Voilà deux siècles que l’Australie détient le triste record du pays ayant le plus fort taux d’extinction de mammifères au monde. L’île-continent a tout tenté ou presque pour protéger les derniers spécimens de bilbis (Macrotis lagotis), de lièvres-wallabies à lunettes (Lagorchestes conspicillatus), de lièvres-wallabies roux (Lagorchestes hirsutus), de chats marsupiaux moucheté (Dasyurus viverrinus) ou encore de numbats (Myrmecobius fasciatus) et de rats-kangourous (Dipodomys ingens), gravement menacés par les dix millions de chats sauvages qui envahissent son territoire. Avec plus ou moins de succès. Le gouvernement a même suscité la polémique en annonçant vouloir tuer deux millions de chats entre 2015 et 2020. Cette solution est également envisagée par sa voisine, la Nouvelle-Zélande. Mais une option bien moins drastique vient d’être mise en place par l’ONG Australian Wildlife Conservancy : la création d’un immense sanctuaire entièrement clôturé et dans lequel pourront vivre en toute sécurité ces animaux menacés. D’après le professeur Chris Dickman, de l’université de Sydney, il s’agirait de la meilleure solution à l’heure actuelle puisqu’elle permettrait de garantir aux mammifères concernés un taux de survie de l’ordre de 80 %.
Plus grande barrière anti-chats au monde
Baptisé à juste titre « Newhaven » (« nouveau paradis » en français), ce refuge se situe au nord-ouest d’Alice Springs, au coeur du pays. Onze espèces menacées y seront réintroduites tandis que tous les chats sauvages se trouvant à l’intérieur du sanctuaire seront débusqués et tués d’ici la fin de l’année. Cette réserve naturelle devrait s’agrandir progressivement ces prochaines années jusqu’à atteindre les 65 000 hectares, soit 650 km². Le gouvernement australien envisage même de pousser le projet jusqu’à 100 000 hectares. L’objectif : recréer le bush australien tel qu’il était avant l’arrivée des espèces invasives que sont le chat et le renard.
La toute première étape de ce projet vient de prendre forme avec la construction du plus grand mur anti-chats au monde. Pour bâtir cette clôture longue de 44 km, 85 000 piquets auront été nécessaires ainsi que 400 km de fil et 130 km de barbelés. Pour l’instant, elle entoure une aire protégée de « seulement » 94 km² : le record du plus grand barrage anti-chats sera donc très prochainement encore amélioré !
#BREAKING: AWC has just completed construction of the world’s longest feral cat-proof fence at Newhaven in central Australia. The project will increase populations of 11 threatened mammals including Mala, Bilby & Black-footed Rock-wallaby. More info: https://t.co/eYrMVGvB9Y pic.twitter.com/BBH6raUT3A
— Australian Wildlife Conservancy (@awconservancy) April 13, 2018
Les espèces endémiques menacées par le chat et le renard
Importé par l’Homme il y a un peu plus de 200 ans, le chat haret ou chat errant n’a aujourd’hui plus rien à voir avec le chat domestique. Il a depuis longtemps quitté les fermes et maisons pour retourner à la vie sauvage en Australie. Le petit félin a trouvé sur ce territoire tout ce dont il avait besoin pour proliférer : de la nourriture en abondance et aucun prédateur naturel. Résultat, il est aujourd’hui présent sur 99,8 % de l’île-continent et cause des ravages sur la faune locale. Avec le renard, autre animal introduit par les premiers colons britanniques pour qu’ils puissent poursuivre leurs traditionnelles chasses à courre à l’autre bout du monde, cette espèce invasive est devenue l’un des pires fléaux pour la biodiversité australienne, causant la disparition d’une trentaine d’espèces endémiques depuis l’arrivée des premiers colons. Et une soixantaine d’autres suivraient aujourd’hui la même voie, comme par exemple le bilby, classé comme vulnérable (VU) par l’UICN, le fourmilier marsupial ou numbat, classé quant à lui en danger (EN), ainsi que le rat-kangourou, le chat marsupial moucheté et les lièvres-wallabies, ou encore la bettongie à queue touffue (Bettongia penicillata), en danger critique d’extinction (CR).
Une espèce invasive et vorace
Les chats harets sont des chasseurs hors pair : agiles, dotés de griffes affûtées et d’une excellente vision nocturne, ils peuvent chasser en tout endroit, de jour comme de nuit. Si bien que même les mammifères nocturnes ne lui résistent pas. A la différence du dingo, canidé sauvage importé par des colons d’Asie du sud-est, qui vit en meute et donc autorégule sa population, le chat haret vit en solitaire et se reproduit sans limite. Par ailleurs, il n’a pas besoin de vivre à proximité d’un point d’eau, si bien qu’il couvre aujourd’hui l’intégralité du territoire, à l’exception de quelques îles préservées et de zones clôturées comme la réserve de Newhaven. Son appétit est grand. Les oiseaux, les petits rongeurs et les marsupiaux font partie de ses proies favorites. Les scientifiques estiment que les chats tuent 1 million d’oiseaux indigènes toutes les nuits et, selon Australian Wildlife Conservancy, ce sont 2 000 mammifères qui meurent entre leurs griffes toutes les minutes sur le territoire.
par Jennifer Matas
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