Fin février, une équipe internationale a bouleversé nos a priori sur les chevaux d’aujourd’hui en prouvant qu’il n’existait plus d’espèces sauvages sur la planète. Les chevaux de Przewalski – Equus ferus przewalskii – qu’on pensait leurs derniers représentants, sont au contraire les plus proches parents des premiers équidés domestiqués. Une révélation qui semble rapprocher le cheval des steppes asiatiques de son cousin européen, le tarpan – Equus ferus gmelini – longtemps resté dans son ombre.
De Equus ferus ferus au tarpan, cheval hybridé
Décrit officiellement en 1769, Equus ferus ferus est le dernier cheval sauvage d’Europe. Son descendant, le tarpan, est très peu connu. Sa robe grise tranche avec celle isabelle du cheval de Przewalski, originaire de Chine, qui ne sera officiellement reconnu en Occident qu’à la fin du 19ème siècle. Pourtant, c’est ce dernier qui est passé à la postérité. Son histoire et sa « happy-end » n’y sont sans doute pas pour rien. Autrefois répandue, la race a été abusivement chassée et a fini par être exterminée à quelques individus près, hébergés en parcs animaliers. De nos jours, le cheval de Przewalski est l’objet de programmes d’élevage et, grâce à eux, il a été réintroduit.
L’histoire du tarpan est moins heureuse, bien qu’il y ait de nombreuses similitudes. Equus ferus ferus, le cheval d’Europe occidentale et centrale, a lui aussi été abondamment chassé et concurrencé par les équidés domestiques, si bien qu’en 1780 les dernières hardes sauvages sont transférées de la forêt de Bialowieza en Pologne à une réserve de chasse. Là, ils finissent domestiqués par les locaux, qui leur donnent le nom de « konik », littéralement « petit cheval ». Un siècle plus tard, l’espèce Equus ferus ferus est éteinte et sa forme domestiquée prend le nom de « tarpan » .
A la recherche des caractéristiques originelles du cheval sauvage
Au début du XXème siècle, Tadeusz Vetulani, professeur à l’Université de Poznan (Pologne), entreprend de redonner vie à la race primitive. Mais contrairement au cheval de Przewalski, il n’existe plus de spécimens au patrimoine génétique authentique, les tarpans étant des chevaux hybridés entre Equus ferus ferus et les équidés domestiques ! Le scientifique décide donc de sélectionner les koniks se rapprochant le plus du cheval primitif et de cultiver par la reproduction ses caractéristiques originelles comme la raie vertébrale (plus connue sous le nom de raie de mulet), les zébrures sur les membres ou encore les marques scapulaires en haut des épaules. En procédant de la même manière, des passionnés ont « créé » l’auroch de Heck, du nom des deux frères biologistes qui ont sélectionné les différentes races à croiser, pour tenter de redonner vie à Bos primigenius, l’auroch originel. Seulement, à la différence des bovins des frères Heck, les chevaux choisis par Vetulani sont les vrais descendants génétiques de l’espèce disparue. Après la Seconde Guerre mondiale, les tarpans qui ont survécu sont installés sur le domaine de Popielno et le décès du scientifique polonais en 1952 mettra fin au projet.
Le Projet Tarpan français
Vetulani n’a eu le temps de voir que le haut de l’iceberg, mais sa mission a été reprise par d’autres et notamment par l’association française ARTHEN-Bugerbivore. Créée en 2004 dans l’Ain, l’association pour le Retour du Tarpan et des grands Herbivores dans les Espaces Naturels a mis en place le « Projet Tarpan » qui vise à poursuivre les travaux de Tadeusz Vetulani et à redonner un rôle en France aux grands herbivores. Pour promouvoir l’équidé qu’elle considère comme le plus proche descendant du cheval sauvage ancestral européen, l’association propose du pâturage naturel. Sur le même principe que l’éco-pâturage qui utilise plutôt des moutons et des chèvres, les tarpans ont « une aptitude naturelle à se contenter d’une nourriture plus frugale, notamment l’hiver où ils consomment des espèces ligneuses », nous explique Marc Michelot, président d’ARTHEN. L’association est propriétaire ou gestionnaire d’une quarantaine de tarpans qu’elle préserve en leur permettant de vivre sans aucune interaction avec l’Homme. En 2018, ARTHEN intervient sur quatre sites dans le Bugey ainsi qu’en Lorraine, à la réserve du Domaine où l’entreprise GSM met à disposition de l’association ses 57 hectares. « Dans la mesure du possible, quand la réserve est assez grande, nous essayons de faire en sorte que l’organisation sociale se fasse naturellement. En Lorraine, on a pu assister pendant 3 ans à la cohabitation de deux harems et d’un groupe de célibataires. Une chose très rare », précise Marc Michelot. L’association a également fourni un petit troupeau de tarpans à l’Espace faune de la forêt d’orient où, dans le cadre protégé d’un parc naturel, l’espèce vit en symbiose avec deux autres herbivores : l’élan d’Europe et l’auroch de Heck.
Le but du « Projet Tarpan » est avant tout scientifique. Ces troupeaux, qui évoluent « dans leur contexte naturel » rappelle l’association, permettent d’étudier le comportement des chevaux, notamment leur alimentation et leur faculté à s’auto-médicamenter. Il s’agit aussi de reprendre le travail de « rétro-sélection » de Vetulani qui vise à concentrer les caractères primitifs issus de Equus ferus ferus. Enfin, au travers d’animations, de sorties découvertes et de partenariats avec les offices de tourismes, ARTHEN-Bugerbivore souhaite également mettre en lumière l’histoire et l’existence du tarpan, le descendant oublié du cheval sauvage européen.
NDLR : Equus caballus est le nom scientifque du cheval domestique tandis que Equus Ferus est celui du cheval sauvage. Le tarpan est le descendant de Equus ferus ferus mais se retrouve sous les deux dénominations : Equus ferus gmelini et Equus caballus gmelini.
1 réponse to “Le tarpan, un descendant oublié du cheval sauvage d’Europe”
05.04.2018
fagot vermeulenPassionnant, et malheureusement inconnu du grand public , de telles actions méritent d’être encouragées