Le référendum concernant « le transfert de l’aéroport Nantes-Atlantique à Notre-Dame-des-Landes » a eu lieu le dimanche 26 juin et sa conclusion est désormais connue : plus de 55 % des votants y sont favorables. Les alternatives proposées, dont la principale consistait à agrandir l’aéroport déjà existant en périphérie de Nantes, n’ont donc pas su séduire. Malgré ce résultat sans appel, rien n’est encore résolu : les arguments des deux camps sont toujours discutés. Environnement, budget, sécurité, croissance, politique… Même dans les hautes sphères de l’Etat, les dissensions sont réelles.
L’objectif de cet article n’est pas de contester les résultats du référendum, procédé démocratique par nature. De même, nous laissons à d’autres, plus compétents que nous, le soin d’arbitrer sur les implications et incohérences budgétaires, sociales, sécuritaires ou même politiques du projet. Notre but est uniquement de comparer les impacts environnementaux des deux principales alternatives :
- agrandir l’aéroport Nantes-Atlantique, dont l’unique piste est située à 5 kilomètres du centre-ville de la métropole nantaise ;
- transférer l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, imperméabilisant ainsi une zone humide de 1200 hectares.
Agrandir l’aéroport Nantes-Atlantique
Trois sites Natura 2000 entourent l’aéroport Nantes-Atlantique aujourd’hui en exploitation. Le premier est l’estuaire de la Loire, à 2 km au nord de la piste. Viennent ensuite la vallée de la Loire, en amont du fleuve, et le lac de Grand-Lieu, une réserve naturelle de 6 300 ha. Celle-ci se situe à moins de 5 kilomètres au sud-ouest de la piste, sur une grande voie de migration aviaire de la façade atlantique. Plusieurs centaines d’espèces animales y sont recensées, dont 270 oiseaux. Du point de vue ornithologique, le lac est le plus riche réservoir national après la Camargue. Hormis les oiseaux, le vison d’Europe, espèce en danger critique d’extinction, pourrait un jour être réintroduit dans cette réserve ; il en a disparu depuis les années 1990. Le grand capricorne, un coléoptère jugé « vulnérable » par l’UICN, y est également présent. Enfin et surtout, l’anguille d’Europe, espèce en danger critique d’extinction, y est répertoriée.
La flore du lac de Grand-Lieu est également particulièrement abondante : trèfle d’eau, flûteau nageant, étoile des marais… 500 espèces sont recensées, dont plusieurs sont protégées.
Aménager l’aéroport Nantes-Atlantique, notamment en allongeant la piste en direction du lac de Grand-Lieu, pourrait avoir de multiples conséquences. Lors de l’aménagement du site comme pendant son exploitation, les nuisances sonores, la pollution lumineuse ou les risques de collision pourraient tous fortement perturber la faune locale. Une fois les travaux achevés, l’augmentation du trafic aérien à basse altitude (en phase d’atterrissage ou de décollage) pourrait elle aussi nuire à la grande population d’oiseaux de la réserve. L’augmentation de la pollution des sols est également évoquée.
Il est cependant difficile de quantifier précisément les impacts de ces dégradations : les études ne permettent pas de statuer clairement sur le sujet. Mi-2015, un rapport rédigé pour le compte de la CCI des Pays de la Loire par EY Société d’Avocats conclut qu’il est « vraisemblable que les sites Natura 2000 seront susceptibles d’être affectés par le projet […]. Le projet ne pourra être autorisé qu’à la condition que l’autorité administrative ait acquis la certitude que le projet est dépourvu d’effets préjudiciables pour l’intégrité du site. »
En s’appuyant sur ce document, le gouvernement et l’ensemble des partisans du projet répondent donc à leurs opposants que l’aménagement de l’aéroport Nantes-Atlantique n’est que difficilement possible, arguant du fait qu’il faut préserver les sites Natura 2000 alentours. Toutefois, un rapport évoqué par le Canard Enchaîné en 2014 met à mal cette théorie, expliquant que l’aéroport Nantes-Atlantique a un impact positif sur la préservation de l’environnement. Par sa présence, il interdit l’activité humaine à ses abords immédiats et protège donc le site de Grand-Lieu. Sa fermeture pourrait entraîner l’urbanisation massive des terres autour du lac et, par suite, une « imperméabilisation qui serait préjudiciable aux équilibres écologiques de la réserve ».
Cet argument, également soutenu par le directeur même de la réserve naturelle dans une lettre datée du 28 octobre 2015, est écarté par le gouvernement : les effets de l’aménagement de Nantes-Atlantique semblent difficiles à établir, et l’urbanisation serait a priori impossible même en cas de fermeture de l’aéroport. En effet, la superficie du lac de Grand-Lieu est supérieure à 1 000 hectares, ce qui permet aux communes alentours de tomber dans le périmètre de la « loi littoral ». Toute construction autour du lac semble donc impossible en l’état.
