Elle s’appelle SCTLD et pourrait être traduite en français par « maladie corallienne liée à la perte de tissu ». Cette nouvelle infection, détectée pour la première fois en Floride en 2014, s’est rapidement propagée à d’autres zones et touche aujourd’hui plus d’une trentaine d’espèces de coraux. Sa propagation est très inquiétante, mais les chercheurs progressent…
Le trafic maritime en question
L’agent pathogène responsable de cette maladie émergente n’est pas encore très bien connu. On ignore encore si est impliqué un virus, une bactérie, une substance chimique ou autre.
Des chercheurs viennent toutefois de révéler un lien probable entre SCTLD et les eaux de ballast des navires (étude du 12 juillet 2021).
Les eaux de ballast, ce sont « les eaux et les matières en suspension prises à bord d’un navire pour contrôler l’assiette, la gîte, le tirant d’eau, la stabilité ou les contraintes », expliquent les affaires maritimes. En résumé, ce sont les eaux pompées puis rejetées par les navires dans des réservoirs prévus à cet effet pour atteindre le poids idéal et maintenir leur ligne de flottaison.
L’étude montre que SCTLD est plus répandu dans les récifs plus proches des principaux ports commerciaux, laissant penser que le trafic maritime pourrait être impliqué. Elle note « une proportion croissante de colonies saines à mesure que la distance du port augmente et une plus grande proportion de colonies récemment mortes plus proches du port que plus éloignées », relève The Guardian.
Ce ne serait pas la première fois que les eaux de ballast sont impliquées dans la prolifération d’agents pathogènes et d’espèces exogènes. En effet, les navires pompent l’eau dans une partie du monde, puis la rejette dans une autre, peu importe les organismes qu’elle contient. C’est pourquoi une réglementation existe depuis 2017 : l’Organisation Maritime Internationale oblige les bateaux à lâcher leurs eaux de ballast à une distance d’au moins 200 milles marins de la terre la plus proche et à une profondeur d’au moins 200 mètres (source : Convention BWM sur la gestion des eaux de ballast). Mais est-ce suffisant ?
Plus mortelle et plus rapide
Les signes de cette maladie sont visibles. Lorsqu’une colonie est touchée, les coraux présentent des lésions caractéristiques. Celles-ci montrent clairement des pertes de tissus laissant à la place des traces plus sombres ou plus claires qui se dégradent avec le temps.
De nombreuses zones géographiques sont désormais touchées un peu partout dans les Caraïbes et aux Antilles. La présence de cette maladie a ainsi été confirmée sur des récifs coralliens de Martinique, de Guadeloupe, de Sainte-Lucie, de République Dominicaine, du Mexique, de Jamaïque, des Bahamas, de Porto Rico, du Honduras, du Belize, des Iles Vierges, etc. Au total, une vingtaine de pays sont touchés. Les Antilles françaises sont concernées depuis l’été 2020.
En Floride où elle est apparue, SCTLD a déjà causé des ravages avec une perte de près de 30 % de la densité des récifs coralliens et +60 % de perte de tissus vivants constatée. Au Mexique, aussi, la maladie se propage avec 40 % des récifs qui avaient au moins 10 % de coraux infectés.
Sans action, cette maladie est mortelle dans la plupart des cas. Mais les coraux infectés semblent bien réagir à un traitement antibiotique : il faut administrer de l’amoxicilline directement sur les coraux. Une opération fastidieuse au regard de la vitesse de propagation de la maladie. Mieux vaut donc plutôt en déterminer – et en éliminer – les causes en amont. « Prévenir que guérir », comme dit le dicton.
Les espèces de coraux les plus menacés
Un récif corallien se compose de différentes espèces de coraux qui sont, pour rappel, des animaux carnivores. Heureuse nouvelle, s’il en est une, SCTLD ne tue pas toutes les espèces de coraux présentes aux Caraïbes. On estime qu’une vingtaine y serait sensible, ce qui représente tout de même près de la moitié de toutes les espèces identifiées, à savoir 45.
Parmi les coraux les plus exposés se trouvent (source) :
- le corail fleur (Eusmilia fastigiata),
- le corail méandreux (Meandrinameandrites),
- le corail cierge (Dentrogyracylindrus),
- le corail étoilé (Dichocoeniastokesii),
- les coraux cerveaux.
Pour aider les chercheurs à mieux comprendre cette maladie et identifier sa propagation, les plongeurs sont invités à prendre en photo les coraux qui semblent malades, noter le site de plongée, l’emplacement exact et la date et à envoyer ces informations à l’Agrra (Atlantic and Gulf Rapid Reef Assessment).
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