Créée en 1912, La Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) est depuis longtemps reconnue comme un membre essentiel dans la lutte pour la conservation de la biodiversité. En cette fin d’année, elle s’attaque à la tradition, peu connue et ancestrale, du braconnage des oiseaux dits « familiers ». Chaque année, entre 2 et 3,5 millions de pinsons, chardonnerets, rouges-gorges et autres petits oiseaux sont tués illégalement sur le pourtour méditerranéen.
Interview d’Yves Verilhac, directeur général de la LPO.
Pourquoi lancez-vous la pétition « Mettons fin au massacre illégal des oiseaux familiers » aujourd’hui ?
Y. Verilhac : Parce que nous avons tout essayé et que l’Etat continue de couvrir les activités délictuelles. Chaque année, la LPO se voit obligée de repérer les secteurs de braconnage et de porter plainte. Visiblement, l’Etat est sensible au lobbying de quelques centaines de braconniers porté par une poignée de « grands élus ». C’est un problème culturel, voire générationnel. Il nous faut montrer à l’Etat que les citoyens français attachent de l’importance à leurs oiseaux familiers. Tout le monde ne sait pas que l’ortolan est un petit oiseau, un bruant, qui plus est protégé. Mais tout le monde a déjà vu un rouge-gorge ou une fauvette dans son jardin.
Vous parlez dans la pétition de « pratiques cruelles ». Quels sont les dangers encourus par les oiseaux dits « familiers » ?
Y. Verilhac : La matole (une cage grillagée dans laquelle on met un oiseau lui même braconné comme appelant), la glu (de la colle sur une branche), ou une tendelle (une lourde pierre qui écrase) sont des pièges non sélectifs. Ils capturent tous les oiseaux. L’Etat français a accordé une dérogation pour piéger les grives à la glu, et les alouettes aux matoles. Mais en fait tous les oiseaux familiers sont susceptibles de se faire prendre. Or, il est tout simplement interdit de capturer et manipuler des oiseaux protégés. Les piégeurs disent relâcher les oiseaux protégés mais il faut voir dans quel état ! Nous le savons puisque lorsque nous allons délivrer des bruants ortolans des matoles où ils sont capturés. Il n’est pas rare qu’un certain nombre ne puissent pas s’envoler, voire meurent dans les heures qui suivent. Quant à une fauvette qui se débat dans la glu en s’arrachant les plumes, vous imaginez bien la suite…
On ne parle pas de quelques individus : d’après les dernières études publiées par Bird Conservation International (dont la LPO est le représentant français), 150 à 300 000 pinsons des arbres, 25 à 50 000 pinsons du nord, 15 à 30 000 bruants ortolan sont illégalement tués en France chaque année !
Qu’est ce qui explique cette tradition de braconnage des oiseaux en France ?
Y. Verilhac : La destruction des bruants ortolan et des pinsons n’est pas une chasse traditionnelle mais du braconnage appartenant au passé. Par exemple, la chasse à l’ortolan dans les Landes date de plusieurs siècles, quand les oiseaux migrateurs constituaient une manne de protéines pour des landais mal-nourris. En ce qui concerne les pinsons, au début des années 2000 leur capture était encore considérée comme une « pratique de voyous » par un éminent chasseur landais.
Dans la France rurale, il fallait bien se nourrir et nombre de paysans se « payaient sur la bête » en braconnant. Aujourd’hui, heureusement, tout un chacun peut aller faire ses courses. Il n’y a plus aucune utilité prouvée à poursuivre cette chasse. Toutes les traditions ne sont pas bonnes à conserver.
Quel est votre objectif en voulant réunir 75 000 signatures ?
Y. Verilhac : Alerter les pouvoirs publics pour leur dire que les citoyens ne supportent plus ces territoires et activités de non droit. Cette justice qui fait qu’un braconnage organisé à grande échelle soit soutenu par des élus de la République et toléré par l’Etat. Le braconnage dans les Landes met à mal un patrimoine « européen » qui passe par la France mais qui ne nous appartient pas et qui met donc à mal les efforts des pays du nord pour sauvegarder les dernières populations de ces oiseaux migrateurs.
Nous avons la preuve que l’Etat donne des consignes aux agents de la police de la nature pour ne pas verbaliser ces pratiques pourtant délictuelles. Ce n’est pas seulement un problème d’écologie, c’est un problème de démocratie. Nous comptons remettre des dizaines de milliers de signatures au Président de la République qui a dit vouloir faire de la France un exemple en matière d’écologie, et un modèle de gouvernance environnementale.
Signer la pétition : « Mettons fin au massacre illégal des oiseaux familiers »
6 Réponses to “La LPO part en guerre contre le braconnage des oiseaux « familiers »”
10.12.2018
Bellégoles gens tuant ou faisant souffrir les oiseaux sauvages ou de compagnie devraient avoir honte d’eux-mêmes.Mais je ne suis pas juge.