Chaque année, la « semaine de sensibilisation à la loutre de mer » se déroule la dernière semaine de septembre. En France, c’est une espèce dont nous parlons peu. Elle n’est pourtant pas moins exotique que le rhinocéros ou le panda géant et frôle tout aussi dangereusement l’extinction. Projecteur sur ce sympathique mammifère méconnu, Enhydra lutris, la loutre de mer, classée en danger par l’UICN.
De 150 000 – 300 000 à moins de 2000 loutres de mer en deux siècles
Moins connue en France que la loutre asiatique visible en parcs zoologiques, la loutre de mer sillonne les côtes du Pacifique nord, de la Russie au Japon à l’Ouest et de l’Alaska au Mexique à l’Est. On connait d’elle quelques anecdotes étonnantes comme cette habitude de se tenir entre elles par la patte, couchées sur le dos, pour ne pas dériver sur l’eau ou encore l’extraordinaire densité de leur fourrure avec de 150 000 à 170 000 poils au centimètre carré !
Mais la « Sea Otter Awarness Week », lancée en 2002 par l’association californienne « Friends of the Sea Otter », permet de donner un nouvel éclairage sur cette espèce qui est passée très proche de l’extinction. Selon l’UICN, au début des années 1700, « la population mondiale de loutres de mer était estimée entre 150 000 et 300 000 individus ». Mais à partir de 1741, les choses se gâtent. Les Européens et les Russes arrivent en Alaska et commencent à capturer les loutres de mer pour commercialiser leur exceptionnelle fourrure. Dans les autres pays de son aire de répartition, les loutres sont légèrement plus épargnées, mais légèrement seulement. La chasse ne sera interdite qu’en 1910 grâce au traité signé par les États-Unis, la Russie et le Japon. Il reste alors moins de 2000 loutres de mer, une véritable hécatombe.
Les trois sous-espèces de Enhydra lutris de nos jours
De nos jours, les trois sous-espèces de Enhydra lutris se sont bien repeuplées et, d’après les estimations de la population réalisées entre 2004 et 2012, la planète compterait environ 125 830 loutres de mer réparties de la manière suivante :
- Enhydra lutris kenyoni vit en Alaska et au Canada ; il s’agit de la majorité de la population.
- Enhydra lutris nereis vit en Californie, est légèrement plus petite que sa cousine du nord et constitue la plus petite sous-espèce en volume.
- Enhydra lutris lutris vit en Asie, sur les côtes russes et japonaises.
Si la chasse est officiellement interdite, en Alaska, les peuples autochtones sont autorisés à tuer des loutres pour créer et vendre des vêtements artisanaux. Mais cette règle pourrait changer. L’Etat s’interroge sur la mise en place d’un système de prime sur les fourrures de loutre afin de réduire la population de Enhydra lutris kenyoni, accusée d’avoir un appétit vorace… ce qui n’est pas entièrement faux !
Un appétit vorace qui joue bien des tours aux loutres de mer
Contrairement à l’ours polaire, la loutre de mer ne possède aucune couche de graisse sous la peau : sa fourrure est donc son unique protection contre le froid des eaux dans lesquelles elle nage. Pour maintenir son corps à température constante, ce petit mammifère doit brûler énormément de calories, et par conséquent en ingurgiter tout autant. Elle passe donc le plus clair de son temps à chasser et à se reposer. Le régime alimentaire d’Enhydra lutris est constitué d’invertébrés comme les crabes, les oursins, les palourdes, les moules et autres mollusques et crustacés. Cet appétit commence à faire de l’ombre aux pêcheurs locaux qui voient en la loutre de mer une rivale plutôt qu’un sympathique mammifère. Une histoire qui rappelle celle du phoque moine de Méditerranée, également connu pour son régime alimentaire gargantuesque.
Au-delà des conflits avec l’Homme, cet appétit important joue de plus en plus de tours à la loutre de mer. Avec le réchauffement climatique, des microalgues empoisonnent en peu plus chaque année les crustacés et mollusques dont elle se nourrit. Le nombre de cas de loutres ainsi empoisonnées se serait multiplié en quelques années sans que personne ou presque ne s’en inquiète.
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