Macrovipera schweizeri de son nom scientifique est une vipère endémique des Cyclades, en Grèce. Très menacée par ses mauvaises rencontres avec l’Homme, sa population sauvage ne compterait qu’un peu plus de 3 000 individus, dont la grande majorité vit sur l’île de Milos. Une rareté qui en fait l’un des serpents les plus menacés d’Europe.
Description de Macrovipera schweizeri
Caractéristiques physiques
La vipère de Milos est un reptile appartenant au genre Macrovipera, ce qui signifie en grec « grande vipère ». Et en effet, sa taille est plutôt imposante : entre 60 et 70 cm en moyenne pour les individus adultes, les plus gros spécimens observés pouvant mesurer jusqu’à 1,10 m. Comme de nombreuses vipères, la tête de Macrovipera schweizeri est plate et triangulaire avec toutefois le bout moins pointu que ses congénères, ce qui lui vaut d’être parfois appelée « vipère au nez émoussé des Cyclades ». Ces serpents peuvent être de différentes couleurs, leur robe allant du très clair (ivoire à beige) au foncé (brun-marron), voire même au rouge : ainsi, les Grecs la surnomment « vipère rouge de Milos ». Certains spécimens portent des taches sombres sur leur partie supérieure tandis que d’autres sont entièrement unis. Le dessous du corps, celui qui est en contact avec le sol, est généralement plus clair. Fait assez remarquable, le dessous de la queue de cette vipère est jaune, ce qui a une utilité bien précise comme nous le verrons plus loin. Ses pupilles sont quant à elles très fines et verticales telles des fentes, et sa langue est longue et fourchue.
Venin
Ce serpent est venimeux et sa morsure mortelle pour l’Homme. En revanche, les attaques restent extrêmement rares : craintive, la vipère de Milos préfère demeurer à l’écart des sentiers empruntés par les randonneurs. Peu de chance donc de tomber sur elle lors d’une balade, d’autant qu’aux beaux jours, elle ne sort qu’à la nuit tombée. En cas de rencontre fortuite, mieux vaut garder au maximum ses distances et s’éloigner de l’animal sans gestes brusques. Macrovipera schweizeri peut se sentir en danger lorsqu’elle est piétinée par inadvertance ou saisie, et alors passer à l’attaque. Dans pareil cas, elle peut adopter une posture quelque peu semblable à celle du cobra, avec la tête et le haut du corps dressés et prêts à fondre sur la cible. Pour mordre, elle plante ses deux crocs situés dans la partie haute de sa gueule et déverse son venin, fabriqué par ses glandes salivaires. Mais encore une fois, les morsures sont très rares et peuvent facilement être évitées, tout simplement en la laissant tranquille.
Alimentation
Adulte, Macrovipera schweizeri mange principalement des oiseaux qu’elle attrape en se hissant dans des arbres ou en leur tendant un guet-apens près des cours d’eau. Elle utilise le bout de queue comme subterfuge : en l’agitant, elle fait croire à ses proies qu’il s’agit d’un ver. Ces dernières s’approchent alors sans se douter de rien et sont attaquées par surprise. Il s’agit de mimétisme agressif : un prédateur se fait passer pour une proie afin d’attirer la sienne facilement. Cette technique de chasse est plutôt répandue chez les vipères. On appelle cela « leurre caudal ». En raison de la localisation de son habitat, au milieu d’un couloir migratoire, ce reptile mange surtout les oiseaux migrateurs et principalement des passereaux. Ce régime alimentaire reste toutefois inaccessible aux juvéniles, qui préfèrent chasser des lézards et plus occasionnellement des œufs qu’ils trouvent sur leur chemin.
Comportement
Parce qu’elle ne supporte pas les températures trop élevées, la vipère de Milos est un animal nocturne aux saisons les plus chaudes de l’année, du début de l’été jusqu’à mi-septembre environ, et diurne le reste du temps, en-dehors de sa période d’hibernation. A ce moment-là, elle choisit un trou orienté vers le sud dans lequel elle pourra rester à l’abri pendant la saison froide. Les mâles ont besoin d’environ 10 à 20 hectares pour vivre et les femelles d’une surface plus petite mais, en moyenne, une vipère de Milos ne parcourt pas plus de 30 mètres en une nuit.