Construire l’aéroport de NDDL
Dès les années 1960, l’idée de construire un nouvel aéroport pour l’ensemble de l’ouest de la France émerge. Nantes profite du Concorde, avion supersonique, pour pousser le projet : différents sites sont étudiés en fonction de critères comme la situation géographique, les possibilités de créations d’emplois, les coûts, l’impact environnemental… Le site de l’aéroport de Notre-Dame des Landes (NDDL) est finalement sélectionné dès 1968.
Toutefois, selon France Nature Environnement, la construction de l’aéroport de NDDL entraînera la destruction de 1 200 hectares de zones humides.
D’après le code de l’environnement, les zones humides sont « des terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ». (Art. L.211-1). »
Ces zones ont un rôle capital pour l’environnement : elles filtrent les polluants, facilitent le renouvellement des nappes phréatiques, protègent des inondations, stockent naturellement le carbone… La zone humide sélectionnée pour la construction de l’aéroport constitue de plus un important réservoir de biodiversité. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un site Natura 2000, 1 500 espèces y ont été recensées, dont plus d’une centaine sont protégées. En décembre 2015, cinq nouvelles espèces ont été ajoutées à cette liste. Trois plantes, la sibthorpie d’Europe, la pulicaire commune et la cicendie naine, ainsi qu’un amphibien, le triton blasius, et un mammifère, le crossope aquatique, avaient jusqu’alors échappé aux études officielles.
Si le projet de construction d’un nouvel aéroport prévoit, comme le veut la loi, des « mesures compensatoires« , la théorie se heurte comme souvent à la réalité : en avril 2013, un collège d’experts scientifiques a remis au préfet de la région Pays de la Loire un rapport émettant de forts doutes sur la pertinence des mesures prévues. Les écosystèmes détruits seront pratiquement impossible à reproduire et le transfert de la faune et de la flore locales ne concernera que quelques centaines d’individus, représentants d’une poignée d’espèces seulement.
De plus, les 1 200 hectares de terres sélectionnés pour le nouvel aéroport intègrent deux « zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique » (ZNIEFF). Répertoriées à partir de 1982, ces terres présentent un grand « intérêt écologique » mais ne sont pas protégées par la loi : les ZNIEFF constituent seulement un « outil d’aide à la décision » pour le gouvernement. Les bois de Rohanne et le bocage de Notre-Dame-des-Landes accueillent tous deux des espèces protégées. Il faut également ajouter que la construction d’un aéroport entraîne presque d’elle-même l’apparition de nouvelles infrastructures : routes, parkings, zones industrielles, plateformes logistiques, centres de recherche… L’étalement urbain ne s’arrêtera pas aux pistes du nouvel aéroport.
Enfin, en mars 2016, un rapport rédigé par des experts du CGEDD et commandé par Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Ecologie, a estimé que le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes était « surdimensionné« . Ce document préconise de ré-étudier le projet initial, qui compte actuellement deux pistes de 3 600 m de long. En effet, au moins 200 hectares de terres pourraient être économisés en adoptant deux pistes de 2 900 m, ce qui réduirait significativement l’impact de l’aéroport sur l’agriculture, la qualité de l’eau et la biodiversité.
Quelle est la meilleure alternative pour ce projet d’aéroport ?
En ne conservant que les arguments environnementaux, il semble que la balance penche en faveur de l’aménagement de l’aéroport Nantes-Atlantique. Au sud de Nantes, l’écosystème du lac de Grand-lieu pourrait être perturbé par l’aménagement de l’aéroport existant mais, à l’heure actuelle, des témoignages crédibles semblent montrer que les impacts sur la faune et la flore locales seraient minimes, voire positifs. Certains n’hésitent pas à avancer que la présence de l’aéroport élimine en effet l’urbanisation à proximité du lac et permet de préserver ce site d’une grande richesse.
A Notre-Dame-des-Landes, la zone humide est dotée d’une biodiversité qui, bien que ne profitant pas de protection officielle, ne pourra en aucun cas être préservée une fois le projet lancé. Pour ses opposants, il s’agit là d’arguments de poids. Un redimensionnement du projet à une taille inférieure, comme le préconisent les experts du CGEDD, pourrait cependant être une alternative cohérente.
Il reste à repréciser que cet article ne suffit pas, à lui seul, à fournir une réponse définitive : d’autres points méritent évidemment d’être abordés. Le projet adopté, quel qu’il soit, aura d’importantes répercussions financières, économiques et politiques dont la prise en compte est indispensable. Le survol de la métropole nantaise provoque également des difficultés sécuritaires et une pollution sonore incontestable. Chacun de ces points suscite autant de débats que la problématique environnementale, à laquelle nous avons aujourd’hui tenté d’apporter une réponse objective.
1 réponse to “Nantes et Notre-Dame-des-Landes : quel choix pour la biodiversité ?”
14.07.2020
unité astronomiqueLe riche mange quand il veut, et le pauvre mange quand il peut.