Trois rangers tués par des braconniers en RDC

Le samedi 23 avril 2016, dans le parc national de Garamba (République Démocratique du Congo), une unité de rangers a été prise à partie par un groupe de braconniers venus chasser les éléphants de la région. La fusillade a causé la mort de Dimba Richard, Anigobe Bagare et Matikuli Tsago, trois rangers considérés comme comptant « parmi les meilleurs éléments » du parc.

Erik Marvav, le manager du parc, faisait également partie de la patrouille. Après avoir reçu un signalement de coups de feu, son unité de rangers a décollé à bord d’hélicoptère et s’est rendue sur les lieux, repérant ainsi un cadavre d’éléphant. Le groupe s’est posé à quelques centaines de mètres et a avancé prudemment, sans voir que les braconniers étaient cachés dans la brousse. Ces derniers ont alors ouvert le feu, tuant un ranger sur le coup. Deux autres gardes, gravement blessés, ont été transportés dans un hôpital des Nations-Unies de Bria (République Centrafricaine), mais sont décédés des suites de leurs blessures. Un autre, Kenisa Adrobiago, a été légèrement blessé. Erik Marvav a quant à lui été «  incroyablement chanceux  » : touché à la jambe lors de l’accrochage, il a été transporté à l’hôpital de Johannesburg (Afrique du Sud) et y récupère sereinement depuis plusieurs semaines. Cette fusillade n’est malheureusement pas un acte isolé : depuis un an, 11 rangers du parc ou militaires congolais ont perdu la vie au cours de missions de protection.

Le parc national de Garamba, d’une superficie de 12 400 km², est l’un des plus vieux parcs nationaux d’Afrique et bénéficie du statut de patrimoine mondial de l’UNESCO. Erik Marvav juge par ailleurs qu’il s’agit de  » l’une des dernières véritables régions sauvages du monde « . Malheureusement, il se situe également dans une région très instable politiquement, regroupant le Soudan, le Sud-Soudan et la République Centre-Africaine. Un groupe de rebelles inquiète notamment les autorités locales : la Lord’s Resistance Army (Armée de Résistance du Seigneur) est menée par Joseph Kony, un homme accusé de crimes de guerre (rapt d’enfants, utilisation d’enfants-soldats…). Ces braconniers lourdement armés et très organisés chassent les éléphants pour l’ivoire, ensuite vendu au marché noir et exporté vers l’Asie ; en quarante ans, la population d’éléphants dans le parc est passée de 20 000 à 1 300.

La lutte contre le braconnage s’intensifie

African Parks, l’organisation non-lucrative gérant notamment le parc Garamba, souhaite recruter 150 nouveaux rangers dans cette région, qu’elle fera former par des professionnels de la sécurité (dont d’anciens militaires français). L’objectif assumé est de créer une garde de tireurs d’élite. Lorsque ses moyens financiers le lui permettront, elle s’équipera également de nouveaux moyens aériens, le seul hélicoptère du parc n’ayant pas la capacité de transporter plus d’une unité de rangers sur site. Elle espère enfin renforcer la collaboration avec l’armée congolaise, qui compte déjà une centaine d’hommes dans le secteur, ainsi qu’avec les forces armées des Nations-Unies et des Etats-Unis, très présentes dans la région.
Malgré les risques et la perte de ses compagnons, Eric Marvav n’entend pas abandonner la lutte. Il prévoit de retourner dans le parc national de Garamba dans quelques jours si ses médecins l’y autorisent.  » Nous avons perdu cette bataille, mais nous pouvons encore gagner la guerre « , affirme-t-il. Peut-être a-t-il raison : les défenses de l’éléphant tué le 23 avril n’ont pas été emportées après l’affrontement, ce qui suggère que les braconniers ont eux aussi subi des pertes et qu’ils ont dû effectuer une retraite rapide.