Alors que tous les regards étaient tournés vers l’Ukraine, le comité permanent de la CITES s’est réuni à Lyon, du 7 au 11 mars dernier, dans un silence médiatique profond. Au milieu des discussions sur l’éléphant, le jaguar ou encore les requins, la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction a pris une décision qui pourrait précipiter l’extinction du plus petit cétacé de la planète.
L’élevage de totoaba autorisé au Mexique
9 voix pour, 5 contre* : la demande déposée par le Mexique pour le commerce international de totoaba, poisson endémique de ses eaux et classé en danger critique d’extinction en raison de sa surpêche, a été acceptée par la CITES.
La ferme d’aquaculture Earth Ocean Farms (EOF), qui fait de l’élevage de cette espèce classée en annexe I de la CITES et au cœur d’un vaste trafic criminel, responsable de l’extinction d’une autre espèce endémique du Mexique, le marsouin du Golfe de Californie, ou vaquita, a été enregistrée auprès de la CITES. Ouvrant ainsi la voie à un possible commerce international légal, depuis cet élevage.
Les Etats-Unis et Israël, fermement opposés à cette décision, n’ont donc pas réussir à infléchir la décision du comité permanent. Soutenu par deux pays européens – la Belgique et le Pologne – et la Chine, le Mexique a donc obtenu l’ouverture du commerce international du totoaba, près de cinquante ans après son interdiction.
« Le soutien des deux membres du comité permanent européen a permis à cette candidature d’être approuvée, sans tenir compte du principe de précaution et des conséquences potentiellement désastreuses pour le vaquita en danger critique d’extinction », a déclaré Clare Perry, responsable de la campagne océan et climat de l’Environmental Investigation Agency.
Totoaba, ou cocaïne des mers
Une décision qui n’a pas manqué de soulever de nombreuses craintes, car le totoaba fait l’objet d’un important trafic depuis de nombreuses décennies. La raison : sa vessie natatoire est extrêmement recherchée. En Chine, elle se vend jusqu’à 60.000 dollars car elle est réputée pour ses vertus pour la santé.
D’après la médecine traditionnelle, cette poche de gaz qui sert à la flottabilité des poissons osseux permettrait de booster de système immunitaire. Mais aucune étude scientifique ne le prouve. En raison de son prix exorbitant, la vessie natatoire du totoaba est aussi un symbole de richesse que certains aiment afficher.
Résultat, les cartels mexicains se sont vite emparés de ce « trésor » qui gisait là, dans les eaux de la mer de Cortez. Aujourd’hui, ce sont eux qui pilotent l’exportation des vessies natatoires jusqu’en Chine, épaulés par des trafiquants chinois très organisés. Un trafic illégal qui rapporte plusieurs millions de dollars chaque année, au vu et au su des autorités qui ne font pas grand-chose pour l’empêcher.
Malgré l’interdiction de sa pêche en 1975 et l’inscription à l’annexe I de la CITES, qui interdisait jusqu’à présent son commerce international, le totoaba a continué de décliner. Et dans sa chute, il a emporté avec lui d’autres espèces, victimes collatérales des filets maillants posés par les braconniers. Dont le vaquita.
Moins de 10 vaquitas dans le monde
Celui qu’on surnomme aussi « le panda des mers » en raison de ses yeux cerclés de noir est en effet sur le point de disparaître à cause de la surpêche du totoaba. Pris dans les filets qui visent le totoaba, ce marsouin a vu ses effectifs réduire comme peau de chagrin au fil des dernières décennies, au point de ne plus compter aujourd’hui que 7 à 8 représentants seulement !
On a tenté d’en capturer pour reproduire l’espèce en captivité, en vue de la réintroduire une fois les menaces dans son milieu naturel éliminées, mais ce plan a échoué. Le vaquita est en effet un mammifère marin très sensible et sujet au stress. La seule femelle capturée est morte au bout de quelques heures, et ce projet a été abandonné.
La seule solution pour éviter l’extinction du dernier vaquita repose sur la fin immédiate et sans concession de la pêche non sélective dans ses eaux. Depuis 2016, l’ONG Sea Shepherd sillonne la zone pour retirer ces filets maillants tueurs de vaquitas, mais depuis juillet 2021, elle n’en a plus l’autorisation. Désormais, elle doit signaler la position des filets et attendre que les autorités les retirent elles-mêmes.
Avec cette décision de la CITES, les défenseurs du vaquita craignent le pire.
Certes, le Mexique s’est engagé à n’exporter que la viande de totoaba, et non les vessies natatoires, dans un premier temps. Mais ce n’est pas la chair du totoaba qui est recherchée, alors il est légitime de se poser la question de l’intérêt d’un tel commerce.
« En autorisant le commerce de totoabas élevés en captivité, la CITES va compliquer les efforts d’application de la loi au Mexique et dans d’autres pays. Cette décision va faciliter le blanchiment illégal de totoabas capturés dans la nature, et elle augmentera la demande de produits de totoaba, encourageant ainsi sa pêche illégale et mettant davantage en péril le vaquita », a regretté l’Animal Welfare Institute dans un communiqué.
Nous étions sur Bram’Fm, radio associative de Corrèze, pour en parler dans le 13h-14h, mercredi 16 mars dernier. Réécoutez l’émission :
*Sur les 15 membres du comité de vote, le Sénégal, le Congo, le Pérou, Israël et l’Australie ont voté pour rejeter la demande de l’EOF, tandis que la Namibie, l’Éthiopie, la Chine, le Koweït, l’Indonésie, la République dominicaine, la Pologne, la Belgique et la Géorgie ont voté en faveur. Le Canada s’est abstenu.
1 réponse to “La CITES rouvre le commerce international de totoaba”
22.03.2022
MoiC’est l’élevage du totoaba qui est autorisé, ouvrant au commerce des individus captifs pour leur chair et pas leur vessie (il est sans bénéfice d’élever des individus sur farines jusqu’à ce qu’ils aient une vessie commercialisable).
Ils sont commercialisés à une taille qui rend inintéressant le commerce de leur vessie natatoire, bien trop petite . L’élevage va produire des individus à relacher pour soutenir les populations sauvages.
Pas d’incidence négative sur la pêche des gros totoaba sauvages source de vessies commercialisées, qui impacte le marsouin.
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