Après des mois de demandes, Pierre Rigaux de la Société française pour l’étude et la protection des mammifères (SFEPM) a été reçu la semaine dernière par le Ministère de la Transition écologique et solidaire pour exposer la situation du putois d’Europe – Mustela putorius. L’enjeu est de taille : l’association demande le retrait du putois de la liste des « espèces susceptibles d’occasionner des dégâts » et son inscription comme « mammifère protégé ».
Petit carnassier largement méconnu, le putois fait partie de la même famille que la belette, l’hermine ou encore le vison d’Europe : les mustélidés. Mammifère de 40 à 60 cm de long, il se reconnait principalement à son « masque » formé par les tâches blanches situées sur le museau, les sourcils et le bout des oreilles.
Une espèce victime de sa mauvaise réputation
Vivant principalement près des zones humides, des lisières de forêt ou encore des bocages, Mustela putorius est carnivore et se nourrit principalement de petits rongeurs, d’amphibiens, de lièvres ou encore d’oiseaux.
Le petit prédateur est aussi victime de sa réputation. On le soupçonne notamment d’attaquer les poulaillers et autres élevages d’oiseaux mais pas seulement. Comme l’explique Pierre Rigaux : « il y a un mélange d’intérêts précis et de fantasmes. Les chasseurs accusent les putois de consommer la petite faune et de s’en prendre aux faisans et aux perdrix d’élevage, lâchés au début de la chasse. Certains demandent le classement de l’espèce comme nuisible, simplement parce que c’est un petit carnivore comme le renard ou la fouine. » Sauf que contrairement à ces deux autres espèces, la population de putois en France est de plus en plus faible.
Un déclin impossible à chiffrer mais visible
Dans son étude datée de janvier 2017 sur la conservation en France de Mustela putorius, Pierre Rigaux atteste du fort déclin des effectifs de putois d’Europe depuis le milieu du XXe siècle. L’espèce ne fait l’objet d’aucun comptage mais est de moins en moins observée. « Nous ne possédons ni l’effectif actuel, ni l’effectif passé du putois d’Europe, mais il y a seulement quelques décennies, la fréquence d’apparition était beaucoup plus importante », réagit l’administrateur de la SFEPM avant d’expliquer : « Dans les années 1950, environ 350 000 putois étaient piégés chaque année, notamment pour leur fourrure. Ces dernières années, le piégeage ne concernait plus que quelques dizaines de milliers d’animaux. » Les causes de cette raréfaction sont multiples :
- la mortalité directe provoquée par la chasse et le piégeage (que l’espèce soit ciblée ou non) ;
- la perte et la dégradation de son habitat (particulièrement les zones humides) ;
- la mortalité routière ;
- la baisse des effectifs de ses proies.
Le Conseil national de la protection de la nature favorable à la protection de l’espèce
Des arguments entendus par le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) qui a rendu, le 23 novembre dernier, un avis favorable à la demande de protection du putois d’Europe. L’organisme estime que l’espèce « bénéficie d’assez peu de données chiffrées et d’observations pour permettre un avis argumenté et objectif », mais note cependant sa rareté dans la plupart des départements français.
Ce déclin, couplé à « l’urgence de protéger ses habitats », a convaincu le CNPN de tendre en faveur du classement du putois d’Europe comme mammifère protégé. Et ceci alors même que l’ONCFS, autre organisme étatique, s’est prononcé défavorablement.
Une espèce non menacée mais d’intérêt communautaire
Le putois d’Europe n’est pas encore reconnu comme une espèce menacée par l’UICN. Pourtant, le petit mammifère est classé dans l’annexe III de la convention de Berne « qui précise que son exploitation est réglementée de manière à maintenir l’existence des populations hors de danger » (source : ONCFS). La directive Habitats-Faune-Flore de 1992 la considère même comme une espèce sauvage d’intérêt communautaire.
Le gouvernement doit annoncer cet été les espèces qui figureront sur la liste des « animaux susceptibles d’occasionner des dégâts » et donc autorisés au piégeage à partir de 2020. Actuellement, seuls trois départements français autorisent la capture du putois d’Europe – la Loire-Atlantique, le Pas-de-Calais et la Vendée – mais de nombreux autres ont déjà déposé une demande pour 2020.
L’intérêt du classement comme espèce protégée
« La difficulté de notre requête, c’est qu’il y a deux statuts à changer. Il faut d’abord déclasser l’espèce des nuisibles puis la reclasser dans les espèces protégées. Deux changements forts mais nécessaires », estime Pierre Rigaux. Si le putois devenait interdit à la chasse, cela permettrait de mettre un focus sur l’espèce et de la faire connaître à un plus grand nombre. Pour appuyer ses propos, le naturaliste cite l’exemple du campagnol amphibie, placé sur la liste des mammifères protégés en 2012. « Depuis, les piégeurs découvrent son existence et font beaucoup plus attention, ils les relâchent lors de prises accidentelles alors qu’avant ils les auraient pris pour des rats et détruits. Autre intérêt, quand une espèce de mammifère est protégée, son habitat est aussi classé. »
« Tous les mammifères indigènes des milieux aquatiques français sont protégés (vison d’Europe, loutre, castor, desman des Pyrénées, etc.).Il n’en manque qu’un et c’est le putois d’Europe », conclut le fervent défenseur de l’espèce. Verdict avant l’été.
par Cécile Arnoud
1 réponse to “Le putois d’Europe pourrait être classé espèce protégée en 2019”
24.01.2019
geoffroy foussetbientôt ce sera l’espèce humaine qu’il faudra protéger car nous sommes les destructeurs de la nature sur laquelle nous déversons tous nos poisons les plus violents et nous tuons à l’envie tout se qui nous plais ou déplais