Localisation et habitat de la vipère de Milos
Endémique des Cyclades, Macrovipera schweizeri n’est pas présente dans les 24 îles habitées que compte cet archipel grec de la mer Egée, située entre la Grèce et la Turquie, mais seulement sur quatre : Milos, Sifnos, Kimolos et Polyaigos. Toutes se trouvent dans la partie occidentale de l’archipel. Nulle chance donc de croiser cette vipère dans les îles les plus touristiques comme Santorin, Mykonos ou Paros. Comme son nom l’indique, cette vipère est plus répandue à l’ouest de Milos avec environ 2 500 individus, soit plus de 80 % de la population totale, et 500 autres dans la partie est de l’île. Ailleurs, elle est peu présente. A Sifnos, par exemple, elle est extrêmement rare et seuls quelques spécimens ont été observés. Sur le papier, son aire de répartition s’étend sur 5 000 km² mais sa zone d’occurrence ne dépasse pas en réalité les 100 km².
La vipère de Milos apprécie le climat aride et les paysages de maquis que lui offrent les Cyclades. Elle aime se reposer à l’ombre de grands buissons, dans des zones herbeuses et humides, si bien qu’on la retrouve plus fréquemment dans les petites criques et le lit de cours d’eau, surtout au printemps. Dans les terres, on peut également la trouver dans des endroits plus denses en végétation et au sol pierreux, à condition qu’il existe un point d’eau à proximité, et sur des terres agricoles.
Menaces sur la vipère des Cyclades
L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) estime à un peu plus de 3 000 individus la population de vipères de Milos à l’état sauvage. Le reptile est « en danger » (EN) et figure sur la liste rouge des espèces menacées. Après avoir connu un fort déclin, sa population semble toutefois se stabiliser.
Mortalité sur les routes et persécutions
Lorsque la vipère de Milos croise la route de l’Homme, cela se termine généralement mal pour l’animal. Tout d’abord parce que comme tous les serpents en général, les vipères souffrent d’une image négative. Elles suscitent la crainte donc sont souvent abattue, d’autant qu’il existe une légende répandue à Milos selon laquelle ces serpents seraient capables de mordre avec leur queue. Leur mort par la main humaine peut également être accidentelle, par exemple lorsqu’ils traversent une route et se font écraser par une voiture ou un camion. Entre 500 et 600 vipères de Milos seraient ainsi tuées chaque année en Grèce. Un chiffre qui correspond non seulement à près d’un quart du nombre total de vipères de Milos mais aussi peu ou prou au nombre d’individus qui atteignent leur maturité sexuelle chaque année, ce qui signifie que la seule menace d’une mauvaise rencontre avec l’Homme annule le seuil de renouvellement naturel de l’espèce. En l’état, cela voudrait dire que la population sauvage ne pourrait donc mathématiquement plus croître et comme d’autres menaces s’ajoutent, l’avenir de Macrovipera schweizeri s’annonce critique.
Diminution de son habitat naturel
En effet, en plus des persécutions et des accidents de la route, cette vipère des Cyclades doit aussi faire avec la perte de son habitat naturel. Les raisons : la propagation d’incendies dans le maquis lors des très fortes chaleurs, ce qui détruit les arbres et buissons dans lesquels elle chasse ses proies une partie de l’année, et l’exploitation minière. A Milos, l’extraction de minéraux comme le kaolin – une argile blanche très friable utilisée notamment comme pigment ou dans la fabrication de la céramique – constitue la principale activité économique de l’île. La création de mines à ciel ouvert pour extraire de la bentonite, du ciment et de la perlite a par ailleurs profondément bouleversé le paysage mais aussi la faune et la flore présentes, privant la vipère de Milos d’arbustes où se réfugier et de proies à chasser. Sans compter que les incessantes allées et venues des camions entre les sites d’extraction et les docks où est chargée la marchandise ajoutent au risque de l’écraser.
Prélèvements dans la nature
Pendant de nombreuses années, la vipère de Milos a également dû faire face à une autre menace : le prélèvement dans la nature. C’est notamment son venin qui était recherché, car utilisé dans la préparation de médicaments et d’antidotes en cas de morsure. Des individus sont également capturés pour être ensuite revendus sur le marché noir, une seule vipère pouvant rapporter 1 500 €. Aujourd’hui, sa capture est interdite et encore plus sa commercialisation, l’espèce étant protégée, mais le braconnage n’a pas disparu. A noter que la prolifération de chats errants nuit également à la survie de sa population sauvage, les jeunes vipères faisant partie de leurs proies de prédilection.
