Cela ressemble au scénario dramatique d’un film de science-fiction et pourtant, c’est la réalité : l’écrevisse marbrée (Procambarus virginalis), un crustacé apparu il y a peu, est en train de gagner plusieurs zones dans le monde. Son secret pour se reproduire à vitesse grand V : l’auto-clonage.
L’écrevisse marbrée, une nouvelle espèce déroutante
Les circonstances dans lesquelles est apparue cette nouvelle espèce sont quelque peu floues, mais il semblerait que la toute première écrevisse marbrée soit née de l’union de deux écrevisses des marécages (Procambarus fallax), une espèce originaire de Floride (Etats-Unis). Cet « incident » ce serait produit dans les années 1990 au sein d’un aquarium allemand. Seulement, le spécimen ainsi né a hérité de caractères génétiques bien spéciaux, créant ainsi une toute nouvelle espèce : Procambarus virginalis. Ce crustacé d’eau douce se distingue pour deux raisons : tout d’abord il est apparu il y a moins de trente ans, et puis tous les individus qui existent aujourd’hui descendent d’une seule et même femelle. Plus incroyable encore, tous sont des femelles qui partagent – à de minuscules exceptions près – le même génome. En d’autres termes, il s’agit de clones. Une étude parue début 2018 a par ailleurs montré que son séquençage ADN était unique dans le monde des écrevisses puisque composé de 276 chromosomes. Il s’agit même de trois fois le jeu de chromosomes de l’espèce qui lui aurait donné naissance, Procambarus fallax.
Un mode de reproduction atypique
En fait, l’écrevisse marbrée se reproduit par parthénogenèse. Il s’agit d’un mode de reproduction asexuée dans lequel la femelle donne naissance à des petits sans l’intervention d’un mâle. Plusieurs espèces sont parthénogénétiques dans le règne animal et végétal, mais aucune écrevisse. Surtout, Procambarus virginalis est l’un des seuls animaux au monde à se reproduire exclusivement de cette façon, les autres espèces pouvant aussi, à l’occasion, se reproduire de façon sexuée. Les rotifères bdelloïdes, de petits invertébrés vivant en eau douce, sont eux aussi 100% parthénogénétiques, mais il s’agit à ce jour des deux seuls cas connus.
Une espèce invasive émergente
Cette espèce étonnante conçue en captivité a vite conquis les aquariophiles aux quatre coins du monde. Problème : certains individus ont réussi à s’échapper dans la nature et pourraient rapidement devenir une grave menace pour d’autres espèces indigènes. Son mode de reproduction rapide entre bien entendu en jeu : une seule femelle peut donner naissance à une centaine de clones toutes les huit semaines ! Soit environ 700 naissances d’écrevisses marbrées par an, qui elles-mêmes peuvent concevoir 700 clones chaque année, tout en sachant que leur espérance de vie est comprise entre 2 et 4 ans… Bref, des chiffres astronomiques qui donnent rapidement le vertige. On l’aura compris : relâcher une seule écrevisse marbrée dans la nature peut créer une nouvelle population en un temps record.
Présence confirmée sur trois continents
Autre point en faveur de Procambarus virginalis : elle s’adapte à tous les milieux qu’elle a colonisés jusqu’à présent. Peu importe la température de l’eau douce où elle est relâchée, son altitude ou encore sa teneur, l’écrevisse marbrée résiste à tout. Elle est déjà présente sur trois continents : en Europe (Allemagne, Italie, Croatie, Hongrie, Roumanie, Ukraine, Slovaquie, République Tchèque, Pays-Bas et Suède) en Afrique (Madagascar) et en Asie (Japon). Or, c’est tout à fait étonnant qu’une population de clones, donc par définition à la variété génétique quasi-nulle, parvienne à coloniser un écosystème avec autant de facilité que l’écrevisse marbrée. A Madagascar, par exemple, la situation est effrayante : en dix ans, l’espèce a multiplié par 100 son aire de répartition et sa population s’élève en 2017 à plusieurs millions d’individus !
par Jennifer Matas
1 réponse to “Capable de s’auto-cloner, l’écrevisse marbrée se répand dans le monde”
23.03.2020
URBANIAK Gérardcela pourra aider contre les famines toujours possibles