Il s’agit de l’extinction d’un grand mammifère qui se produit sous nos yeux. Le vaquita – ou marsouin du golfe de Californie (Phocoena sinus) – est le cétacé le plus menacé au monde. Alors qu’il en restait 567 en 1997, ils étaient moins de 22 à l’été 2018, avant la saison de pêche actuelle qui continue de faire des ravages. Aujourd’hui, les estimations sont donc encore plus faibles, ne laissant guère d’espoir pour la survie de l’espèce.
Moins de dix vaquitas encore en vie
En effet, d’après le dernier rapport du Comité international pour le rétablissement de la faune marine vaquita (CIRVA) – publié en février 2019 – il resterait désormais moins de dix vaquitas dans la nature. Un chiffre bien maigre susceptible de diminuer chaque jour.
En cause, la pêche illégale du totoaba, un poisson en danger critique d’extinction qui vit dans la même zone, en mer de Cortez. Le totoaba est très prisé en Chine pour sa vessie natatoire, qui se vend à prix d’or : jusqu’à 46 000 dollars le kilo ! La disparition du vaquita est donc un dommage collatéral causé par la pêche du totoaba. Les marsouins se retrouvent piégés dans les filets maillants des braconniers et meurent le plus souvent étouffés. Début mars, un vaquita était encore retrouvé mort dans des filets.
« Nous insistons sur le fait que le seul espoir restant pour le vaquita est d’éliminer tous les filets maillants dans la zone où vivent les derniers individus », rappelle le CIRVA. Une mesure qui ne semble pas si difficile étant donnée l’étroitesse de la zone à couvrir. En effet, l’aire de répartition des derniers vaquitas ne s’étend que sur 24 km de long et 12 km de large.
L’inefficacité du gouvernement pointée du doigt
Malgré toutes les alertes données ces dernières années, le déclin du cétacé s’est poursuivi. Voire, s’est accéléré avec il y a encore quatre ans une centaine d’individus et, aujourd’hui, une dizaine seulement.
Pour de nombreux défenseurs de l’environnement, c’est l’inaction du gouvernement mexicain qui est pointée du doigt. Pourtant, en 2015, l’ancien président Enrique Peña Nieto avait pris la parole pour annoncer la relance d’un plan de sauvegarde du vaquita, assurant que l’espèce était un symbole pour le Mexique, comme le panda géant l’est pour la Chine. Selon Greenpeace Mexique, le gouvernement n’a toutefois pas fourni les efforts tant espérés pour sauver le vaquita.
« Au cours de la dernière administration du président Enrique Peña Nieto, le nombre de vaquitas a diminué de 85 %, révélant l’échec du pouvoir de mettre fin à la pêche illicite et non contrôlée du totoaba dans le golfe de Californie, dénonce l’ONG internationale. […] Jusqu’à présent, les recommandations du programme d’action pour la conservation de l’espèce n’ont pas été suivies, pas plus que les recommandations du CIRVA. Elles prévoyaient de mettre en œuvre d’ici 2012 des engins de pêche alternatifs, ainsi que des activités économiques alternatives dans les communautés de pêche touchées par le braconnage, l’interdiction totale d’utiliser, de fabriquer et de vendre des filets maillants à terre pour les empêcher d’atteindre la mer, etc. Les interdictions n’ont pas été efficaces car il y avait encore des vides juridiques qui ont été utilisés pour capturer les totoabas, et donc la capture accidentelle de vaquitas. »
Des solutions d’urgence exigées
Pour rappel, aucun vaquita ne vit en captivité. La dernière tentative de capturer une femelle pour tenter de la faire se reproduire à l’abri des pêcheurs s’est soldée par la mort du cétacé.
Aucun programme de conservation ex situ n’a fonctionné pour cette espèce. Autrement dit, si l’espèce s’éteint en milieu sauvage, c’est tout son patrimoine génétique qui disparaîtra avec elle. Avec plus aucun espoir de tenter des réintroductions comme peut l’envisager le zoo Pairi Daiza avec l’Ara de Spix par exemple.
Il y a donc urgence. Des mesures concrètes, à action immédiate, doivent être prises sans attendre afin de protéger les derniers vaquitas. Les plus défaitistes pourraient se demander « à quoi bon ? » Eh bien l’espoir de voir cette espèce vivre encore plusieurs années n’est pas réduit à néant. En effet, les scientifiques ont photographié une femelle vaquita avec son petit le 26 septembre 2018. Preuve que l’espèce continue de se reproduire et que la population pourrait augmenter à condition de lui offrir les conditions pour cela.
Les propositions du CIRVA
Pour le comité d’experts, quatre mesures d’urgence doivent être prises par le Mexique.
- Financer intégralement les efforts pour retirer les filets de pêche et étendre la zone surveillée
- Assurer une surveillance de la zone 24 heures sur 24, sept jours sur sept
- Prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les équipes qui retirent les filets
- Arrêter et poursuivre tous les pêcheurs illégaux en renforçant la présence de la marine mexicaine dans les environs.
Actuellement, c’est en grande partie l’ONG Sea Shepherd qui s’occupe de surveiller la zone protégée où vit le vaquita. Elle est aidée par l’armée mexicaine, qui lui fournit une assistance aérienne en cas d’attaque de braconniers – tirs sur les navires Sea Shepherd ou sur ses drones de surveillance par exemple – ainsi qu’à bord avec la présence de soldats armés.
Greenpeace Mexique demande également « une tolérance zéro pour tout navire traversant la zone où vivent les vaquitas, et que les autorités de pêche respectent enfin les promesses de pratiquer une pêche qui n’interagit pas avec l’espèce ».
« Nous demandons au gouvernement actuel d’Andrés Manuel López Obrador d’allouer les ressources et de prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme définitif à l’impunité qui règne dans la région – l’une des principales promesses de son gouvernement – de garantir la sécurité des citoyens et la survie du cétacé endémique du Mexique, puisqu’au bout de 100 jours après le début de son mandat, rien n’a changé et le vaquita continue de décliner. »
par Jennifer Matas
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