La principale caractéristique du nasique est pour le moins visible et en fait probablement l’un des animaux les plus facilement identifiables de la planète : il possède un nez long, mou et dont l’extrémité peut même descendre jusque sous la bouche, ce qui s’avère bien encombrant lorsqu’il faut se nourrir ! Cet appendice proéminent pouvant dépasser 10 cm a non seulement donné son nom à l’espèce, mais aussi de nombreux surnoms comme « long nez » ou « singe à trompe ». Il semble par ailleurs qu’il s’agisse d’un critère de sélection pour les femelles : ces dernières s’accouplent plus facilement avec des mâles présentant un nez long, peut-être parce que cela permet à leurs vocalisations de porter plus loin, le nez agissant comme une caisse de résonance.
Au-delà de cet appendice nasal si caractéristique, Nasalis larvatus se fait aussi remarquer par sa taille : il est l’un des primates les plus imposants d’Asie. Un mâle mesure généralement 65 à 75 cm et pèse entre 16 et 22,5 kg. L’espèce présente un dimorphisme sexuel prononcé, puisque les femelles oscillent quant à elles entre 53 et 62 cm pour un poids allant de 7 à 12 kg. A l’âge adulte, la partie supérieure du corps du nasique est d’un orange pâle tirant sur le rouge au sommet du crâne, sa face est rose-orange et ses bras et jambes sont gris ou blancs.
Localisation et habitat du nasique
Nasalis larvatus est endémique de Bornéo, en Asie du sud-est ; il peut donc être observé en Indonésie, en Malaisie et à Brunei, les trois pays se partageant l’île.
Ce primate évolue dans les mangroves et les forêts humides et pluvieuses. Il peut aussi bien être aperçu sur les zones côtières qu’à l’intérieur des terres, à proximité d’une rivière par exemple : la principale condition à sa présence est la proximité d’une source d’eau douce. S’il se sent en danger, le nasique n’hésitera pas à y plonger, même s’il doit pour cela exécuter un saut de plus de dix mètres de haut. Excellent nageur doté de pieds légèrement palmés, grimpeur émérite évoluant au plus haut de la canopée, le nasique est également très à l’aise au sol, allant jusqu’à utiliser la station debout pour se déplacer !
Menaces sur Nasalis larvatus
Classé en danger d’extinction par l’UICN, le nasique a vu sa population diminuer de 50 % entre 1970 et 2008.
La déforestation à Bornéo
La principale menace pesant sur le nasique est la déforestation, qui se développe au profit de l’industrie du bois, de l’agriculture ou de l’urbanisation. Dans certaines régions de l’île de Bornéo, le phénomène est particulièrement marqué : entre 1990 et 2009, dans les régions de Sarawak et de Sabah, l’exploitation forestière n’aurait épargné que 20% de la forêt primaire. Ces deux provinces malaisiennes font principalement reposer leur développement sur la production d’huile de palme et l’exploitation forestière.
L’essentiel des populations de nasiques demeure aujourd’hui à Kalimantan, la partie indonésienne de Bornéo, mais la situation n’y semble guère meilleure. Selon une autre étude, datant cette fois de 2014, près de 125 000 km² de forêts y ont disparu depuis 1973. En 2016 seulement, près de deux millions d’hectares, soit 20 000 km², seraient partis en fumée en Indonésie : le pays est l’un des principaux producteurs d’huile de palme dans le monde et pratique la culture sur brûlis à outrance.
Sur les 558 000 km² de forêts dont disposait l’île de Bornéo en 1973, il n’en resterait que 390 000, soit un déclin de 30% en moins d’un demi-siècle ; la seule région épargnée est celle du sultanat de Brunei, au nord de l’île. En fondant son économie sur l’industrie pétrolière, il a pu protéger ses forêts. Partout ailleurs, entre huile de palme, industrie du bois et construction de 270 000 km d’infrastructures routières en 40 ans, soit plus de six fois le tour de la Terre, les paysages de Bornéo changent. L’habitat des nasiques, mais aussi des orangs-outans de Bornéo et de bien d’autres espèces de Bornéo, est aujourd’hui fragmenté et très nettement réduit. Les conséquences pour l’Homme sont aussi frappantes : selon une étude américaine publiée en 2016, les brumes et vapeurs toxiques liées aux incendies auraient provoqué près de 100 000 décès en Indonésie et en Malaisie en 2015 seulement.
