« Promenons-nous dans les bois, pendant que le loup n’y est pas », voici la comptine que pourraient bientôt entonner les habitants de la région parisienne. Un débat voit s’affronter depuis quelques jours les associations spécialistes des loups et l’ONCFS. L’objet du conflit : la présence hypothétique de canis lupus dans les bois franciliens.
Une présence contestée
Commençons par poser le décor de notre affaire. Le 14 janvier, le journal Le Parisien publie un article dans lequel deux associations, « L’Observatoire du loup » et « Alliance avec les loups », affirment que trois loups sont présents en région parisienne, entre le nord-Essonne – sud Yvelines et le sud-Essonne – centre Seine-et-Marne. Les deux associations s’appuient sur des empreintes, deux chevreuils retrouvés morts et une supposée tanière. Interrogé par Le Monde le 16 janvier, l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) n’est pas aussi affirmatif sur la présence des animaux dans la région :
« Nous savons que le loup va finir par arriver en région parisienne, mais à ce jour, nous ne sommes pas en mesure d’affirmer qu’il y est déjà présent, ni qu’il n’y est pas »
Selon l’établissement public, les deux animaux retrouvés seraient morts de maladie puis dévorés en partie par des renards.
Un bras de fer dans lequel nous ne prendrons pas partie, n’ayant ni les compétences, ni les preuves nécessaires pour affirmer ou infirmer l’une ou l’autre des théories. En revanche, nous pouvons nous intéresser aux conséquences, positives ou négatives, qu’une telle nouvelle entraînerait.
Quelles conséquences aurait l’arrivée du loup ?
L’Île-de-France est la région la plus densément peuplée avec près de 11,8 millions d’habitants, soit 19 % de la population nationale. Contrairement aux idées reçues, près de la moitié de sa superficie est agricole. Les bois, forêts et rivières occupent eux 24 % de sa surface et le territoire urbain seulement 27 %. Pour comprendre l’incidence qu’aurait la présence du loup dans la région, nous avons interrogé une autre association, FERUS, qui milite pour la cohabitation prédateurs/pastoralisme et la conservation de l’ours, du lynx et du loup en France.
D’après elle, il n’y a pas de débat sur la présence du loup dans la 1ère région de France : « S’il n’y est pas déjà, le loup arrivera tôt ou tard en Île-de-France. C’est prévisible et ça n’est pas un scoop. Les forêts de plaine comme Fontainebleau ou Rambouillet peuvent abriter des loups ; l’habitat naturel et les proies sauvages sont en quantité suffisante. » Cependant, quelles mesures pourraient être prises par l’Etat pour protéger la région qui représente près de 30 % de la richesse nationale et la première destination touristique mondiale ? Quel impact sa présence pourrait avoir dans le prochain plan d’action national loup, l’actuel s’achevant en 2017 ?
Actuellement, le ministère a autorisé le prélèvement de 36 loups afin de réguler la croissance moyenne de l’espèce qui, rappelons-le, est protégée en France. Un chiffre en-deçà des exigences des éleveurs qui demandent chaque année à ce qu’il soit relevé. La présence de meute en Île-de-France pourrait nous faire craindre que l’Etat leur donne raison par mesure de sécurité, mais Sandrine Andrieux, chargée de communication de FERUS nous rassure en partie : « il y a de nombreux secteurs en plaine pouvant abriter des loups et l’Île-de-France en fait partie. Ce n’est pas une zone de « non-droit » pour le loup pourrait-on dire. Et si l’Etat français décidait de faire autrement, nous nous y opposerons car nous militons pour le retour du loup partout où les conditions sont favorables. » L’élevage en région parisienne n’a bien-sûr rien à voir avec celui des Alpes-Maritimes, du Jura ou des Pyrénées. 95 % du cheptel d’Ile-de-France est constitué de volailles, puis 3 % de bovins et seulement 1% d’ovins, la proie privilégiée des loups. Les éleveurs franciliens n’ont donc que peu de soucis à se faire si la présence du loup devait être avérée.
