La réintroduction d’espèces disparues pourrait-elle servir un véritable objectif de conservation ?
Les activités humaines ont conduit près de 500 espèces à l’extinction au cours du siècle dernier. D’autres espèces suivront probablement le même chemin à mesure que la perte d’habitat et le changement climatique s’accélèrent. De telles tragédies détruisent le tissu de la biodiversité qui est le fondement des écosystèmes sains. Elles font également de notre monde un endroit appauvri et plus solitaire.
Les implications morales et pratiques de telles pertes causées par l’homme ont conduit certains chercheurs à poursuivre «désextinction”, l’idée que nous pouvons ressusciter des espèces disparues depuis longtemps. Certains partisans de cette initiative affirment que la société a le devoir de réparer les torts causés. D’autres soulignent son potentiel à faire revivre les fonctions écologiques des lignées anciennes, comme le montre la cas des mammouths laineuxqui, selon les chercheurs, contribuera à piétiner le sol et à favoriser la croissance de nouvelles herbes dans la toundra. Certains pensent que cela pourrait être un outil précieux pour prévenir de futures extinctions.
Comment cela est censé fonctionner
L’objectif de la dé-extinction n’est pas de produire des clones, mais plutôt d’utiliser le génie génétique pour créer des substituts d’espèces éteintes qui se ressemblent et se comportent de manière similaire. Pour ce faire, les généticiens tentent d’insérer les traits d’une espèce éteinte dans les gènes d’un parent vivant pour créer un hybride. C’est plus facile à dire qu’à faire. Les animaux disparus ne sont plus en vie pour confirmer leurs traits adaptatifs. Les chercheurs ne peuvent donc que faire des suppositions éclairées sur leurs caractéristiques déterminantes.
Voici à quoi ressemblerait la dé-extinction d'un mammouth : les chercheurs étudieraient son génome et identifieraient les caractéristiques qui l'aideraient à survivre au froid : dépôts de graisse, poils épais, petites oreilles. Ils pourraient ensuite utiliser une technologie d'édition génétique comme CRISPR pour insérer ces gènes dans le génome d'un éléphant, son plus proche parent vivant. Le génome hybride serait inséré dans un noyau, qui irait ensuite dans l'œuf d'un éléphant vivant, où il serait fécondé.
Qu'est-ce qui pourrait mal se passer?
En supposant que les problèmes techniques d'édition génétique puissent être résolus, l'introduction d'espèces dans des zones où elles ne vivent pas, même si elles y vivaient auparavant, comporte de nombreux risques. Cela nécessite une évaluation approfondie des impacts écologiques potentiels, des discussions approfondies avec les résidents locaux et une coopération entre les différents niveaux de gouvernement. Les efforts visant à ramener le dodo et le Tigre de Tasmanie ont suscité des plaintes de la part des communautés locales concernant leur manque d’inclusion initiale dans les plans.
Le degré de manipulation génétique nécessaire soulève également des questions d’éthique et de bien-être animal. Même la réintroduction d’animaux vivants est difficile à réaliser. Lorsque des chercheurs en Inde ont réintroduit des guépards, la moitié d’entre eux sont morts dans l’année suivant leur réintroduction. Il n’existe également que peu ou pas de preuves que la dé-extinction rétablirait les processus écologiques comme le prétendent ses partisans. Dans le pire des cas, une espèce « dé-extinction » introduite pourrait se comporter davantage comme une espèce invasive et nuire à l’écosystème plutôt que de l’aider.
À des fins de conservation, les outils d'édition génétique développés grâce à la recherche sur la dé-extinction pourraient être utilisés pour aider les espèces en voie de disparition, mais on ne sait pas exactement quels seraient ces outils, et ils pourraient également être développés en travaillant avec des animaux encore vivants.
Le résultat
Même si des espèces de substitution ressemblant à des espèces disparues et se comportant comme elles peuvent être créées, il faudrait plusieurs décennies pour les introduire dans la nature et constituer une population fonctionnelle, et rien ne garantit qu’elles auront des effets bénéfiques sur l’environnement. Compte tenu de la crise actuelle de la biodiversité, nous devrions investir dans des efforts visant à protéger les espèces et les écosystèmes encore vivants plutôt que de poursuivre des projets vaniteux et tape-à-l’œil.
0 réponse à “Des chercheurs se rapprochent de la création d'un véritable Jurassic Park”