Les vers à poils marins utilisent une protéine unique pour différencier la lumière du soleil du clair de lune, selon une nouvelle étude menée par l’Université Johannes Gutenberg de Mayence (JGU).
Cette découverte s’articule autour d’une protéine cryptochrome atypique (Cry) qui joue un rôle crucial dans la synchronisation du calendrier lunaire interne des organismes marins avec les phases de la lune, particulièrement vitales pour leurs cycles de reproduction.
Objet de l’étude
Les cryptochromes sont des protéines sensibles à la lumière présentes dans divers organismes et essentielles à plusieurs processus biologiques. Le ver à poils marins Platynereis dumerilii utilise une protéine Cry spécialisée, connue sous le nom de L-Cry, pour distinguer la lumière du soleil du clair de lune et des différentes phases de la lune.
Cette capacité est essentielle pour aligner leurs activités reproductives sur la pleine lune, en fonctionnant selon un calendrier mensuel interne ou une horloge circalunaire.
Les chercheurs ont utilisé la plateforme de cryomicroscopie électronique de l’Université de Cologne pour visualiser la structure tridimensionnelle de la protéine L-Cry dans différentes conditions d’éclairage.
Ce que les chercheurs ont appris
Ces analyses structurelles, combinées à des recherches biochimiques menées principalement à l’Université de Mayence, ont révélé que L-Cry forme un dimère (deux sous-unités liées entre elles) dans l’obscurité, mais que sous une lumière solaire intense, il se désassemble en monomères (sous-unités uniques).
Ce comportement est remarquable pour deux raisons. Premièrement, la disposition spatiale des deux sous-unités de L-Cry dans l’obscurité est unique et diffère de celle observée dans d’autres protéines Cry.
Deuxièmement, la direction des changements induits par la lumière dans L-Cry est opposée à celle observée dans d’autres protéines Cry, qui passent généralement du monomère au dimère à la lumière.
Le professeur Eva Wolf de l’Institut JGU de physiologie moléculaire, qui a dirigé l’étude, a expliqué l’importance de ces résultats.
Informations critiques
« Nos découvertes pourraient expliquer comment L-Cry parvient à faire la distinction entre la lumière du soleil et le clair de lune : une lumière solaire intense active toujours simultanément les deux sous-unités du dimère, ce qui initie sa décomposition en sous-unités individuelles. Cependant, le clair de lune nettement plus faible n’active statistiquement qu’une des deux sous-unités », a expliqué le professeur Wolf.
Ces connaissances ont élargi notre compréhension de la fonction de L-Cry en tant que photorécepteur, en la distinguant parmi les diverses protéines Cry connues pour diverses fonctions, notamment la détection du champ magnétique terrestre chez les oiseaux.
Une recherche exigeante
Hong Ha Vu, doctorant et contributeur important à l’étude, a souligné les défis de la recherche.
« Travailler avec des protéines sensibles à la lumière est toujours un défi », a déclaré Hong Ha Vu. « Lors de la préparation des protéines L-Cry pour l’analyse, nous devons effectuer tous les processus expérimentaux dans l’obscurité ou dans des conditions de lumière rouge spécifiquement définies pour éviter une préactivation involontaire de ces protéines très sensibles à la lumière. »
« Pour la caractérisation fonctionnelle de L-Cry, il est également nécessaire d’utiliser des conditions d’éclairage similaires à la lumière naturelle du soleil sous-marine et à l’éclairage au clair de lune du type que rencontrent les vers à poils dans leur habitat naturel. »
« Ce n’est qu’alors que nous pourrons comparer les propriétés spécifiques du L-Cry dans son rôle de récepteur de la lumière du soleil et du clair de lune avec celles d’autres cryptochromes. »
Implications de l’étude
« Nos investigations ont fourni de nouvelles informations importantes sur le fonctionnement de ce récepteur de lumière solaire et de clair de lune des plus inhabituels », a déclaré le professeur Wolf.
« En outre, nos connaissances mécanistiques structurelles et moléculaires sur la fonction de L-Cry ont ouvert de futures voies de recherche qui devraient nous aider à mieux comprendre les processus moléculaires encore largement inconnus impliqués dans la synchronisation de l’horloge circalunaire avec les phases de la lune. »
Vers à poils marins
Les vers à poils marins, appartenant à la classe des Polychaeta, sont un groupe diversifié de vers annélides généralement marins. Ils sont connus pour leurs parapodes distinctifs (saillies charnues sur chaque segment du corps) qui portent de nombreuses soies en chitine.
Habitat
Ces vers se trouvent dans divers environnements, depuis les températures océaniques les plus froides de la plaine abyssale jusqu’à la chaleur extrême près des sources hydrothermales. Ils habitent toutes les profondeurs des océans, avec plus de 10 000 espèces décrites.
Formes du corps
Les polychètes présentent un large éventail de formes corporelles et de modes de vie. Ils peuvent être de couleurs vives, irisés ou même luminescents. Généralement inférieures à 10 cm de longueur, elles peuvent varier de 1 mm à 3 m.
Leurs corps sont segmentés et chaque segment possède des parapodes, qui sont utilisés pour le mouvement et servent souvent de surfaces respiratoires principales. Leur régime alimentaire varie, comprenant des prédateurs, des herbivores, des filtreurs, des charognards et des parasites.
La bouche des polychètes varie en fonction de leur régime alimentaire et peut comprendre une paire de mâchoires et un pharynx qui peuvent être rapidement retournés pour se nourrir.
La paroi externe du corps d’un polychète est constituée d’un simple épithélium cylindrique recouvert d’une fine cuticule. En dessous se trouvent une couche de tissu conjonctif, une couche de muscle circulaire, une couche de muscle longitudinal et un péritoine entourant la cavité corporelle.
Principales caractéristiques
La plupart des polychètes ont un système circulatoire simple mais bien développé, avec des vaisseaux sanguins contractiles, et certaines espèces ont un cœur rudimentaire.
Les polychètes présentent une variété de stratégies de reproduction intéressantes. De nombreuses espèces présentent une bioluminescence et certaines ont des yeux complexes capables d’une vision sophistiquée.
Leur système nerveux est relativement avancé par rapport aux autres annélides, avec un gros cerveau et divers organes sensoriels, dont des yeux et des statocystes.
L’étude est publiée dans la revue Communications naturelles.
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