Dans la course au titre de géant des mers, le mérou goliath n’a pas à rougir, comme le laisse entendre son nom inspiré du colosse de la Bible. Originaire des eaux tropicales et subtropicales de l’océan Atlantique, ce poisson de récif est en effet l’un des plus gros poissons du monde avec une taille moyenne de 2 mètres pour 225 kg ! Mais son imposant gabarit comme ses talents pour la prédation ne l’ont pas empêché de décliner. En l’espace de soixante ans, l’espèce Epinephelus itajara a vu ses effectifs chuter de 80 %, principalement en raison de la pêche de loisirs.
Décimé par la pêche de loisirs
Après avoir été pêchés sans limite entre 1970 et 1990, les mérous goliath se sont retrouvés à proches de l’extinction. Pendant des années, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a classé ce poisson « en danger critique » d’extinction, dernière catégorie avant la disparition à l’état sauvage.
Alors quand les mérous ont commencé à se faire rares – notamment au moment du frai – des mesures ont été prises pour empêcher sa disparition. La première : l’interdiction de sa pêche. La Floride, où 90 % à 95 % des mérous goliath avaient disparu, a interdit sa pêche en 1990, prenant ainsi les devants. D’autres pays ont ensuite suivi son exemple. Et en quelques années, les effectifs ont commencé à se rétablir.
Face au succès de cette mesure, les pays concernés ont commencé à assouplir les conditions de pêche. Aux Etats-Unis, il est désormais permis de pêcher le mérou goliath à condition de le relâcher immédiatement. Tout pêcheur qui ne le ferait pas risque une peine de 60 jours de prison et une amende de 500 dollars par poisson détenu.
Une levée de l’interdiction de sa pêche ?
Mais le 13 mai 2021, la Floride a annoncé envisager la réautorisation de la pêche au mérou goliath dans ses eaux. Soit un peu plus de trente ans après son interdiction.
Dans un communiqué, la Florida Fish and Wildlife Conservation Commission (FWC) déclare se pencher sur un projet de pêche « limitée et hautement réglementée ». Autrement dit, les pêcheurs qui en auraient l’autorisation – on en ignore les modalités d’obtention – ne seraient plus obligés de relâcher dans l’océan les mérous goliath pêchés, comme le prévoit la loi actuellement.
« Ce n’est pas parce que nous faisons quelque chose depuis trente ans que nous devons continuer à le faire de la même manière », déclare le président de la FWC, Rodney Barreto, qui ne cache pas son ambition de revenir sur cette interdiction, arguant que les populations de mérous goliath sont en augmentation. Rien n’est donc encore acté, mais cela pourrait changer dans un avenir proche.
Des menaces toujours fortes
Bien évidemment, cette proposition n’a pas manqué de faire réagir dans le camp des défenseurs de la faune marine, qui craignent une décision hâtive. Une pétition en ligne a même été lancée et a recueilli près de 4000 signatures à ce jour.
« À ce stade, les données ne vont pas dans le sens d’une réouverture de la pêche, même avec un nombre de prises limité. La décision de poursuivre vers un plan pour une pêche avec un nombre de prises limitées des mérous goliath de la part de la FWC n’est pas fondée sur les meilleurs éléments scientifiques disponibles », assure le biologiste marin Christopher Malinowski à National Geographic. Le scientifique explique que la FWC se base sur des éléments non complets pour affirmer que les mérous goliath sont en augmentation, alors qu’en réalité, la moitié des effectifs aurait disparu depuis 2010 à cause de températures particulièrement fraîches enregistrées à l’hiver 2009-2010.
Et puis, la pêche n’est pas la seule menace qui pèse sur l’espèce. Depuis le 11 juin 2021, la Floride fait face à une importante marée rouge causée par la prolifération d’une algue toxique. Un événement qui revient hélas régulièrement et se trouve renforcé par le déversement dans l’océan d’eaux usées contenant des engrais. Chargés en nutriments – dont l’azote – ces engrais favorisent le développement inhabituel de ces algues toxiques.
Les marées rouges sont un véritable fléau. Chez l’homme, elles peuvent causer d’importants problèmes respiratoires, mais le plus grand danger est encouru par la faune marine. A chaque épisode de cette ampleur, des centaines de tonnes de poissons morts s’échouent sur les plages environnantes, témoignant de la gravité de la situation. Et les mérous goliath n’y échappent pas. Plusieurs individus morts ont ainsi été retrouvés ces dernières semaines.
Depuis 2016, le mérou goliath est classé « vulnérable » par l’UICN. L’espèce est donc toujours considérée comme menacée à l’échelle internationale.
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