
Une mine d’or en exploitation dans la forêt équatoriale au Guyana, à quelques centaines de kilomètres de la Montagne d’Or
La Guyane a elle aussi son Notre-Dame-des-Landes… et il ne s’agit pas d’un aéroport mais de la Montagne d’Or ! Sous ce nom évocateur se cache un important gisement du précieux minerai et, surtout, le plus grand projet de mine aurifère que la France ait jamais connu. Une compagnie minière souhaite exploiter le filon à partir de 2022, avec à la clé des retombées pour l’économie locale, l’emploi… et l’environnement.
La Montagne d’Or ou la plus grande mine aurifère de France
Le site se trouve au coeur de la forêt, à 60 km de la première habitation. La ville la plus proche, Saint-Laurent-du-Maroni, est encore plus loin, au bout d’une piste de terre longue de 100 km ; il n’est possible de s’y rendre qu’en 4×4. La voie des airs est plus directe mais, là encore, rompt difficilement l’isolement des quelques employés présents en permanence sur place : l’aérodrome n’est adapté qu’aux hélicoptères et petits avions de tourisme.
Ainsi décrite, la Montagne d’Or pourrait passer pour un territoire isolé et remarquablement préservé, à l’abri des perturbations anthropiques, mais il n’en est rien. Découvert à la fin du XIXème siècle, le secteur n’a jamais cessé d’être exploité : employés des sociétés minières et orpailleurs clandestins y cohabitent encore aujourd’hui et se côtoient presque quotidiennement. Après un siècle et demi d’activités aurifères, les alentours de la Montagne d’Or sont au mieux constitués de forêt secondaire, au pire de simples friches et broussailles. Mais d’après les forages exploratoires effectués ces dernières années, le filon est loin d’être épuisé : près de 100 tonnes exploitables du minerai rare dorment encore à quelques centaines de mètres sous la surface. De quoi permettre aux spécialistes d’imaginer une exploitation d’envergure industrielle, une mine à ciel ouvert s’étalant sur 2,5 km de long, 500 mètres de large et creusée sur 400 mètres de profondeur. Des dimensions jamais égalées en France ! Le projet est porté par la Compagnie minière de la Montagne d’Or, elle-même détenue par deux entreprises internationales : Columbus Gold Corporation (Canada) et Nordgold S.E. (Russie). L’objectif annoncé est de lancer l’activité en 2022 et, à partir de là, d’extraire environ 85 tonnes d’or en douze ans.
3 750 nouveaux emplois et 3 milliards d’euros de retombées économiques
Selon la Compagnie minière de la Montagne d’Or, cette mine aurait de nombreuses retombées positives. Elle impliquera notamment la création de 750 emplois directs, une perspective d’une importance majeure dans une région où le taux de chômage atteint les 23 %. Le Medef, le syndicat Force Ouvrière de Guyane ainsi que de nombreux élus se sont prononcés résolument pour la tenue du projet en mettant en avant cet argument.
Les emplois promis par la Compagnie minière de la Montagne d’Or seront répartis entre le site d’exploitation, Saint-Laurent-du-Maroni et Cayenne. Ils devraient être accessibles à plusieurs niveaux de qualification, du non-diplômé jusqu’au Bac+5, et tout sera fait pour que les Guyanais en profitent en priorité. En parallèle, 3 000 emplois indirects ou induits sont également anticipés, notamment dans le secteur du bâtiment, de l’énergie, des travaux publics ou encore de l’exploitation forestière. La piste menant au site d’exploitation devra par exemple être aménagée, une ligne haute tension élargira le réseau électrique jusqu’à la mine, l’agriculture locale devra se développer pour répondre aux besoins des centaines de nouveaux arrivants… En bref, si le projet débute, une véritable ville verra le jour, avec toutes les infrastructures que cela implique. Pour les collectivités locales, les avantages ne sont pas négligeables non plus : entre les taxes et les impôts, la Guyane pourrait obtenir plusieurs centaines de millions d’euros durant les 12 ans d’exploitation. Au total, la Compagnie minière de la Montagne d’Or estime que l’ensemble des retombées financières s’élèverait à « plus de 3 milliards d’euros ».
