Suite à la consultation publique du mois de mai, le ministre de la Transition écologique et solidaire a présenté le 4 juillet 2018 ses 90 actions pour « reconquérir la biodiversité » en France. Le résultat est-il conforme à vos attentes ? Espèces Menacées fait le point.
Beaucoup de « mesures imprécises » mais quelques actions « concrètes et intéressantes »
« Un tiers de mesures intéressantes et concrètes, un tiers de dispositions recyclées ou déjà existantes, et un tiers de mesures peu impactantes ou imprécises dans leur mise en œuvre. » Voici comment l’association France Nature Environnement résume assez justement le plan Biodiversité Hulot, dans un communiqué. Artificialisation des sols, glyphosate, pollution plastique, protection des pollinisateurs naturels… La plupart des grands thèmes attendus sont présents, excepté la cohabitation avec les grands prédateurs qui fait l’objet d’une politique à part, précisée notamment dans le Plan Loup. Si de nombreuses mesures manquent sans doute de pragmatisme, certaines vont dans le bon sens et prouvent la volonté du gouvernement d’apporter des réponses concrètes aux grandes causes de disparition de la biodiversité que sont les différentes pollutions et la disparition des habitats naturels.
Des ambitions et des objectifs
Le plan Biodiversité ne manque ni d’ambition ni d’objectifs, reste à savoir s’ils seront tenus ! Voici les principaux engagements du gouvernement.
Zéro plastique rejeté en mer d’ici 2025
Un mois après la Journée mondiale de l’environnement sur le thème de la pollution plastique, Nicolas Hulot a annoncé la suppression de la vente de 12 produits plastique à usage unique. Parmi eux, quelques-uns sont déjà interdits comme les sacs en plastique, les microbilles dans les cosmétiques et les cotons-tiges à usage domestique (interdiction effective en 2020). Auxquels se rajoutent donc désormais les contenants en polystyrène, les assiettes, gobelets, tasses, verres et pailles en plastique qui seront interdits à partir de 2020 ainsi que les agitateurs pour boisson, couverts et tiges en plastique pour ballons de baudruche qui, eux, seront prohibés en 2022. Comme en réponse à cette annonce, la ville de Paris a annoncé le 5 juillet la suppression progressive des pailles en plastique, à partir de septembre, dans tous les équipements municipaux.
Le recyclage du plastique et la lutte contre le suremballage seront également des priorités pour réduire la pollution des cours d’eau. Enfin, dans le même but, l’Etat rendra obligatoire d’ici 2022 l’installation de filtres de récupération des particules de plastiques sur le réseau d’eaux usées des sites où celles-ci sont produites ou utilisées.
La protection de la faune marine renforcée
Si peu de mesures précises ont été annoncées concernant la faune terrestre, l’écosystème marin a fait l’objet d’une attention particulière. Sa protection – et notamment celle des cétacés – sera renforcée au travers de diverses actions :
- Mise en place d’une filière de collecte et de valorisation des filets de pêche usagés.
- 100 % des récifs coralliens français devront être protégés à l’horizon 2025.
- Mise en place dès 2018 d’un plan national d’actions pour la protection des cétacés afin de limiter leur perturbation, les échouages et les captures accidentelles.
- La France militera pour la création d’une aire marine protégée dans les eaux internationales d’ici 2022 et soutiendra la création d’un réseau d’aires marines protégées en Antarctique (fin 2017, la création d’un immense sanctuaire avait échoué).
- Au niveau européen, le pays défendra l’interdiction de la pêche électrique et demandera la modification de la réglementation sur la pêche pour mieux protéger les tortues marines.
Peu de mesures concernant les espèces menacées
Le plan Biodiversité ne cite aucune espèce de façon explicite à l’exception des deux femelles ours brun dont la réintroduction dans les Pyrénées a été confirmée. Pour autant, le ministre de la Transition écologique et solidaire annonce l’élaboration de nouveaux plans nationaux d’actions multi-espèces ou habitats pour les espèces les plus en danger, en particulier dans les territoires d’outre-mer, d’ici 2020, sans donner plus de précisions. La nouvelle politique semble aller vers une protection accrue des habitats puisqu’un décret devrait voir le jour fin 2018 permettant de protéger non plus une espèce mais également tout un habitat naturel.
L’une des mesures les plus importantes est la création ou l’extension de 20 réserves naturelles nationales, dont au moins deux en outre-mer, le gouvernement faisant le constat que « s’il est indispensable d’agir partout et pour toutes les espèces, le plan Biodiversité vise aussi à renforcer l’action à destination des écosystèmes les plus menacés. »
Enfin, Nicolas Hulot annonce la mise en place dès cette année d’une structure d’accueil pour les animaux faisant l’objet d’une saisie par les douanes. Actuellement, ceux-ci sont euthanasiés ou accueillis par des associations comme Tonga Terre d’Accueil.
L’artificialisation des sols
La lutte contre l’artificialisation des sols est l’un des thèmes les plus présents de ce plan Biodiversité. « En France, c’est plus de 65 000 hectares qui sont artificialisés chaque année, soit l’équivalent d’environ un département tous les 8 ans. […] Le plan Biodiversité vise à non seulement freiner l’artificialisation des espaces naturels et agricoles, mais aussi à reconquérir des espaces de biodiversité partout où cela est possible : sur des friches industrielles, dans les villes denses, à la périphérie des métropoles. »
L’Etat s’engage sur un objectif de zéro artificialisation nette mais ne s’engage pas sur une date, qui sera à déterminer avec les collectivités.
L’agriculture
C’est sans doute le sujet qui était le plus attendu par les ONG de protection de l’environnement : le plan Biodiversité confirme la fin du glyphosate de manière progressive dans les cinq ans à venir et l’interdiction de tous les insecticides neuro-toxiques semblables aux néonicotinoïdes déjà actée lors des États généraux de l’alimentation. Dans la même idée, l’agriculture biologique devrait passer de 6 % de la surface agricole française actuelle à 15 % d’ici 2022.
Au niveau financier, 150 millions d’euros seront consacrés d’ici 2021 à la mise en place de paiements pour services environnementaux (PSE), des récompenses financières pour inciter les agriculteurs à penser à l’environnement. Ces mêmes agriculteurs pourront se voir rémunérés s’ils augmentent au-delà du minimum légal de 5 % la part de leur surface consacrée aux prairies permanentes, bocages, haies, zones humides, murets, bandes enherbées, etc. Bref, partout où la biodiversité peut se réfugier.
Enfin, contrairement à des rumeurs longtemps répandues notamment sur les réseaux sociaux, l’Etat français encourage la « protection et la promotion des semences de variétés anciennes, autant destinées à des usages amateurs que professionnels. »
Lutter contre la déforestation
La France se veut exemplaire et mettra en œuvre une politique « zéro déforestation » pour les achats publics de l’État à l’horizon 2022. Une manière également d’être conforme à sa demande de consacrer 40 % du budget européen à l’environnement. Le plan Biodiversité nous annonce également l’arrivée cet été d’une « stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI) » qui « vise à réduire puis à stopper d’ici 2030 l’impact des importations françaises sur les phénomènes de déforestation, de dégradation des forêts tropicales et de conversion d’écosystèmes ». Rappelons que la déforestation pour l’industrie du bois fait rage notamment à Madagascar et en Afrique.
Voici « en bref » quelques-unes des 90 mesures annoncées ce mercredi dans le plan Biodiversité mais nous vous invitons à consulter l’ensemble dans le détail : Plan Biodiversité 2018.
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