Les orangs-outans forment, avec les gorilles et les chimpanzés, la famille des hominoïdés, les grands singes les plus proches de l’homme : il y a environ 30 millions d’années, nous partagions les mêmes ancêtres que ces primates. C’est d’ailleurs pour cette raison que le mot « orang-outan » signifie en malais (dialecte parlé dans le sud de l’Indonésie) « homme sauvage ».
Il existe deux espèces d’orangs-outans : celle de Bornéo (Pongo pygmaeus) et celle de Sumatra (Pongo abelii). Cette dernière est considérée comme une espèce à part entière depuis 1996 seulement. Auparavant, on la classait comme une sous-population du Pongo pygmaeus. Des analyses ADN ont prouvé qu’il s’agit bien de deux espèces distinctes bien que vivant toutes les deux en Indonésie, sur des îles différentes.
L’orang-outan de Sumatra est considéré comme en danger critique d’extinction par l’UICN. Celui de Bornéo était auparavant dans la catégorie au-dessous : « en danger », mais il a rejoint Pongo abelii dans la triste catégorie « en danger critique » en juillet 2016. C’est sur le premier que nous allons nous focaliser ; lors du dernier recensement en 2016, la population d’orangs-outans de Sumatra s’élevait à 14 613 individus.
Description physique des orangs-outans
Les orangs-outans sont des singes très facilement identifiables. Grands primates, un mâle mesure environ 1,50 mètre, la femelle moitié moins. Leurs longs bras peuvent atteindre jusqu’à 2,4 mètres d’envergure et semblent toucher le sol. Les jambes sont arquées et les talons ne possèdent pas d’os, ce qui oblige ces primates à marcher à quatre pattes. L’espèce de Sumatra a un pelage long et de couleur rousse alors que celui de Bornéo est plutôt brun foncé. Ces singes sont lourds, une quarantaine de kilos pour les femelles et 90 à 100 kg pour les mâles, et corpulents, une de leurs caractéristiques étant leur ventre bien rond et proéminant.
Le mâle dominant se distingue grâce au disque facial qu’il arbore sous l’effet d’une poussée de testostérone quand il prend le contrôle d’un territoire.
Comportement des orangs-outans
Pongo abelii, l’orang-outan de Sumatra, est plus sociable que son cousin de Bornéo. Si ces grands singes sont plutôt solitaires, les primatologues parlent dans le cas de l’espèce de Sumatra d’une « sociabilité éclatée » : il existe une communauté mais les membres sont éloignés les uns des autres. Ce sont des singes paisibles et dotés d’une grande intelligence. A cause de son poids plutôt conséquent, l’orang-outan passerait en moyenne 46 % de sa journée à se nourrir, 39 % à dormir et 11 % seulement à se déplacer, d’arbres en arbres, ces singes ayant pour particularité de ne presque jamais descendre au sol. Pour dormir, chaque individu construit un nid fait de lianes, de branches et de feuilles dans un arbre. Il en change chaque soir.
Localisation de Pongo abelii
Contrairement aux autres grands singes, les orangs-outans vivent en Asie et non en Afrique. Ils se situent plus particulièrement en Indonésie, sur les îles de Sumatra et, dans le cas la seconde espèce, de Bornéo. Ces singes occupent les forêts primaires et secondaires, boueuses ou proches de plaines inondées. On les trouve en général à une altitude comprise entre 500 et 1500 mètres. Les orangs-outans de Sumatra n’habitent plus aujourd’hui que dans le nord de l’île, précisément dans les provinces d’Aceh et de Sumatera Utara ; malheureusement, la plupart d’entre eux vivent au-dehors des parcs nationaux et des aires protégées.
Toutefois, le parc national Bukit Tigapuluh, situé au centre de l’île, a vu apparaître une nouvelle population grâce à la réintroduction d’individus confisqués qui se sont reproduits.
Menaces sur ce grand singe
Pongo abelii pourrait disparaître à l’état sauvage d’ici 2020 ou 2030 si rien n’est fait. Voici les principales causes de sa disparition :
La destruction et la fragmentation de la forêt
La grogne monte de plus en plus en Europe autour des cultures d’huile de palme, huile végétale utilisée dans la plupart des produits industriels : pour beaucoup de spécialistes, la production actuelle est une catastrophe écologique. En effet, depuis une décennie, on assiste à la plantation massive de palmiers à huile en lieu et place des forêts indonésiennes. Pour y parvenir, un moyen plus efficace qu’abattre les arbres un à un est utilisé : de gigantesques incendies, dont certains durent plusieurs mois, sont volontairement déclenchés afin de rendre la terre disponible plus rapidement et du même coup plus fertile.
Autre cause de déforestation, les exploitations forestières illégales et l’augmentation de la demande de bois, notamment après le tsunami dévastateur de décembre 2004. L’utilisation du bois est encore vitale pour beaucoup sur la planète, que ce soit pour produire de l’énergie, de la lumière, de la chaleur ou encore pour construire. Comme à Madagascar, les forêts d’Indonésie sont victimes du trafic illégal de bois.
La destruction des forêts d’abord et les incendies ensuite sont deux causes importantes de mortalité chez les orangs-outans.
La chasse
Autre menace importante, la chasse des orangs-outans de Sumatra alimente le marché de la viande sauvage et celui des animaux de compagnie. Ces grands primates sont plus lents que leurs congénères de par leur poids important et plus faciles à viser à cause de leur taille imposante, ce qui en fait des proies idéales. Si leur viande est traditionnellement consommée, la chasse vise surtout les femelles pour capturer les jeunes animaux,… ce qui nous amène à la 3ème menace essentielle.
