Depuis le tigre de la mer Caspienne, éteint au début des années 70, aucun Panthera tigris n’a foulé le sol du Kazakhstan. Un accord entre le WWF et le pays devrait permettre au félin de revenir sur ses terres dans quelques années. Ce projet ancien voit enfin le jour avec la signature des différentes parties le 8 septembre dernier.
Grand comme quatre fois la France, le Kazakhstan n’est pas un pays qui fait beaucoup parler de lui. Il se retrouve pourtant au centre de l’attention du monde entier avec la signature d’un accord historique. Son objectif : la réintroduction de tigres dans le pays qui n’en compte plus depuis les années 70. Dans cette entreprise, le Kazakhstan sera assisté par l’ONG internationale World Wildlife Fund (WWF) qui subventionnera le projet.
L’aboutissement d’un projet en réflexion depuis plusieurs années
Ce programme de réintroduction n’est en fait pas une nouveauté, il est même en discussion depuis 2011. Le projet est né des conclusions du Dr Hartmut Jungius qui a démontré en 2010 que la région autour de la rivière Illi et du lac Balkhash présentait un habitat convenable pour le félin sur plus de 400 000 hectares. Sauf qu’il est impossible de réintroduire le tigre qui vivait ici autrefois, pour la simple et bonne raison que la sous-espèce est définitivement éteinte. Toutefois, son génome est quasiment identique à une autre sous-espèce : le tigre de l’Amour, plus couramment appelé tigre de Sibérie. Vous voyez où nous voulons en venir ?
Il aura donc fallu attendre 6 ans pour que l’accord soit conclu entre la Russie, qui fera probablement don des spécimens réintroduits, le WWF qui financera en partie le projet et le gouvernement du Kazakhstan qui devra tout mettre en place pour garantir la pérennité et la sécurité de cette future population.
La réintroduction du tigre ou plutôt la création d’un écosystème protégé
C’est tout l’enjeu de ce programme ! Il ne s’agit pas seulement de la réintroduction d’animaux mais plutôt d’une réhabilitation d’un écosystème : « un projet de préservation ambitieux et passionnant », explique Marco Lambertini, directeur général de WWF International. Cet accord est « un pas décisif pour la protection de la région d’Illi-Balkhash pour sa biodiversité unique et les systèmes naturels qui assurent la subsistance des populations locales. »
La réintroduction d’un prédateur n’est pas sans poser de problèmes : il faut non seulement une population de proies suffisantes pour éviter que le tigre ne s’approche des élevages, mais également protéger le félin des menaces qui décimèrent en son temps son cousin, le tigre de la mer Caspienne. En clair, ne pas répéter les erreurs du passé. C’est pour toutes ces raisons que la réintroduction proprement dite n’aura pas lieu avant plusieurs années.
Création d’une réserve naturelle et réintroductions de grands herbivores
Avant que les tigres puissent fouler le sol du Kazakhstan, le gouvernement s’est engagé à y créer une réserve naturelle qui protégera l’habitat forestier des contours du lac mais également à réintroduire le kulan (Equus hemionus – équivalent asiatique de l’âne sauvage d’Afrique mais qui n’est pas une espèce menacée) et le cerf de Bactriane (une des sous-espèces du cerf élaphe – Cervus elaphus). Comme le tigre, ces deux herbivores n’existent plus dans le pays. Leur réintroduction et leur multiplication généreront – disons-le crûment – un « garde-manger » suffisant à la pérennité du félin.
La création de cette réserve naturelle a aussi pour but affiché de « protéger le lac Balkhash – l’un des plus grands lacs d’Asie et une importante réserve d’eau du bassin de la rivière Ili – et à lui éviter le destin de la mer d’Aral », précise le WWF dans son communiqué.
Enfin, il faudra également prendre des mesures pour empêcher le braconnage des spécimens réintroduits. Dans ce but, des gardes seront formés et équipés pour lutter contre cette activité illégale et les communautés locales seront intégrées au programme afin qu’elles y trouvent également leur compte.
La population mondiale de tigres a atteint son plus bas niveau en 2010 mais, aujourd’hui, les voyants sont plutôt au vert avec l’augmentation de la population en Inde, en Russie et au Bhoutan. Si la réintroduction de tigres de l’Amour au Kazakhstan se déroule sans embûche, il s’agira tout simplement du premier pays à réintroduire une population de tigres sur son territoire après une extinction ! Le Cambodge, qui a annoncé récemment « fonctionnellement éteinte » sa population de tigres, suivra de près l’avancement du projet, puisqu’il prévoit lui aussi de réintroduire de nouveaux spécimens de « panthera tigris corbetti », le tigre d’Indochine, sur son territoire.
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