Grâce à des effectifs en augmentation, le gorille des montagnes (Gorilla beringei beringei) est classé dans la catégorie « en danger d’extinction » de l’UICN en 2018. Il s’agit probablement du mieux connu de tous les grands primates : cette sous-espèce du gorille de l’est a largement profité des travaux de Dian Fossey, célèbre primatologue assassinée en 1985.
Morphologie du gorille des montagnes
Gorilla beringei beringei présente un dimorphisme très prononcé : les femelles mesurent en moyenne 150 cm et pèsent entre 70 et 110 kg alors que les mâles avoisinent plutôt 185 cm pour un poids de 160 kg. Les représentants de cette espèce sont par ailleurs dotés de bras longs et puissants, de jambes courtes et d’une tête massive. Dans chaque famille, le mâle dominant est aisément identifiable à son large dos argenté.
Un oeil entraîné pourra à coup sûr distinguer un gorille des montagnes d’un autre de ses cousins ; la principale différence morphologique est sa fourrure, dont le poil est plus long et plus dense. Sa mâchoire est également plus large et ses bras sont plus courts.
Le gorille des montagnes se nourrit quotidiennement de 25 à 38 kg de feuilles, tiges, racines et fruits. Bien qu’il préfère le bambou, il peut se contenter de nombreuses espèces de végétaux ; cela lui permet d’être sédentaire et de ne se déplacer que de quelques centaines de mètres par jour. Pour marcher, il prend appui sur les jointures de ses mains et la plante de ses pieds : Gorilla beringei beringei est donc un quadrupède.
Localisation et habitat
Les populations de gorilles des montagnes sont réparties sur deux grandes localités.
La première est le massif volcanique des Virunga, qui se trouve à la jonction de l’Ouganda, du Rwanda et de la République Démocratique du Congo (RDC). Chacun de ces pays a établi des parcs nationaux afin de préserver ces territoires : il s’agit respectivement du parc national des gorilles de Mgahinga, du parc national des volcans et du parc national des Virunga. Environ 500 gorilles des montagnes y vivent.
La seconde localité est la forêt impénétrable de Bwindi, un autre parc national se trouvant à l’extrême sud-ouest de l’Ouganda. Le site s’étale sur environ 321 km² et est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Plus de 400 Gorilla beringei beringei y vivent.
D’après un comptage, il y aurait 1004 gorilles des montagnes en 2018 contre 880 en 2010. Une hausse légère mais une hausse tout de même.
Ces deux populations vivent dans des paysages montagneux, entre 1 500 et 4 000 mètres d’altitude. Leur habitat est constitué de forêts alpines ou subalpines à forte pluviométrie, ce qui explique que leur fourrure soit plus épaisse que la plupart des autres grands singes africains. Gorilla gorilla beringei privilégie par ailleurs les forêts dont la canopée est relativement dégagée. Enfin, la population évoluant dans la forêt impénétrable de Bwindi semble présenter un comportement plus arboricole que celle des Virunga.
Les menaces pesant sur Gorilla beringei beringei
Outre la dégradation de son territoire ou le risque d’épidémies, le gorille des montagnes subit les conséquences de l’instabilité politique de la région dont il est endémique. Rwanda et République Démocratique du Congo ont notamment été le théâtre de guerres civiles à la fin du XXème siècle.
Perte ou dégradation du territoire
Selon un rapport de l’UNEP World Conservation Monitoring Center, certaines portions des forêts habitées par le gorille des montagnes présentent l’une des densités humaines les plus élevées d’Afrique pour un territoire rural. Les alentours du parc national des Virunga, en RDC, sont par exemple habités par environ 1 000 habitants au kilomètre carré. A peine quelques dizaines de kilomètres plus loin, la ville de Goma abrite plus d’un million d’habitants alors qu’elle n’en comptait que 170 000 en 1993 et 800 000 en 2010. Or, ces populations se chauffent grâce au charbon extrait des Virunga ; les exploitations sauvages provoquent une importante déforestation.
Par ailleurs, le développement des infrastructures et l’expansion de l’agriculture sont autant d’activités réduisant le territoire du gorille des montagnes. Eleveurs, bûcherons, chasseurs ou simples villageois à la recherche d’eau pénètrent dans les zones protégées. Bien que le gorille des montagnes puisse s’adapter à une forêt dite secondaire (c’est-à-dire une forêt qui s’est régénérée, par opposition à une forêt primaire), les pressions augmentent du fait de la démographie.