La capture comme animal de compagnie
Bien que ce soit formellement interdit, les jeunes orangs-outans sont enlevés à leurs mères pour être vendus comme animaux domestiques. Ce trafic fait rage à Taiwan et en Indonésie, où posséder un orang-outan est un signe de réussite sociale. Malheureusement, les animaux sont souvent détenus dans de mauvaises conditions et meurent le plus souvent dans les premières années. Cette année, l’histoire de Gito a notamment ému le monde et alarmé les autorités. Un animal sauvé pour combien de sacrifiés ?
On estime qu’au moins 1000 bébés orangs-outans sont prélevés chaque année dans la nature pour alimenter ce trafic. De plus, pour un animal qui arrive vivant à destination, 5 à 10 meurent pendant le trajet.
Efforts de sauvegarde
Les orangs-outans de Sumatra ont connu un déclin très important entre 1930 et 1970. En conséquence, la CITES a classé en 1977 les deux espèces en annexe 1, la plus protectrice pour les animaux, interdisant ainsi sa commercialisation.
Dans les efforts de sauvegarde de Pongo abelii, il est important de noter la création du parc national de Gunung Leuser dans le nord de l’île de Sumatra. D’une superficie de 900 000 hectares, il abrite 25 % de la population d’orangs-outans de Sumatra. A l’intérieur de cette réserve, à Bukit Lawang, un centre de réhabilitation dédié aux primates a été inauguré en 1973 afin de réintroduire dans leur milieu naturel des animaux ayant vécu en captivité.
Il est aussi important de noter que les orangs-outans font l’objet de plusieurs programmes de protection, notamment le GRASP (« Partenariat pour la Survie des Grands Singes »), mis en place par l’UNESCO en 2001.
Il faut également parler du travail primordial de nombreuses associations : Orangutan Foundation International (OFI), International Animal Rescue, et Sumatran Orangutan Society, pour n’en citer que quelques-unes, sont à l’origine de plusieurs centres de soins et de réintroduction pour orangs-outans. Mère de substitution, soins médicaux mais également dialogue avec la population locale, pédagogie et communication… Ces bénévoles agissent tous les jours pour permettre aux animaux de retrouver leur forêt.
Reproduction des orangs-outans de Sumatra
La reproduction des orangs-outans est sans doute également l’une des causes de leur déclin. Le faible taux de natalité s’explique par le cumul de plusieurs facteurs. Les femelles de Sumatra atteignent leur maturité sexuelle entre 12 et 15 ans et donne naissance à un unique petit tous les 8 à 9 ans, alors que Pongo pygmaeus, l’orang-outan de Bornéo, n’attend « que » 6 à 7 ans entre chaque naissance. La gestation dure environ 8 mois et demi.
L’accouplement se fait dans les arbres, face à face, ce qui est très rare dans le monde animalier. C’est la femelle qui attire le mâle quand elle est féconde, c’est à dire 3 à 4 jours par mois. Seul le mâle dominant peut s’accoupler : il n’autorise les autres à se reproduire que quand il devient stérile. Les orangs-outans, mâle ou femelle, ne sont plus fertiles après 30 ans environ, soit peu après la moitié de leur vie : ces singes peuvent espérer vivre dans la nature jusqu’à l’âge de 58 ans pour les mâles et 53 pour les femelles.
La mise au monde a lieu dans le nid de feuilles de la mère, qui se montrera attentionnée et protectrice jusqu’aux 6-7 ans de son petit, âge du sevrage.
Les mâles sont sexuellement actifs plus tôt, entre 7 et 10 ans, et restent « subadulte » tant que la présence d’un mâle dominant empêche la poussée de testostérone qui donne à leur visage cet aspect de disque. A la mort du dominant, le mâle change brusquement : prise de poids, comportement agressif, et premières apparitions du long cri caractéristique des orangs-outans, audibles à plusieurs kilomètres à la ronde, qui a pour but de prévenir les autres mâles que ce territoire est occupé.
Si vous faites le calcul, une femelle ne peut mettre au monde plus de 2 à 3 petits dans sa vie. Si vous ajoutez à cela la capture des bébés pour le commerce illégal des animaux domestiques et la réduction de son habitat naturel, vous commencez à comprendre pourquoi l’espèce est proche de l’extinction.
En savoir plus
L’orang-outan, vous l’aurez compris, est très proche de l’homme, notamment à travers les étapes de sa vie : enfance, adolescence, maturité sexuelle, vie adulte et, à la fin de sa vie, une stérilité similaire à la ménopause. Des études ont même prouvé que ces grands primates sont également dotés d’une « culture » qu’ils se transmettent de génération en génération à la manière des éléphants. Pour les orangs-outans, cela va encore plus loin !
Ils ont appris l’utilisation d’outils afin de faciliter leur quotidien : feuille pour se protéger de l’eau, caillou pour casser les coques, branche pour atteindre la nourriture,… Tous les orangs-outans ne disposent pas du même savoir, cela dépend des groupes, il faut qu’il y ait une passation de cette culture à travers les membres. Même le cri du mâle dominant est différent d’un groupe à l’autre.
1 réponse to “L’orang-outan de Sumatra”
12.04.2023
zachary`très impressionnent comme animale!