Efforts de conservation
Comme évoqué plus haut, le nombre de juvéniles atteignant chaque année la maturité sexuelle équivaut à celui des individus tués sur les routes. « Il s’agit d’un équilibre très fragile, et une augmentation, si faible soit-elle, du nombre de vipères tuées ou capturées peut conduire à l’extinction rapide de l’espèce », écrit le Conseil de l’Europe dans un rapport publié en 2000 lors d’une visite à Milos. Aujourd’hui, l’espèce est protégée et figure en annexe II de la Convention de Berne. Il est donc interdit de la capturer et de la tuer.
Construction de passages pour serpents
Pour préserver l’espèce, il faut impérativement réduire la mortalité des individus jeunes ou déjà matures pour la reproduction. Cela passe inévitablement par une action sur le trafic routier terriblement meurtrier pour l’espèce. Il est ainsi prévu la construction de barrières pour empêcher les serpents de traverser les routes. Le creusement de passages souterrains leur permettant de se déplacer en toute sécurité a également été réalisé sur quatre sites où vit la vipère de Milos et d’autres sont prévus. Enfin, des accords ont été trouvés avec les industries minières pour réduire la circulation de leurs camions la nuit.
Sites Natura 2000
Autre point essentiel : la protection de son habitat. L’essentiel de la population sauvage de cette vipère se situe à l’ouest de Milos, une zone qui est aujourd’hui entièrement protégée et classée Natura 2000. Le programme de « protection et de promotion des habitats et des espèces de la zone Natura 2000 de l’île de Milos » est piloté par l’Agence de développement régional des Cyclades. Deux de ses missions principales consiste à sensibiliser la population à l’importance de la faune, y compris de la vipère de Milos, et à encourager les habitants à ne plus la tuer lorsqu’ils la croisent. Toute l’île de Polyaigos est également protégée par le programme européen d’aires protégées.
Reproduction de la vipère menacée
La vipère de Milos est un animal solitaire qui ne recherche un partenaire qu’au moment de la période de reproduction, généralement aux alentours de mi-mai. La femelle est ovipare, ce qui signifie qu’elle pond des œufs qui écloront plusieurs jours après la mise bas. Il s’agit d’une véritable particularité car la plupart des vipères européennes, comme la vipère aspic par exemple, sont ovovipares : leurs œufs éclosent à l’intérieur et les femelles mettent bas directement leurs petits. La vipère de Milos pond une fois tous les deux ans entre quatre et onze œufs à la fois.
par Jennifer Matas
2 Réponses to “La vipère de Milos ou vipère des Cyclades”
04.08.2023
Michel LecointreBravo Monsieur, beaucoup de nos congénères feraient bien de s’inspirer de votre action.
Cordialement. ML
26.06.2023
CHARLES FORNERComme tous les reptiles La Vipère de Milos mérite respect et pr, otection , je vis dans l Est de la Crète , et j ai eu l occasion à plusieurs reprises de filmer et même de capturer tout en la relâchant par la suite LA COULEUVRE LEOPARD ainsi que LA COULEUVRE DES BALKANS , c est à chaque fois un instant inoubliable que Dame Nature nous offre !!! La faune sauvage disparaît peu à peu en Crète , les beaux LEZARDS VERTS ET BLEUS sont très rares , les Hérissons ont pratiquement disparu quand au beau BLAIREAU il est souvent victime de la circulation , les petits scorpions je n en voient plus guère , pourtant j en avais dans ma maison ,quelques beaux GECKOS sont encore autour de la maison dans la végétation dense qu j ai créé , les CHAUVES – SOURIES se font très rares , ainsi que les rapaces diurnes et nocturnes , triste constat depuis 2007 où j ai démarré la réhabilitation d une ancienne demeure crétoise, utilisant des matériaux de récupération , aucune peinture toxique , et un mortier fait uniquement de POUDRE DE MARBRE ET DE CHAUX , pas un gramme de ciment !!!