Pour beaucoup de scientifiques, il s’agit de « la pire catastrophe écologique du pays », poussant les autorités à déclarer l’état d’urgence environnementale. Et pour cause : l’Ile Maurice fait face à une grave marée noire.
Une marée noire dans un Eden de biodiversité
Le 25 juillet 2020, un vraquier appartenant à un armateur japonais a en effet heurté un récif corallien alors qu’il se trouvait au large de l’île. Douze jours plus tard, au moins 800 tonnes d’hydrocarbures s’est déversé dans cet Eden de biodiversité qu’est le récif de la Pointe d’Esny situé au sud-est de l’île. Or, les zones humides de la Pointe d’Esny ont été classées site Ramsar, tout comme le parc marin de Blue Bay qui se trouve non loin de là et où des fuites ont également été repérées. La réserve naturelle de l’île aux Aigrettes se situe également à seulement 2 km du site du naufrage. C’est dire si ces lieux sont importants d’un point de vue écologique.
Ont été pollués des coraux, des forêts de mangroves et autres lagons, habitats de nombreuses espèces, dont des menacées. Des zones connues pour servir de pouponnières et de garde-manger aux animaux et donc essentielles pour les écosystèmes aussi bien maritimes que terrestres.
Mais la catastrophe ne s’arrête pas là, car le MV Wakashio transportait au total 3.800 tonnes d’huile lourde et 200 tonnes de diesel. Selon l’Etat mauricien, les efforts déployés auraient permis de pomper tous les hydrocarbures restants dans les réservoirs – une centaine de tonnes demeurant encore ailleurs avec d’autres produits dangereux – avant que le navire se brise en deux, le 15 août. La partie avant sera remorquée puis coulée à un millier de kilomètres des côtes tandis que la partie arrière restera sur place pour le moment.
Les espèces menacées par l’accident
Des nappes noires ont contaminé les eaux turquoises de l’océan Indien. « Des milliers d’espèces autour des lagons immaculés de Blue Bay, Pointe d’Esny et Mahebourg risquent de se noyer dans une mer de pollution, avec des conséquences désastreuses pour l’économie, la sécurité alimentaire et la santé de Maurice », a alerté Greenpeace Afrique dans un communiqué. Il serait bien long de faire la liste de toutes les espèces qui seront impactées par cette catastrophe, tant elles sont nombreuses. Car il faut comprendre que tous les animaux (poissons, mammifères, reptiles et jusqu’aux insectes seront impactés. Mais voici un tour d’horizon de celles particulièrement exposées et remarquables dans la faune mauricienne.
Les animaux marins
Lorsque se produit une marée noire, ce sont bien entendus les premiers à qui nous pensons. Les animaux marins, et notamment ceux qui doivent remonter régulièrement à la surface – où stagnent les nappes d’huile – pour respirer ou se nourrir sont bien évidemment touchés de plein fouet. Parmi eux, la tortue verte (Chelonia mydas), espèce classée « en danger » d’extinction par l’UICN, ou encore les mammifères marins comme le grand dauphin, le dauphin à long bec, le dauphin de Fraser, le cachalot et la baleine à bosse qui nagent dans les eaux mauriciennes.
Les fuites d’hydrocarbures sont également dangereuses pour les poissons – 72 espèces différentes rien que dans le parc marin de Blue Bay comme le poisson clown ou le poisson chirurgien –, qui peuvent en mourir lorsqu’ils pénètrent dans leurs branchies par exemple, les empêchant ainsi de respirer. Les crustacés sont aussi touchés, comme le crabe violoniste et ses énormes pinces et le crabe fantôme aux yeux cornus et son immense paire d’yeux dressée sur sa tête.
L’endroit de l’accident est aussi un refuge pour une grande variété de coraux. Le lieu même de l’échouement s’est d’ailleurs produit dans un récif corallien ! Le parc marin de Blue Bay à proximité abrite à lui seul 38 espèces de coraux différentes, dont le célèbre corail cerveau du genre Lobophyllia qui a commencé à se former il y a un millier d’années et mesure aujourd’hui plus de 5 mètres de diamètre.
Les oiseaux marins et terrestres
Dépendants de l’océan pour vivre, les oiseaux marins – ainsi que les espèces migratrices qui font escale à l’Ile Maurice durant leur voyage – sont directement menacés par cette marée noire. Soit parce qu’ils ne trouvent plus de nourriture non souillée, soit parce qu’ils s’engluent dans les nappes d’huile lourde, soit encore parce que les plages sur lesquelles ils pensaient nidifier sont polluées.
Sont également concernés les oiseaux terrestres qui peuplent les îlots alentours, des hydrocarbures ayant échoué sur des littoraux. A la réserve naturelle de l’île aux Aigrettes, gérée par la Mauritius Wildlife Foundation, tout le monde est en alerte. Il faut dire que l’endroit abrite 500 oiseaux de plusieurs espèces différentes, dont des très rares et menacés.
A commencer par le pigeon rose (Nesoenas mayeri), endémique de l’Île Maurice et classé aujourd’hui « vulnérable » à l’extinction par l’UICN mais qui a bien failli disparaître dans les années 1990. Ou encore le zostérops olive de Maurice (Zosterops chloronothos), classé quant à lui « en danger critique » et réintroduit avec succès sur l’île aux Aigrettes.
Des catastrophes qui durent et se répètent
Pour tenter d’endiguer la catastrophe, des milliers de personnes sont à pied d’œuvre depuis des jours pour tenter de limiter la propagation de la terrible nappe huileuse. Ils improvisent des barrages de fortune avec des boudins de tissus remplis de paille de canne à sucre. Des volontaires ont également envoyé du monde entier des dons de cheveux, très efficaces pour absorber de façon naturelle des hydrocarbures grâce à leurs propriétés hydrophobes et oléophiles. Un travail de longue haleine, qui prendra du temps et met à mal les dernières années passées à tenter de réhabiliter la zone d’un point de vue écologique.
Les marées noires sont des catastrophes qui font souvent les gros titres sur le moment puis finissent par s’oublier. Pourtant, leurs effets sont durables dans le temps. L’explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon en avril 2010 continue de nuire à la faune locale puisque dix ans après le déversement de millions de litres de pétrole dans le golfe du Mexique, les dauphins sont toujours malades.
Non loin de là, une autre marée noire démarrée en 2004 après le passage d’un ouragan sur une autre plateforme pétrolière se poursuivrait aujourd’hui encore dans l’indifférence. Il s’échapperait des têtes de forage submergées l’équivalent de 250 à 700 barils par jour, soit entre 41.000 et 114.000 litres.
A l’Ile Maurice, ce n’est malheureusement pas la première fois qu’un pétrolier cause de lourds dégâts sur l’environnement. En 2016, le MV Benito, pétrolier libérien transportant 125 tonnes de pétrole, a chaviré à Mahebourg au Sud de l’île, polluant lui aussi les récifs mauriciens.
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