Lorsque les scientifiques du Ruaha Carnivore Project (RCP) ont reçu une alerte émanant de l’émetteur de l’un des lions qu’ils suivent, ils ne s’attendaient pas à un tel carnage. Sur place, à proximité du parc national de Ruaha dans le sud-ouest de la Tanzanie, ces défenseurs des grands carnivores ont découvert les cadavres de six lions – quatre femelles et deux mâles – et de 74 vautours. Quatre autres charognards étaient blessés, ils ont immédiatement été pris en charge et conduits dans le parc national où ils ont été soignés. Malheureusement, l’un d’eux n’a pu être sauvé, portant à 75 le nombre d’oiseaux morts. Tous ces animaux se situaient à côté d’une carcasse de vache, laissant induire qu’ils ont été sciemment empoisonnés.
Un empoisonnement en guise de représailles
Les grands carnivores et les charognards sont souvent victimes d’empoisonnements de masse : en janvier, 34 condors des Andes ont été tués par un pesticide en Argentine ; en 2017, ce sont pas moins de 94 vautours qui sont morts après avoir mangé la carcasse d’un éléphant empoisonné par des braconniers. Les exemples sont légion. Au point qu’en 2015 déjà, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) sonnait l’alerte en rappelant que quatre espèces de vautours d’Afrique étaient en danger critique d’extinction, et ce principalement à cause des empoisonnements volontaires et involontaires dont ils sont victimes.
Les autorités tanzaniennes ont ouvert une enquête, mais tout semble indiquer un empoisonnement pour se venger des attaques de lions sur du bétail. Un suspect a déjà été arrêté et des échantillons sont en cours d’analyse pour déterminer quel type de poison a été utilisé. « C’est alarmant de constater que le poison est une réponse courante aux attaques sur les bêtes », commente le RCP sur sa page Facebook. Car cette technique ne date pas d’hier. Les félins ont l’habitude de revenir sur une carcasse plusieurs heures ou jours après avoir tué l’animal pour continuer à s’en nourrir. Les paysans ont depuis longtemps compris ce stratagème et certains placent du poison dans le cadavre de la proie pour se débarrasser du prédateur. « Le bétail est extrêmement important pour les locaux et les carnivores peuvent causer d’immenses dégâts économiques lorsqu’ils s’attaquent à un troupeau », ajoute l’organisme membre du WildCRU (Wildlife Conservation Research Unit) de l’université d’Oxford. Pour rappel, 80 % de la population vit avec moins de 2 dollars par jour en Tanzanie.
Des solutions pour lutter contre ces actes
Le RCP explique que la population locale ne doit pas être hâtivement jugée et rappelle qu’en Europe, les grands prédateurs ont presque tous été exterminés suite aux dégâts qu’ils causaient sur le bétail. Aujourd’hui encore, la réintroduction de l’ours dans les Pyrénées et le retour du loup dans les Alpes suscitent de vives polémiques. En Tanzanie comme dans de nombreux pays du monde, les conflits entre l’Homme et la faune sont fréquents. Pour les empêcher, plusieurs solutions existent comme la mise en place de systèmes lumineux autour des enclos ou le recours à des chiens pour protéger les troupeaux. Mais aucune n’est efficace à 100 % contre les grands carnivores. La clé, selon le Ruaha Carnivore Project : faire en sorte que les habitants tirent un réel bénéfice de l’existence de cette faune dans leur environnement direct. « Il est essentiel de sécuriser les zones protégées [telles que les réserves et parcs nationaux, NDLR], mais il est encore plus important de s’assurer que les populations locales bénéficient elles aussi de la faune, de sorte qu’elles finissent par la considérer comme un atout », conclut le RCP.
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