Le retour d’un prédateur naturel : une bonne nouvelle
En revanche, cette nouvelle pourrait être la solution naturelle à un problème majeur rencontré dans certaines forêts de la région, comme celle de Fontainebleau : la surpopulation de sangliers. Ces gros mammifères pouvant atteindre jusqu’à 150 kilos n’ont aucun obstacle à leur prolifération. Seule la chasse permet aujourd’hui de réguler les populations. Or « En dehors de l’homme, le loup peut être perçu comme le seul prédateur naturel du sanglier en France », peut-on lire sur le site de l’ONCFS. Le retour de meutes de loups pourrait donc servir de régulateur naturel pour ces animaux comme nous le confirme Mme Andrieux :
« Le loup étant opportuniste, il pourra effectivement se nourrir de sangliers et permettre une certaine régulation. Il pourra aussi changer les habitudes comportementales du sanglier en permettant des hardes moins nombreuses (et faisant donc moins de dégâts). »
Enfin, pour les habitants d’Essonne et d’Yvelines qui craignent de tomber nez à nez avec un loup lors d’une balade en forêt, n’ayez crainte. Si cela devait arriver, l’animal aurait certainement plus peur que vous ! « Le loup fréquente déjà des zones avec de nombreux touristes et randonneurs, sans aucun problème, ça sera la même chose en Île-de-France. Le loup est discret et les observations seront rares. La plupart des randonneurs ne soupçonneront même pas sa présence. Le loup est une espèce très banale, nous avons juste perdu l’habitude de vivre avec et les fantasmes ont pris le pas. Ce n’est pas plus gros qu’un sanglier et il n’est pas plus étrange de tomber sur un loup que sur un renard. »
A suivre…
3 Réponses to “Ile-de-France : Loup y es-tu ?”
15.10.2019
Pascal Bcomme nous le confirme Mme Andrieux :
« Le loup étant opportuniste, il pourra effectivement se nourrir de sangliers et permettre une certaine régulation. Il pourra aussi changer les habitudes comportementales du sanglier en permettant des hardes moins nombreuses (et faisant donc moins de dégâts). »
C’est l’inverse ! Les loups sont bien des opportunistes, donc ils vont aller au plus facile et s’attaquer en priorité à des animaux avec peu de moyens de fuite ou de défense. Or les sangliers sont des animaux qui ne craignent pas 1 loup isolé, même lorsqu’ils sont eux-mêmes isolés. Comme ce sont des animaux qui vivent généralement en harde (pas toujours, mais généralement), ils sont donc très capables de se défendre contre 1 loup isolé ou un petit nombre de loups.
Par ailleurs, la question n’est pas vraiment de savoir si des loups se sont installés ou non en région parisienne, mais jusqu’où vont-ils aller et quelle va être leur stratégie d’adaptation aux milieux urbanisés ? On trouve des renards en plein centre des grandes villes, et même des parcs urbains sont visités par des sangliers. Les loups sont des animaux furtifs capables de s’installer (ou simplement passer en transit) dans des endroits habités. cela se voit dans des pays d’Europe de l’est où les loups n’ont jamais disparu : si les hommes ne leur tirent pas dessus, les hommes ne les dérangent pas trop … A suivre.
03.06.2017
Observatoire du loupA priori, le canidé sauvage ne régule aucune espèce en particulier. C’est un mythe! La pression de chasse exercée sur la faune des herbivores, grands et petits, a pour conséquence de faire varier les espèces présentes dans leur globalité. En schématisant,l’espèce la moins adaptée à la prédation du loup est la première ciblée, tout comme le domestique (ovin et autres) puis le canidé, après avoir fait baisser les effectifs concernés, d’une espèce proie, comme le chevreuil par exemple,va passer à une autre espèce proie, plus présente, qui aura profiter de l’espace libéré. C’est plus complexe que cela encore quand on doit tenir compte du comportement du loup sur la zone vitale sectorisée qu’il aura défini. La prédation sur les domestiques non protégés, ovins, caprins, équins, bovins etc, casse cette « pseudo régulation », nourrir le loup lui permet de se reproduire plus rapidement…A méditer!
24.01.2017
DreulmaJe crains bien moins de croiser un loup plutôt qu’une bande de sangliers !