Chasse et braconnage
Le mode de vie lent du nasique, pouvant même être qualifié de léthargique, en fait une cible de choix pour les chasseurs. Selon l’UICN, « des populations entières peuvent être chassées jusqu’à l’extinction avec peu d’efforts« . Ce phénomène a aujourd’hui nettement diminué, mais il était très marqué au début des années 1980, ce qui pourrait être lié à la large diffusion des armes à feu sur l’île de Bornéo. La multiplication des véhicules à moteur a également permis la remontée des grands cours d’eau, ce qui a d’une part facilité la chasse et d’autre part augmenté les niveaux de pollution des fleuves et des mangroves. Enfin, la déforestation a rendu accessibles des zones auparavant impénétrables pour les habitants de Bornéo ; même les groupes de nasiques reculés sont aujourd’hui menacés. Plusieurs populations de l’est, de l’ouest et du nord de Bornéo ont déjà pratiquement disparu alors qu’elles y étaient autrefois communes.
Conservation du primate menacé
Nasalis larvatus est listé sur l’Annexe I de la CITES, ce qui en interdit tout commerce international. Il profite par ailleurs de nombreuses lois le protégeant sur l’ensemble de son aire de répartition : en Malaisie, en Indonésie et dans le sultanat de Brunei, il est interdit de le capturer ou de le tuer.
De nombreuses populations évoluent dans des zones protégées : selon l’UICN, l’espèce a pu être recensée dans seize sanctuaires comme le parc national de Danau Sentarum ou la réserve de Kulamba. Ces territoires sont toutefois souvent de faible superficie ou trop dégradés pour garantir la sauvegarde de l’espèce sur le long terme. Le parc national de Sebangau, qui abrite 7 000 orangs-outans de Bornéo, a par exemple été créé en 2004, alors que sa forêt a été soumise à une exploitation forestière massive entre 1980 et 1995. Le parc s’étale aujourd’hui sur plus de 5 500 km² mais 85 % de sa superficie a subi les dommages de l’industrie du bois. Des millions de dollars sont nécessaires pour appliquer le programme de « reforestation » prévu.
Plusieurs centres de reproduction ont par ailleurs été ouverts, mais le nasique ne tolère que faiblement la captivité. Son régime végétarien est très spécifique : il se nourrit de fruits, de graines ou de feuilles de palétuviers poussant spécifiquement dans son habitat naturel. Dans ces conditions, le nasique est très vulnérable loin des mangroves de Bornéo. Selon le Livre Annuel International des Zoos, en 1975, environ quarante spécimens étaient détenus par une dizaine de parcs zoologiques européens et américains. A peine vingt ans plus tard, deux nasiques seulement pouvaient encore y être recensés. Seuls les zoos d’Asie du sud-est peuvent espérer organiser la conservation ex-situ de l’espèce.
Enfin, nombre d’organisations travaillent à la conservation des forêts de Bornéo. Si l’écotourisme, qui s’est développé depuis les années 1990, ou la communication officielle des associations mettent souvent en avant les orangs-outans, primates emblématiques de Bornéo et de Sumatra, le nasique profite évidemment de retombées positives. WWF, Fondation Brigitte Bardot, World Land Trust, Kalaweit… Ces organisations soutiennent financièrement les programmes de reforestation ou achètent plusieurs hectares de forêt chaque année afin de préserver la biodiversité de Bornéo.
Reproduction
Les groupes de nasiques sont généralement constitués d’un mâle adulte et de 2 à 7 femelles. Lors de la saison de la reproduction, qui s’étale de février à novembre, les femelles en chaleur invitent le mâle à s’accoupler en se présentant dos à lui et en secouant légèrement la tête. La gestation s’étale ensuite sur environ 166 jours et le pic de naissances est observé entre mars et mai, ce qui correspond en fait à la fin de la saison des pluies.
La mise bas a lieu la nuit et, sitôt effectuée, la femelle mange le placenta et nettoie son unique petit, qui pèse alors moins de 500 grammes. Les jeunes nasiques sont facilement identifiés à leur visage bleu, bien loin de la couleur rosée qu’ils arboreront une fois adulte. Le sevrage a lieu à sept mois environ mais le jeune nasique restera tout de même avec sa mère au moins jusqu’à son premier anniversaire. Le père ne s’investit pas dans l’éducation du jeune nasique, si ce n’est en protégeant les nouveau-nés des rivaux mâles qui pourraient les attaquer. A un an (ou parfois plus tard), le jeune nasique mâle acquiert son indépendance et quitte le groupe de ses parents pour s’associer à d’autres « sous-adultes » ; il y restera jusqu’à avoir atteint sa majorité sexuelle, c’est-à-dire aux environs de sept ans. Une jeune femelle, quant à elle, pourra rester avec sa mère ou rejoindre un autre harem. Sa maturité sexuelle est atteinte à l’âge de cinq ans.
Enfin, l’espérance de vie d’un nasique oscille entre 20 et 25 ans.
2 Réponses to “Le nasique”
10.12.2018
combotje connais un spécimen dans ma classe, je crois que c est le dernier de l’espèce.
17.03.2022
zeub zeubil a un nez gros lui aussi? la chance!