Phénomène de mode ou réel sujet d’inquiétude, la loutre a la cote au Japon. Emissions TV, cafés à loutres, pages Instagram dédiées… L’animal est de plus en plus populaire. Problème : le mustélidé est également très demandé sur le marché des animaux domestiques et plus particulièrement la loutre cendrée, une espèce menacée.
L’engouement pour la loutre cendrée
L’étude conjointe de TRAFFIC et WWF publiée le 19 octobre dernier révèle l’intérêt grandissant des Japonais pour les loutres. Le mustélidé a en effet tout de l’animal peluche star des réseaux sociaux : un caractère joueur et gourmand doublé d’une tête et de mimiques attendrissantes. En plus d’une émission télévisée où des célébrités se mettent en scène avec leurs loutres domestiques, 10 cafés à loutres auraient ouvert leurs portes en l’espace de seulement trois ans à Tokyo, Osaka, Kobe et Nagoya. Ces sites comptent au total 32 animaux dont au moins 22 seraient, d’après les auteurs de l’étude, des juvéniles nés après 2017. Cet engouement aurait poussé les particuliers à vouloir adopter des loutres comme animal domestique. Mais c’est oublier qu’il s’agit d’un animal sauvage, d’un carnivore pouvant potentiellement mordre, mais également dans la plupart des cas d’animaux menacés. En effet, l’Asie compte quatre espèces de loutres :
- Lutra sumatrana, la loutre de Sumatra, la plus menacée de toutes puisqu’en danger d’extinction selon l’UICN,
- Lutra lutra, la loutre asiatique, considérée comme presque menacée,
- Lutrogale perspicillata, la loutre à pelage lisse, classée vulnérable,
- Aonyx cinereus, la loutre cendrée, vulnérable également.
C’est justement sur cette dernière que les nippons ont jeté leur dévolu. 89 % des loutres importées légalement par le Japon entre 2000 et 2016 appartenaient à l’espèce. Même chose côté illégal, la plupart des saisies en 2016 et 2017 ont concerné des loutres cendrées juvéniles. A chaque fois, la Thaïlande est le pays exportateur et le Japon celui destinataire. Mais l’origine des petits mammifères sur le marché des animaux domestiques semble floue dans bien des cas.
Des animaux à l’origine suspecte
Les auteurs de l’étude, Tomomi Kitade and Yui Naruse, ont ainsi découvert que la demande est telle qu’un marché de contrebande de loutres s’est créé. Et pour cause, le prix d’un de ces animaux est 300 fois supérieur au Japon que sur le marché noir thaïlandais. Les statistiques Google prouvent cet engouement : si le terme « loutre » est en constante augmentation depuis 2012, celui de « prix loutre » a explosé en 2016 ! Or, la provenance de ces animaux est souvent floue. Classée en annexe II de la CITES, Aonyx cinereus, la loutre cendrée, n’est pas interdite à la vente même si celle-ci est réglementée. Le problème vient des sources d’approvisionnement du marché des animaux domestiques. La demande croissante au Japon pourrait donc entraîner un prélèvement en milieu sauvage aux conséquences terribles pour cette espèce déjà menacée par la perte de son habitat et la pollution des cours d’eau. L’étude pointe du doigt le manque de législation japonaise sur la traçabilité des animaux de compagnie exotiques dont sont très friands les Nippons. Ainsi, 30 % des parcs animaliers et aquariums interrogés dans le cadre de cette enquête ont avoué avoir déjà collaboré avec des marchands d’animaux. Ce marché des loutres domestiques « non réglementé », en plus d’être une nouvelle menace pour l’espèce, fait également peser un danger sur l’écosystème japonais. Comme en France, les animaux sauvages devenus encombrants sont souvent relâchés dans la nature. Or, la loutre cendrée n’est pas présente naturellement au Japon, au contraire de la loutre asiatique…
par Cécile Arnoud
1 réponse to “Au Japon, l’inquiétante montée du trafic de loutres cendrées”
27.11.2019
FrançoisBonjour, ce qui est dangereux en effet c’est le commerce illégal et le prélèvement dans la nature. Après si tout cela est bien réglementé et que les loutres domestiques viennent d’élevages certifié, ce n’est pas bien méchant, au contraire. La loi devrait prévoir, en France aussi, des élevages certifiés, hors ce n’est pas le cas.