Le 22 janvier dernier, 34 condors des Andes, un puma ainsi que plusieurs moutons et chèvres ont été retrouvés morts en Argentine, dans la Cordillère des Andes. Les autopsies ont révélé que les animaux ont été empoisonnés au carbofuran, un insecticide interdit en France en 2008 à cause de sa dangerosité.
Des empoisonnements qui font de nombreuses victimes chez les condors
Le condor des Andes, Vultur gryphus, est une espèce considérée comme « presque menacée » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Un statut que lui envient les vautours africains et asiatiques ou encore le condor de Californie, plus proches de l’extinction. Malheureusement, la situation du condor des Andes pourrait vite changer : rien qu’en Argentine, 60 de ces oiseaux ont été tués en moins d’un an. Plus inquiétant, sur ces 60 morts, deux empoisonnements de masse : en mars 2017 d’abord, 19 condors sont retrouvés morts, puis il y a deux semaines, la tragédie se répète faisant cette fois 34 victimes. A chaque fois, le même stratagème est employé : un éleveur dispose du poison dans une charogne, souvent du carbofuran, un puissant insecticide, et la laisse à la disposition des animaux sauvages. Le but : appâter les prédateurs naturels du bétail tels les pumas ou les renards pour les tuer. Le plus souvent, il s’agit de représailles après une attaque sur le bétail. Les charognards comme le condor ne sont donc pas directement visés : bien que beaucoup le considèrent comme un prédateur, Vultur gryphus ne s’attaque pas aux proies vivantes et même s’il voulait le faire, ses serres ne lui permettent pas d’attraper des animaux au sol contrairement aux rapaces. En revanche, son rôle écologique, semblable aux vautours africains et asiatiques, est trop souvent sous-estimé. En aidant à la décomposition des animaux morts, les charognards contribuent à nettoyer la nature et à empêcher le développement de maladies.
Vultur gryphus, une espèce qui reste fragile
Bien que le condor des Andes ne soit pas considéré comme une espèce menacée, ces empoisonnements de masse fragilisent Vultur gryphus. On estime que l’espèce compte aujourd’hui 6 700 individus en Amérique du Sud. Les 34 condors retrouvés empoisonnés le 22 janvier représentent donc 0.51 % de la population. Un chiffre qui parait très faible mais, à titre de comparaison, le Groupe de recherches en biologie de la conservation a transposé ce ratio a la population humaine actuelle et le résultat fait frémir : 37 485 000 personnes.
Si ces oiseaux ont une longévité assez importante – environ 50 ans – ces épisodes de morts massives inquiètent surtout les spécialistes à cause du faible taux de nativité des condors des Andes. En effet, la femelle ne pond qu’un seul oeuf tous les deux ans. Une particularité qu’il partage avec son cousin le condor de Californie. La croissance de l’espèce est donc très lente et la disparition de 34 spécimens, dont 30 adultes en âge de se reproduire, est une perte inestimable. Interrogé par Birdlife, Sergio Lambertucci, du Groupe de recherches en biologie de la conservation, déclare même que « les condors des Andes ne peuvent survivre à ces taux de mortalité ».
La loi sur la traçabilité des pesticides
Ce fait divers rappelle malheureusement la situation des vautours d’autres continents. Ainsi, en juillet 2017, 97 vautours africains avaient été retrouvés autour de la carcasse d’un éléphant au Zimbabwe. Le pachyderme avait avalé une pastèque contenant des pesticides. Personne ne sait qui de l’éléphant ou des vautours était la cible première, mais la multiplication de ces cas d’empoisonnements de masse est préoccupante. En Amérique du Sud, Aves Argentinas se bat pour l’adoption d’une loi sur la traçabilité des pesticides. Le principe : tenir un registre à la fois des éleveurs ou agriculteurs acheteurs, mais également des produits toxiques vendus. En effet, les pesticides sont non seulement coupables d’empoisonner la faune sauvage, mais ils pénètrent également dans les sols, contaminant les nappes d’eau. Les associations réclament donc « une réglementation urgente et la surveillance de l’utilisation, la fabrication, la formulation, le fractionnement, le stockage, le transport, le marketing, la publicité d’affichage, et des produits d’ordonnance et les substances destinées directement ou indirectement à l’agriculture, qu’ils soient nationaux ou importés, ainsi que l’utilisation et l’élimination des déchets ou des résidus et l’application de nouvelles technologies moins polluantes. » Une pétition a déjà récolté plus de 53 000 signatures en ce sens.
Le carbofuran pour sa part, est responsable de 66 des 90 derniers décès de condor recensés.
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