pourrait survivre » si cette pratique était subitement interdite au Zimbabwe : le parc serait « à court d’argent en quelques mois et les 200 000 animaux qui y vivent seraient probablement braconnés en moins d’un an« .
Un projet contesté sur le fond et sur la forme
Chaque année, 200 animaux sont ainsi chassés à Sango, parmi lesquels on retrouve tous les grands mammifères évoluant dans le parc à l’exception des 160 rhinocéros (qui sont en permanence surveillés) et des chiens sauvages d’Afrique, protégés au Zimbabwe. Malgré l’apparent succès du modèle prôné par W. Pabst, la pratique reste polémique : en 2009, l’UICN estime dans un rapport que si « la chasse a joué, et joue encore, un rôle de conservation en Afrique, il n’est pas certain qu’elle le jouera à l’avenir dans les mêmes conditions. Par contre, elle ne joue pas de rôle économique ou de rôle social significatif. » Ce dernier point est crucial : la chasse mobilise des milliers de kilomètres carrés mais ne crée qu’une poignée d’emplois. Les communautés locales, qui ne s’enrichissent pas, ne sont donc pas incitées à réduire le braconnage.
Plusieurs associations militent ainsi pour l’interdiction de la chasse, et la source des fonds ayant permis la réalisation du transfert n’est pas la seule à être critiquée : le projet l’est aussi. 317 animaux ont déjà été transportés de la Réserve naturelle de Maremani, en Afrique du sud, jusqu’à Zinave en octobre 2016. Durant le trajet, un éléphant était mort. Un tel voyage n’a rien d’anodin pour les milliers d’animaux concernés et, même soigneusement préparé, il comporte de grands risques. De plus, bien que la situation au Mozambique se soit nettement améliorée par rapport aux années 1990, le pays n’est toujours pas épargné par le braconnage : en mai 2015, la Wildlife Conservation Society révélait que la population d’éléphants y est passée d’environ 20 000 à 10 300 en cinq ans, soit une chute de près de 50%. Si l’essentiel des carcasses ont été retrouvées au nord, dans la réserve nationale de Niassa, nul doute que l’arrivée de 7 500 animaux attirera les braconniers jusqu’à Zinave.
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