A l’occasion du Congrès mondial de la nature, à Marseille, mi-septembre, le gouvernement a dévoilé le nouveau Plan National d’Action (PNA) pour tenter d’empêcher la disparition du dugong à Mayotte. Une mesure plus que bienvenue tant il y a urgence.
Une dizaine de dugongs restant
La situation est en effet critique pour ceux qu’on appelle dans l’archipel « les sirènes mahoraises » : alors qu’ils étaient plutôt nombreux à nager dans les eaux de Mayotte jusque dans les années 1970, les dugongs ne compteraient désormais plus qu’une dizaine de représentants.
L’espèce a déjà disparu de nombreux pays de son aire de répartition d’origine : l’Ile Maurice, les Maldives ou encore le Cambodge n’ont aujourd’hui plus de dugongs dans leurs eaux.
Pour éviter l’extinction de l’espèce dans cet archipel de l’océan Indien, situé entre Madagascar et le Mozambique, la France a donc annoncé une série de mesures, dans le cadre de la nouvelle phase du PNA en faveur du dugong sur la période 2021-2025.
PNA en faveur du dugong de Mayotte
Ce PNA s’articule autour de deux grands objectifs : en savoir plus sur l’espèce et son habitat et mieux la protéger tout en sensibilisant la population locale. Pour cela, plusieurs actions concrètes ont été mises sur la table, comme par exemple :
- procéder à l’inventaire des herbiers profonds où se nourrit ce grand herbivore de 400 kg – à noter que le dugong est d’ailleurs essentiel à la bonne santé des herbiers car en les broutant, il contribue à leur bonne croissance et à leur diversité ;
- centraliser les données sur la localisation et l’abondance des dugongs dans les environs ;
- récolter et analyser les échantillons biologiques prélevés sur les individus échoués ;
- partager l’information entre tous les acteurs impliqués dans la conservation de l’espèce ;
- dialoguer avec les pêcheurs ;
- renforcer les contrôles ;
- s’inspirer de ce qui est fait avec les tortues marines pour mettre au point une procédure de sauvetage du dugong.
Ces mesures sont censées renforcer celles déjà prises lors du premier plan national d’action, qui a couru de 2012 à 2017 et qui s’est soldé par un bilan plus que mitigé. Le gouvernement, lui-même, le reconnaît : « en dépit des mesures adoptées, l’état de conservation global du dugong reste défavorable ; l’effort de conservation doit être poursuivi ».
La pêche dans le viseur
Plusieurs menaces pèsent malheureusement sur ce mammifère, qu’on surnomme « vache marine » et qu’on confond parfois avec le lamantin. A l’échelle internationale, l’espèce est d’ailleurs classée « vulnérable » à l’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Le dugong est donc une espèce menacée.
Les populations de dugongs doivent non seulement éviter de se retrouver piégées dans les filets anti-requins et les engins de pêche, rester loin des bateaux pour prévenir toute collision et trouver de la nourriture même lorsque les herbiers marins qu’ils affectionnent vont mal, mais également… faire face aux captures accidentelles et intentionnelles par les pêcheurs. Là-dessus, il y a consensus : la disparition du dugong à Mayotte est due à une pêche excessive.
« L’enjeu principal du plan 2021-2025 est de prévenir le déclin de la population locale du dugong à Mayotte via la lutte contre les menaces directes pesant sur l’espèce et rétablir à long terme un état de conservation favorable. L’arrêt des captures lors des activités de pêche, intentionnelles ou accidentelles, constitue une priorité absolue », a déclaré le ministère des Outre-mer.
Pourtant, la pêche du dugong est déjà interdite depuis une vingtaine d’années. Cela n’a cependant pas enrayé le déclin de l’espèce dans l’archipel… En 2015, un pêcheur qui avait capturé accidentellement un dugong l’a tué et l’a ramené à terre plutôt que de le relâcher. Le dialogue avec les pêcheurs locaux est en effet plus que nécessaire pour que l’objectif « zéro capture » soit atteint. Il faudra nécessairement agir sur les techniques de pêche non-sélectives qui ne tuent pas que des dugongs mais aussi des requins, des dauphins, des raies, des tortues, etc.
C’est d’ailleurs dans cette voie que s’est engagée l’Inde en annonçant la création d’une réserve pour la conservation du dugong dans la baie de Palk, en septembre 2021. Sur 500 km² où vivent les plus gros des effectifs indiens (environ 200 dugongs), le chalutage et les filets maillants devraient être interdits au profit de méthodes de pêches plus traditionnelles.
Tamil Nadu government declares 500 https://t.co/SfZBLtPggc of marine biodiversity rich waters of Palk Bay as India’s first #Dugong Conservation Reserve. According to Wildlife Institute of India, there are only 200 Dugong left.@NewIndianXpress @xpresstn @supriyasahuias pic.twitter.com/ebBpueQuOz
— S V Krishna Chaitanya (@Krish_TNIE) September 3, 2021
Situation préoccupante en Nouvelle Calédonie
Le déclin de l’espèce est d’autant plus préoccupant qu’il s’agit d’un animal qui se reproduit lentement : une femelle n’a qu’un seul petit tous les 4 à 5 ans en moyenne. Et encore, si et seulement si les conditions sont réunies. Au moindre événement climatique sur les herbiers marins dont elle dépend pour se nourrir, la femelle ne fera pas de bébé car ce serait risquer de ne pas avoir suffisamment de réserves pour le nourrir à sa faim.
Il n’y a pas que dans les eaux de Mayotte que le dugong inquiète sur le territoire français. En Nouvelle-Calédonie, dans le Pacifique Sud entre l’Australie et les Fidji, plusieurs cas de braconnage de dugongs sont en effet découverts chaque année.
Cet été encore, deux cadavres de dugongs portant des traces de braconnage ont été retrouvés sur des plages de Nouvelle-Calédonie. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les dugongs ne sont pas toujours capturés accidentellement par des pêcheurs : il arrive qu’ils soient directement ciblés car leur chair est plutôt appréciée dans la région.
Malgré un plan d’action baptisé « Plan d’actions dugong (PAD) » lancé entre 2010 et 2015, la population néo-calédonienne a continué de chuter. En 2017, le WWF tirait la sonnette d’alarme et assurait que plus de 30 % des dugongs retrouvés échoués portaient des marques de tentative de braconnage alors même qu’une récente étude a mis en garde contre la faible diversité génétique des individus de cette zone. Aujourd’hui, ils ne seraient plus que 700 à 800 contre un millier il y a moins de 10 ans.
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