Le spectre d’une catastrophe environnementale
Comment expliquer qu’en dépit de ces prévisions optimistes, la contestation ait vu le jour et se poursuive ? La réponse est à chercher du côté des répercussions environnementales du projet. Selon un sondage IFOP commandé par le WWF France et publié fin janvier, 75 % des Guyanais estiment que « la Montagne d’Or représente un risque important pour l’environnement« . Un rapport du WWF France intitulé « Montagne d’Or, un mirage économique ? » rappelle par ailleurs que « l’utilisation de 57 000 tonnes d’explosifs et la mobilisation d’un procédé de cyanuration (46 500 tonnes de cyanure) sont prévues » sur toute la durée d’exploitation du site.
Ces chiffres font peser sur la Guyane la menace d’une catastrophe écologique similaire à celle qu’a connue le Brésil en novembre 2015. La rupture de deux barrages miniers avait alors libéré des dizaines de milliers de mètres cubes de boue polluée dans une rivière, ravageant les écosystèmes jusqu’à l’océan, 650 km en aval. Flore, poissons, crustacés, tortues ont trouvé la mort par millions dans ce « Fukushima brésilien ». Selon le collectif Or de question, qui a lancé une pétition afin de s’opposer à la création de la mine en Guyane, « au moins 25 ruptures de digues ont eu lieu dans le monde depuis 2000 », produisant de fait des dommages environnementaux majeurs.
La Compagnie minière explique pour sa part vouloir mener une exploitation aussi « responsable » que possible, sélectionnant par exemple des zones déjà dégradées pour construire de nouveaux bâtiments. Elle rappelle également que les nombreux orpailleurs clandestins qui exercent dans le secteur utilisent largement le cyanure sans recyclage ni destruction, et avec une efficacité bien moindre que celle des procédés industriels. Un projet d’envergure industrielle les chasserait de la Montagne d’Or, ce qui permettrait de mieux contrôler les effets de ce produit toxique dans l’environnement.
Prochaine étape : un débat public de mars à juin 2018
D’autres considérations environnementales peuvent être prises en compte, comme la consommation de près de 150 millions de litres de fuel en 12 ans ou le fait que, d’après l’Autorité environnementale sur la programmation pluriannuelle de l’énergie de la Guyane, une mine d’une telle ampleur provoquerait une augmentation d’environ 20 % de la consommation électrique actuelle du département. Le réaménagement de la piste menant au site et la construction de la ligne haute tension provoqueraient par ailleurs le déboisement d’environ 500 hectares de forêt primaire et fragmenteraient un peu plus le territoire de la faune locale. Enfin, les frontières de la réserve biologique intégrale de Lucifer Dékou-Dékou seraient situées à quelques centaines de mètres de la mine.
Il est également possible d’ajouter que le maintien d’un tel projet créerait un précédent en France : d’autres mines du même acabit pourraient alors voir le jour. Le territoire guyanais n’ayant encore jamais abrité d’exploitation industrielle, de nombreux gisements d’importance attendent d’être explorés puis exploités. Une fois le projet Montagne d’Or mené à son terme, la Guyane comptera des centaines d’ouvriers spécialisés dans le secteur minier… de quoi encourager d’autres entreprises à s’implanter sur le territoire tout en réduisant les coûts de formation. Là encore, si cela contribuerait évidemment au développement économique de la région, la perspective ne paraît pas encourageante pour l’environnement. Les avis divergent jusque dans les plus hautes sphères de l’Etat puisque Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, s’est dit opposé au projet en novembre dernier alors qu’Emmanuel Macron avait estimé qu’il « pouvait être bon pour la Guyane » quelques semaines plus tôt. Difficile, dans ces conditions, de savoir comment tournera le débat public organisé de mars à juin 2018 en Guyane : en fonction de son résultat, les travaux commenceront dès 2019… ou seront abandonnés.
0 réponse à “La Montagne d’Or, un projet minier industriel au coeur de la forêt guyanaise”