Enfin, dans les années 1990, l’instabilité politique de la région a provoqué une dégradation de l’habitat du gorille des montagnes. Les réfugiés rwandais en République Démocratique du Congo ont par exemple prélevé du bois dans les Virunga, provoquant la perte d’environ 100 km² de couverture forestière. La guerre civile en RDC a elle aussi eu des conséquences, d’autant que ces périodes sont peu propices aux recherches scientifiques et au suivi des populations.
Braconnage et captures
Les gorilles peuvent être chassés soit pour leur viande, soit afin que leurs os soient vendus aux touristes. Dans les années 1970, les crânes pouvaient par exemple être utilisés en guise de cendriers ou, plus simplement, comme trophées. Les mâles dominants peuvent également être abattus afin de capturer les individus les plus jeunes, ce qui permet de les revendre plusieurs dizaines de milliers de dollars.
Si ces pratiques semblent avoir nettement diminué dès le début des années 2000, il y a fort à parier qu’elles feront leur retour si la stabilité politique de la région est remise en cause. Dans les années 1990 par exemple, au moins 12 à 17 gorilles des montagnes des Virunga ont été tués du seul fait des activités militaires. En 2002, des rapports indiquent que des milices rwandaises ont tué deux gorilles mâles pour leur viande. La même année, au moins trois jeunes individus ont été volés par des braconniers et six adultes sont morts dans les Virunga. En 2007, quatre spécimens dont une femelle gestante ont connu le même sort.
Si le phénomène semble rester relativement mesuré, il peut avoir des conséquences importantes : en effet, le gorille des montagnes présente un taux d’infanticide élevé, principalement parce que les mâles subalternes n’hésitent pas à tuer la progéniture du dos d’argent une fois celui-ci décédé. Dans ces conditions, la mort d’un mâle dominant peut entraîner celle de nombreux juvéniles et freiner le développement d’une population, y compris sur le très long terme.
Transmissions des maladies
A l’image du chimpanzé ou du bonobo, le gorille des montagnes et l’Homme sont de très proches parents : nous partageons 98% de notre ADN avec ce primate, ce qui rend possible la transmission des maladies d’une espèce à l’autre. Le risque d’épidémie est plus important dans les groupes habitués à la présence humaine, notamment dans les zones exposées au tourisme, mais existe aussi dans les territoires reculés. Communautés locales, chercheurs, braconniers ou milices rebelles peuvent transmettre des bactéries à ces populations. Méningite, tuberculose, hépatite pourraient augmenter la mortalité des gorilles des montagnes et pousser cette sous-espèce vers l’extinction.
Sauvegarder le gorille des montagnes
Malgré ces nombreuses menaces et le classement de l’espèce « en danger d’extinction » par l’UICN, les effectifs de Gorilla beringei beringei sont aujourd’hui en nette augmentation. Ils sont en effet passés d’environ 620 en 1989 à près de 1004 en 2018. Si la sous-espèce n’est pas encore tirée d’affaire, il s’agit du seul grand primate à avoir vu ses effectifs augmenter au cours des dernières décennies.
Ce bilan très positif s’explique par les nombreuses mesures de conservation dont bénéficie cette sous-espèce du gorille de l’est, mais aussi par les grandes connaissances la concernant. Celles-ci ont notamment été acquises grâce aux travaux de Dian Fossey. Après un premier voyage au Rwanda en 1963, cette américaine fonde en 1967 le Karisoke Research Center dans le but d’étudier et protéger les gorilles des montagnes des Virungas. Si Gorilla beringei beringei est aujourd’hui le grand primate le mieux connu du monde, c’est en grande partie grâce à cette éthologue de renom assassinée en 1985 dans sa hutte. Malgré les controverses existant autour de ce personnage surnommé « la sorcière » par les communautés locales, Jane Goodall, elle aussi célèbre primatologue, estime que « si Dian Fossey n’avait pas été là, il n’y aurait probablement plus de gorilles des montagnes au Rwanda aujourd’hui. »
Gorilla beringei beringei est aujourd’hui listé sur l’Annexe I de la CITES, ce qui en interdit tout commerce international ; cette mesure a permis d’interrompre la vente d’os aux touristes. Par ailleurs, l’intégralité des populations évolue dans des parcs nationaux. De nombreux rangers armés patrouillent chaque jour sur ces territoires au péril de leurs vies : en vingt ans, 140 d’entre eux ont été tués dans les Virungas. Ces hommes recherchent et retirent les pièges, suivent les groupes de primates et protègent la forêt. En parallèle, des centres de rétablissement existent pour les jeunes gorilles sauvés des braconniers. Plusieurs ONG participent également à des opérations de sensibilisation dans des écoles afin d’éduquer la jeune génération, ou interviennent auprès des autorités ou des professionnels pour encourager une exploitation durable des ressources. Le Fonds international des Gorilles de Dian Fossey a également construit une bibliothèque et une maternité à Bisate, notamment pour soutenir les familles qui travaillent dans le parc national des volcans.
