Elle s’appelle Photinus signaticollis, ou lampyre à corselet marqué, et n’a, a priori, rien à faire en Europe. Et pourtant… Depuis bientôt six ans, cette espèce de luciole originaire d’Amérique du Sud envahit progressivement l’Espagne et la France, depuis la Catalogne où elle est apparue pour la première fois en 2016. En seulement trois ans, cette luciole avait déjà parcouru les 28 km qui la séparaient de la frontière française, en passant probablement par le couloir de la Jonguera et le Col du Perthus, et depuis, étend largement sa distribution de part et d’autres des Pyrénées. Aujourd’hui, l’espèce est considérée comme potentiellement envahissante.
Arrivée en France en 2020
Au début, on pensait avoir découvert une nouvelle espèce de luciole, suite à plusieurs observations faites à partir d’août 2018 dans différentes localités de Gérone, en Catalogne. Dans un premier temps, cette luciole étrangère a même été décrite sous le nom de Photinus immigrans, avant qu’on se rende compte qu’il ne s’agissait pas du tout d’une nouvelle espèce… Mais d’une luciole sud-américaine !
« Nous ignorons encore comment cette espèce s’est retrouvée en Catalogne, c’est toute la question, explique Marcel Koken, chercheur au CNRS, spécialiste de la bioluminescence et responsable de l’Observatoire des Vers Luisants (OVL). Il existe une population située en Extremadura, mais celle-ci n’a pas bougé depuis quarante ans et nous n’avons trouvé aucune autre population aux alentours. Donc, deux possibilités : soit quelqu’un a pris des lucioles à cet endroit pour les transporter jusqu’en Gérone – peut-être de façon non-intentionnelle, en transportant des fleurs par exemple – soit les nouveaux individus sont arrivés d’Argentine ou d’Uruguay, probablement par le commerce de fleurs. Nous sommes en train de regarder génétiquement quel est le vrai scénario. »
Ce qui est certain, c’est que sa propagation est rapide depuis 2016 : environ 10 km par an. L’espèce a même réussi à franchir la frontière française en 2020, et continue de s’étendre en Catalogne espagnole et dans les Pyrénées orientales.
Potentiellement envahissante
« Sa dynamique de population laisse à penser que ce Photinus pourrait devenir une nouvelle espèce invasive. Elle colonise les prairies de fauche, les gazons de jardin et même les champs de maïs ou d’autres cultures intensives, avec a priori une préférence pour les zones les plus humides », expliquent les auteurs d’une étude parue début 2022 sur la propagation de Photinus signaticollis.
Problème : en plus de son expansion rapide, l’espèce pourrait avoir des impacts négatifs sur le milieu naturel. Et pour cause : les larves mangent des vers de terre, mais ne semblent pas s’intéresser aux escargots et aux limaces, comme les espèces autochtones. « Or, quand on s’attaque aux vers de terre, on s’attaque au plus important groupe d’animaux peuplant la terre », rappelle Marcel Koken, citant au passage les travaux de Marcel Bouché qui les étudie depuis un demi-siècle.
Quant aux lucioles adultes, on ne connaît pas encore leur régime alimentaire. « Elles semblent vivre très longtemps, elles doivent donc bien se nourrir de quelque chose, mais nous ne savons pas encore de quoi. Peut-être de vers de terre, comme les larves, ou bien d’autres insectes. Nous devrons le déterminer », reprend le chercheur.
Pour l’instant, l’espèce est suivie de près par l’OVL côté français et ses homologues côté espagnol. « Nous essaierons de suivre sa dispersion en France et nous continuons d’étudier sa biologie », résume Marcel Koken. Son éventuelle éradication n’est pour l’instant pas à l’ordre du jour.
Reconnaître cette nouvelle espèce
Si vous habitez dans la région où cette nouvelle luciole a été identifiée ou à proximité, et que vous découvrez un individu appartenant potentiellement à cette espèce, signalez sa présence à l’OVL. Quelques indices pour vous aider à savoir s’il s’agit bien de Photinus signaticollis :
- il s’agit d’une luciole et non d’un ver luisant (voici comment faire la différence),
- les mâles comme les femelles sont capables de voler, ce qui n’est pas le cas des vers luisants et lucioles françaises,
- la lumière émise par l’animal est clignotante et de couleur jaune-orangé. Elle est diffusée par les deux sexes, lorsque la luciole est en vol.
Prenez l’individu en photo, notez l’heure, le jour et la localisation exacte de l’animal, puis transmettez vos informations ici.
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