Classée à la 11ème place des 25 tortues les plus menacées au monde en 2011, la tortue étoilée de Birmanie – Geochelone platynota – a vu sa population passer de quelques centaines d’individus à plus de 14 000 en seulement 13 ans. Une statistique qui ne voudrait rien dire si elle n’était accompagnée d’un retour en milieu naturel pour une partie de ces tortues.
La descente aux enfers de la tortue étoilée de Birmanie
A l’instar du Miro des Chatham, un oiseau d’Océanie dont la population est passée de 5 individus à 250 en l’espace de 30 ans, la tortue étoilée de Birmanie ou tortue à dos plat est également en pleine renaissance. Prélevé en milieu naturel pour être consommé ou utilisé comme animal domestique, Geochelone platynota a connu un déclin foudroyant dans le milieu des années 1990. L’Union Internationale pour la Conservation de la Nature la classera d’ailleurs sur sa liste rouge en 1996 parmi les espèces en danger critique d’extinction (CR).
Un peu plus de 20 ans plus tard, l’espèce qu’on considère comme fonctionnellement éteinte à l’état sauvage (incapable d’assurer sa pérennité) connait un second souffle. Tout commence en 2004 : plusieurs organismes s’associent pour sauver cette espèce endémique des zones sèches centrales du Myanmar (ex-Birmanie). Il s’agit de l’Etat birman, au travers de sa Division de la conservation de la nature et de la faune, de l’ONG Wildlife Conservation Society (WCS) et de Turtle Survival Alliance (TSA), un collectif international composé d’universitaires, de parcs animaliers et d’établissements privés qui travaillent à la sauvegarde des tortues à travers le monde. Ils décident de mettre en place un programme d’élevage en captivité pour la tortue étoilée de Birmanie à partir de seulement 175 spécimens sauvés d’un trafic.
Opération reproduction !
Réparties en plusieurs groupes, ces nouvelles colonies sont envoyées dans trois sanctuaires – dont le Minsontaung Wildlife Sanctuary et le Lawkananda Wildlife Sanctuary – pour se multiplier à l’abri du danger. Une opération plus compliquée qu’il n’y parait. La captivité n’arrête pas le braconnage et les réserves de faune sauvage sont obligées d’engager des gardes pour protéger les lieux la nuit. Au-delà de la protection des nouvelles pensionnaires, l’équipe des centres de vie sauvage se trouve confrontée à un manque de connaissances sur le reptile. Pour y remédier, des herpétologues du Zoo de New-York sont appelés à la rescousse : alimentation, reproduction et soins des nouveau-nés… Tout est à apprendre. Après quelques années de tâtonnement, l’objectif est atteint : 13 ans après la création de ces réservoirs de population, les trois centres comptent à présent environ 14 000 tortues birmanes.
Des premières réintroductions concluantes
Le but final de ce programme d’élevage est bien entendu la réintroduction en milieu naturel de tortues étoilées de Birmanie. Les premiers relâchés ont débuté en 2013 avec la libération de 1000 tortues. Une ou deux fois par mois, l’équipe se rend sur place – lieu que nous garderons secret – et compte les tortues. Heureusement, celles-ci sont équipées de micro-puces et de récepteurs sur leur carapace, de sorte que pour les localiser, un émetteur radio suffit. Cette surveillance étroite a révélé plusieurs choses :
- 188 tortues ont été volées sur les 1000 libérées. Un chiffre certes importants mais qui représente en fait un véritable succès pour Steven Platt, herpétologue de la Wildlife Conservation Society : « C’est une région rurale pauvre avec des chemins de terre, des vaches maigres et des huttes de palmiers et une seule tortue peut valoir assez d’argent pour nourrir une famille pendant un an si elle est vendue au marché noir. »
- Hors braconnage, le taux de survie de ces reptiles élevés en captivité est très important avec pas moins de 97,6 %. Ce chiffre exceptionnel s’explique notamment par le fait que les tortues restent proches de leur site de libération, choisi pour ses conditions idéales.
- Enfin et c’est une excellente nouvelle : au moins sept femelles réintroduites ont déjà donné naissance à une nouvelle génération en milieu naturel.
Cette réussite, Steven Platt la décrit dans le dernier numéro de Herpetological Review et la compare à d’autres combats pour la faune sauvage : « C’est l’équivalent des temps modernes de sauver le bison de l’extinction. Une équipe de défenseurs de l’environnement a mené un effort agressif de reproduction en captivité et a ramené un animal du bord de l’eau où il a maintenant le potentiel d’être réintroduit dans la nature en grand nombre. »
Une réintroduction de masse ne devrait toutefois pas avoir lieu avant que des mesures politiques soient prises pour enrayer le braconnage. Aujourd’hui, au marché noir, une tortue étoilée birmane peut rapporter plus de 5 000 dollars. Pour Steven Platt, la sauvegarde de ces reptiles passe par l’implication de la communauté locale. Avant la libération des 1000 spécimens tests, son équipe a mené des programmes d’éducation dans les villages voisins et recruté des locaux pour aider à patrouiller la zone et surveiller les tortues, de sorte qu’aujourd’hui la population se sent investie dans la sauvegarde de la tortue étoilée de Birmanie.
L’histoire de la tortue étoilée du Myanmar n’est pas encore terminée et il est encore trop tôt pour affirmer que l’espèce est sauvée mais son destin est porteur d’espoir. Le pays abrite 28 espèces de tortues dont sept endémiques. Cette situation particulière fait de lui le « ground zero » des trafics de tortues en Asie.
1 réponse to “L’incroyable renaissance de la tortue étoilée de Birmanie”
14.03.2019
BrunDans l’espoir que ces adorables créatures pourront continuer à vivre dans la nature, dans leur milieu naturel, sans être menacées par le braconnage.