L’écotourisme joue également un rôle majeur dans la protection de Gorilla beringei beringei : de plus en plus de touristes visitent le Rwanda ou l’Ouganda pour approcher un gorille des montagnes. Le Rwanda a pleinement profité du développement du secteur pour en faire une manne financière : le primate rapporte chaque année plusieurs centaines de millions de dollars au pays. En 2016, 30 000 personnes ont acheté un « Permis Gorille » dans le pays pour un montant de 750 dollars l’unité afin d’apercevoir l’animal. Le 6 mai 2017, le Rwanda a annoncé que ce prix doublait afin de « renforcer les efforts de conservation et contribuer davantage au développement des communautés locales« . L’Ouganda n’est quant à lui pas en reste : comme son voisin, il tente d’attirer une clientèle haut de gamme.
Le secteur de l’écotourisme permet de recueillir des fonds pour les communautés locales, qui n’ont ainsi plus besoin d’exploiter la forêt, mais aussi de contribuer au travail de sensibilisation et d’éducation. A titre d’exemple, au Rwanda, le Kwita Izina est une cérémonie au cours de laquelle un nom est donné aux nouveau-nés gorilles. Elle rassemble chaque année des milliers de personnes depuis 2005.
Enfin, comme le chimpanzé, le gorille des montagnes profite du GRASP (Great Ape Survival Project). Ce plan de sauvegarde établi en 2001 par l’UNESCO et l’UNEP (Programme des Nations-Unies pour l’Environnement) dispose de six axes : implication politique, protection de l’habitat, préservation de la paix, endiguement des maladies, développement d’une économie responsable et lutte contre le commerce illégal.
La reproduction de ce primate menacé
La gestation du gorille des montagnes s’étale sur environ 8 mois et demi. A l’issue de cette période, un unique nouveau-né voit le jour. A la naissance, celui-ci n’a qu’une très faible autonomie : le sevrage n’a lieu qu’après l’âge de trois ans et, même une fois cette étape passée, le petit peut rester avec sa mère pendant plusieurs années. De fait, les femelles ne peuvent donner la vie qu’une fois tous les quatre à cinq ans.
Gorilla beringei beringei vit en familles comptant 2 à plus de 20 individus. D’une manière générale, les groupes sont composés d’un unique mâle dominant, le dos argenté, d’un harem de femelles et de plusieurs juvéniles des deux sexes. Ces derniers quittent le groupe lorsqu’ils atteignent leur maturité sexuelle, c’est-à-dire à environ 8 ans. Les femelles rejoignent alors une autre famille ou un mâle solitaire alors que les jeunes mâles cherchent à établir leur propre groupe. Ils peuvent aussi entrer en compétition directe avec leurs aînés pour avoir le droit de se reproduire mais, souvent, ils n’auront ainsi la possibilité de s’accoupler que bien plus tard, après de longues années passées à acquérir de l’expérience.
Des groupes aux structures différentes ont déjà été observés : il peut par exemple arriver que des groupes soient constitués uniquement de mâles, surtout lorsque ces derniers sont jeunes, ou que plusieurs mâles adultes cohabitent. Par ailleurs, les migrations de femelles adultes semblent relativement fréquentes. Elles peuvent s’expliquer par la mort du mâle dominant : si aucun mâle adulte n’est susceptible de prendre le contrôle du groupe, les femelles se dispersent et peuvent soit fonder un nouveau groupe avec un mâle solitaire, soit en rejoindre un déjà constitué.
1 réponse to “Le gorille des montagnes”
25.09.2019
pigeonj ai vu et revu « gorilles dans la brume » émouvant avec cette mafia aucune pitié tuer tous nos gros animaux déjà en vois de disparition
Fabien