Les trois espèces de rats les plus répandues dans le monde sont le rat noir, le rat brun et le rat polynésien. Malgré une faible capacité à nager sur les longues distances, ces rongeurs ont colonisé environ 90 % des archipels du globe : invasion vikings, découverte des Amériques, colonisations européennes en Afrique et Océanie… à chaque fois, les rats ont accompagné les Hommes et ont traversé les océans.
Les écosystèmes insulaires, premières victimes des rats
Les îles les plus reculées de la planète présentent bien souvent une biodiversité unique, dotée d’un fort taux d’endémisme. De par leur isolement et l’absence de prédateurs, nombre d’entre elles représentent des sites de reproduction incontournables pour les oiseaux marins. Ces caractéristiques suffisent à faire de ces archipels des territoires favorables à la multiplication des rats, qui bousculent ainsi un équilibre fragile, gagné au fil des millénaires. Selon une étude datée de 2016, en cinq siècles, le rat noir serait à lui seul impliqué dans la disparition de 75 espèces, dont 52 oiseaux.
En Nouvelle-Zélande par exemple, le kakapo a perdu l’usage de ses ailes du fait de l’absence de prédateurs dans l’archipel et pond donc ses oeufs dans des terriers ou des troncs d’arbre ; l’introduction du rat polynésien a provoqué une importante chute des effectifs de l’espèce. En Méditerranée, ces rongeurs sont soupçonnés d’avoir causé la disparition de vieilles colonies d’océanite tempête, oiseau pesant une trentaine de grammes seulement. Sur l’île Henderson, petit bout de terre au beau milieu du Pacifique, ils sont accusés de tuer 25 000 oisillons par an. Le pétrel de Henderson, oiseau endémique de l’île, est classé « en danger » d’extinction par l’UICN. L’Atlantique n’est pas en reste : du fait de la présence de rats, l’albatros de Tristan da Cunha a entièrement disparu de l’île éponyme, et ses effectifs ont chuté de 28 % en 46 ans sur l’île Gough. L’espèce est désormais considérée en danger critique d’extinction par l’UICN.
Opérations de dératisation à grande échelle
Tout autour du monde, les rats comptent parmi les plus grandes menaces pesant sur toutes les espèces d’oiseaux marins et les opérations de dératisation se multiplient. La Bretagne, par exemple, a lancé une campagne au début des années 2000 : en quelques mois à peine, les quelques centaines de rats de l’île de Tomé ont été éliminées, et il n’aura fallu attendre qu’un an pour voir les effectifs de passereaux doubler. Les îles Galapagos, où les rongeurs ont été introduits par les pirates au XVIIème siècle, ont elles aussi été le théâtre d’une campagne d’éradication, quoique d’une autre envergure : entre 2012 et 2020, 180 millions de rongeurs, qui dévorent oeufs de tortues et de faucons, devraient être éliminés. Les premiers résultats sont déjà connus : en 2015, pour la première fois en plus de cent ans, l’île de Pinzon a vu naître des tortues !
Toutefois, les campagnes de dératisation ne se montrent pas toujours aussi efficaces. Sur l’île d’Henderson, 80 rats ont survécu malgré l’investissement de plus de deux millions de dollars en 2011. Si cela semble dérisoire, il n’en est rien : une femelle met au monde six portées par an, comptant chacune jusqu’à dix petits, et leur maturité sexuelle est atteinte aux alentours de deux mois. La poignée de survivants s’est donc très rapidement multipliée et, aujourd’hui, on estime qu’ils sont aussi nombreux qu’avant la dératisation : près de 100 000.
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