Le poisson-lion est une rascasse de taille moyenne : ce poisson de roche peut à peine atteindre 40 cm de long à l’âge adulte. Rien de bien impressionnant, me direz-vous ? Pourtant, le poisson-lion est aujourd’hui considéré comme l’une des pires espèces invasives de la planète, si ce n’est la pire…
Le poisson lion, une espèce invasive à la conquête de l’Atlantique
Au début des années 2000, les premiers poissons-lions nageant librement au large de la Floride sont observés par des plongeurs. Ces derniers comprennent vite qu’il ne s’agit pas de juvéniles mais bien d’adultes et, pire, que le récif en abrite déjà plusieurs dizaines d’individus. Pour les scientifiques, la situation est difficilement concevable. En effet, le poisson-lion est une rascasse commune peuplant les récifs de l’océan Indien, mais elle n’a jamais été observée dans l’Atlantique. Très vite, on cherche à comprendre comment ces poissons sont arrivés là, comment ils parviennent à survivre aussi loin de leur milieu d’origine et quels impacts auront ces intrus sur les biotopes de l’Atlantique…
Les réponses ne sont malheureusement pas longues à arriver.
Comment sont-ils arrivés dans l’Atlantique ?
Les poissons-lions sont très prisés par les aquariophiles vivant aux Etats-Unis. Chaque année, plusieurs dizaines de milliers d’entre eux sont vendus pour peupler les aquariums des particuliers. Par ailleurs, des recherches génétiques ont montré que cette population invasive provient d’une dizaine d’individus seulement. Il est donc très probable qu’un particulier, pensant bien faire, ait le plus simplement du monde relâché ses poissons-lions dans l’océan.
Comment le poisson arrive-t-il à survivre dans ce nouveau milieu ?
Non seulement la rascasse volante, qui doit son nom au panache de ses nageoires pectorales et pelviennes, a réussi à survivre dans l’Atlantique mais elle l’a conquis à une vitesse alarmante.
Le poisson-lion est une espèce invasive extrêmement vorace, pouvant manger jusqu’à 6 % de son propre poids tous les jours. Sa taille ne lui permet pas de s’attaquer aux gros poissons mais elle gobe tous les petits poissons, les alevins ainsi que les larves de crevettes, langoustes et autres crustacés… Ainsi, elle s’attaque à toutes les nouvelles générations du récif, empêchant de fait la reproduction des espèces endémiques.
Enfin, aucun des prédateurs naturels des récifs de l’Atlantique n’a vraiment mis les poissons-lions à son menu. Les requins, les mérous ou les murènes ne les connaissent pas et ne les considèrent pas comme des proies naturelles. Ils ne les chassent que lorsqu’un individu est blessé ou mourant. Les pêcheurs ont eux aussi boudé le poisson-lion par peur de l’inconnu, mais aussi à cause des épines empoisonnées présentes dans les nageoires. Elles contiennent un neurotoxique provoquant une douleur très puissante en cas de piqûre qui peut entraîner des paralysies passagères. Aujourd’hui, de nombreuses campagnes de sensibilisation sont mises en place pour inciter les pêcheurs à chasser la rascasse et éduquer les requins en les nourrissant à la main de poissons-lions.
Quel est l’impact de l’invasion du poisson-lion sur les biotopes de l’Atlantique ?
Dès le début des études, une chose frappe les scientifiques : quelques mois après l’arrivée des poissons-lions dans un nouveau milieu, on peut observer que :
- Leur population augmente très vite et ils finissent par coloniser le milieu jusqu’à en devenir l’espèce dominante ;
- Tous les autres poissons du milieu voient leur effectif diminuer, jusqu’à disparaître totalement pour certains.
On a donc vu que le poisson-lion est vorace, capable de s’adapter à son milieu et qu’il ne possède pas de prédateur. Il reste à traiter une caractéristique commune à toute les espèces invasives : la reproduction. Sans une reproduction efficace et rapide, une espèce invasive peut finalement assez facilement être maîtrisée. Malheureusement, là encore, le poisson lion excelle.
Et maintenant à l’attaque de la Méditerranée
Ces dernières années, cette espèce s’est également beaucoup répandue en mer Méditerranée, où elle ne rencontre aucun prédateur naturel. Les requins, les murènes ou encore les mérous qui pourraient la manger – et donc la réguler – ne l’ont pas identifiée comme une proie potentielle. D’autant que le poisson-lion a de quoi se défendre, avec sa crête d’épines dorsales venimeuses. Seuls les individus malades et faibles peuvent éventuellement se faire attaquer. Les autres prolifèrent. Et vite.
Les eaux de Chypre sont particulièrement envahies. Le pays a d’ailleurs démarré un programme d’éradication en 2019. L’objectif : tenter de limiter sa croissance exponentielle, qui a des conséquences sur la biodiversité méditerranéenne, déjà malmenée par la surpêche, la pollution et le tourisme.
La reproduction du poisson-lion
Les femelles sont matures sexuellement à la fin de leur première année de vie. Suite à une parade avec le mâle, la femelle expulse une grappe d’œufs que le mâle va féconder. La grappe est ensuite emmenée par les courants. Les œufs fécondés vont se détacher petit à petit et les juvéniles vont coloniser des nouveaux territoires. Bien sur, la grande majorité d’entre eux est victime de prédation, mais la femelle peut répéter l’opération tous les 3 ou 4 jours. Elle peut ainsi produire près de 2 millions d’œufs par an.
Parti de Floride, le poisson-lion a, en 15 ans, conquis toutes les Caraïbes et le large des côtes d’Amérique du Sud jusqu’au Nord de l’Argentine. Le seul paramètre capable de limiter son expansion semble être la fraîcheur de l’eau. Aujourd’hui, les moyens pour le combattre, tels que les requins ou la pêche de l’Homme, parviennent difficilement à stabiliser les populations et en aucun cas à les faire reculer. On estime que les autres espèces ont reculé de 65 % et, désormais, la crainte des scientifiques est que les poissons-lions franchissent le canal de Panama pour partir à la conquête de l’Océan Pacifique…
1 réponse to “Le poisson lion ou rascasse volante”
30.03.2018
Annie Marcelle MASSOLOUBonjour,
Je me sens très concernée d’autant plus qu’il y a des exemples d’espèces invasives déjà identifiées dans mon pays (Gabon) qui est un pays côtier mais sur lesquelles aucun travail scientifique n’est mené. Je citerai en exemple le protoptère (poisson serpent) et les mollusques qui viennent dans les cales des bateaux. Pour ne citer que ceux là. Je souhaiterai me pencher sur le sujet avec votre aide bien sûr. Merci