Le rhinocéros de Java est aussi parfois appelé rhinocéros de la Sonde, du nom de l’archipel d’Asie du sud-est regroupant Sumatra, Java et plusieurs autres îles plus petites. De cette appellation a découlé le nom scientifique de l’espèce : Rhinoceros sondaicus.
Alors qu’il disposait autrefois d’une aire de répartition extrêmement vaste, ce mammifère est aujourd’hui confiné à un unique parc national d’Indonésie. Comme le rhinocéros de Sumatra, il est classé « en danger critique d’extinction » par l’UICN et est listé parmi les 100 espèces les plus menacées de la planète.
Description
A l’âge adulte, Rhinoceros sondaicus mesure environ 3,2 mètres de long pour une hauteur au garrot oscillant entre 1,4 et 1,7 mètre. Son poids moyen est assez méconnu : compte tenu de la menace d’extinction qui pèse sur l’espèce, les études sont réalisées à distance, par exemple grâce à des pièges photographiques. Les estimations vont ainsi de 900 à 2 300 kg, avec une moyenne avoisinant 1 600 kg. Ce rhinocéros semble présenter un dimorphisme sexuel assez discret : des analyses de squelettes indiquent que les femelles sont légèrement plus imposantes que les mâles mais, là encore, difficile de trancher avec précision.
La peau du rhinocéros de Java est grise et lisse, sans poils, et les plis qu’elle présente rappelle les plaques d’une armure. Comme le rhinocéros indien, Rhinoceros sondaicus ne possède qu’une seule corne. Parfois absente chez les femelles, elle mesure à peine 20 cm chez les mâles, ce qui en fait la plus petite parmi les cinq espèces de rhinocéros encore existantes. La plus grande jamais recensée mesurait 27 cm.
Localisation et habitat
Rhinoceros sondaicus était autrefois le plus répandu des rhinocéros asiatiques : son aire de répartition était délimitée par la Chine au nord, les contreforts de l’Himalaya à l’ouest et la péninsule malaise au sud. Il était donc historiquement présent dans une multitude de pays comme le Laos, le Vietnam, la Thaïlande, le Bangladesh ou Myanmar.
Aujourd’hui, la dernière population de rhinocéros de Java subsiste dans le parc national d’Ujung Kulon, à l’extrémité occidentale de l’île de Java, en Indonésie : environ 40 % de la zone est jugée habitable par l’espèce, soit 500 km². Le groupe ne compte plus qu’une soixantaine de membres évoluant cachés dans les forêts denses et humides du parc. Comme tous les rhinocéros, ils ne s’éloignent jamais des mares boueuses ; ils y passent une grande partie de leur journée car cela leur permet de réguler leur température corporelle. Le matin et le soir, lorsque le climat est plus doux, ils partent en quête de nourriture : brindilles, fruits ou feuillages constituent l’essentiel de leur régime alimentaire, mais ils peuvent aussi se contenter de simples herbes.
Menaces
Parce que le rhinocéros de Java compte moins de 50 individus matures, il est classé « en danger critique d’extinction » par l’UICN ; il est probablement le mammifère terrestre le plus proche de la disparition.
Chasse et braconnage
Comme toutes les espèces de rhinocéros, celle de Java a été la cible des chasseurs et est aujourd’hui victime du braconnage. Bien qu’elle soit la plus petite de sa famille, sa corne reste extrêmement prisée en Asie, où on lui prête diverses vertus thérapeutiques, comme faire baisser la fièvre. Au début des années 2000, une rumeur fait même le tour d’Asie : selon elle, un haut fonctionnaire vietnamien aurait survécu au cancer grâce à une corne de rhinocéros. Dès lors, les prix s’envolent et dépassent même le prix de l’or : un kilo de corne peut aujourd’hui se négocier 30 000 à 50 000 $. Elle est pourtant simplement composée de kératine, la même protéine que celle présente dans les ongles ou les cheveux des Hommes, et n’aurait donc aucun effet bénéfique dans le traitement de ces maladies.
En ce qui concerne plus spécifiquement le rhinocéros de Java, son déclin est déjà très ancien. Ses effectifs auraient commencé à diminuer dès le premier millénaire avant Jésus-Christ du fait de la chasse et de la démographie en Asie du sud-est ; la tendance s’est ensuite accélérée pour, finalement, mener l’espèce à l’extinction en Chine dès les premiers siècles après Jésus-Christ, en Inde entre 1900 et 1910 et dans la péninsule malaise en 1932.
A la même période, un déclin similaire est observé au Vietnam, probablement du fait de l’occupation française entre le milieu du XIXème siècle et 1954 : celle-ci a d’une part permis une plus grande distribution des armes à feu, et d’autre part conduit à la guerre d’Indochine entre 1946 et 1954… puis à la guerre du Vietnam entre 1965 et 1975. Durant cette dernière, l’utilisation d’herbicides sur plusieurs millions d’hectares de forêts a par ailleurs eu des conséquences importantes sur la faune du pays et probablement contribué à éliminer les derniers bastions dans lesquels se cachait le rhinocéros de Java. En 1989, 6 ou 7 spécimens sont tout de même retrouvés dans le parc national de Cat Tien, mais l’espoir qu’ils suscitent ne sera que de courte durée : en 2011, le dernier rhinocéros de Java du Vietnam est retrouvé mort, tué par balle et corne tronçonnée.
Perte de son habitat
Profitant autrefois d’une aire de répartition extrêmement large, Rhinoceros sondaicus a lentement été confiné au parc national d’Ujung Kulon. Cette dynamique a débuté dès le premier millénaire avant Jésus-Christ et n’a eu de cesse de s’accentuer pour atteindre son apogée ces dernières années. Au Vietnam, par exemple, entre 1988 et 2011, la superficie dont disposait l’espèce est passée de 750 à 6,5 km² du fait de la déforestation, de l’expansion des terres agricoles et de la construction d’infrastructures routières.
Outre les activités anthropiques, le rhinocéros de Java est en concurrence avec le banteng (bos javanicus), un bovidé classé « en danger » d’extinction par l’UICN. Petit boeuf sauvage, il affectionne les mêmes sources de nourriture que Rhinoceros sondaicus et empiète ainsi sur son territoire.
Les éruptions volcaniques du « fils du Krakatoa »
Le fait qu’il n’existe qu’une seule population de rhinocéros de Java laisse l’espèce à la merci de la moindre épizootieou catastrophe climatique. La région a par exemple été largement dévastée par l’éruption du Krakatoa en 1883, qui a causé la mort de plus de 35 000 personnes et dont certains effets ont été observés jusqu’en Europe. Le volcan a aujourd’hui disparu… mais a été remplacé par Anak Krakatoa, « le fils du Krakatoa ». Celui-ci est déjà à l’origine d’une cinquantaine d’éruptions volcaniques entre 1930 et aujourd’hui.
Conservation
Ulong Kulon et les Rhino Protection Units
Très tôt, la situation du rhinocéros de Java alerte les autorités : en 1931, l’Indonésie décide de le protéger, puis l’espèce est listée sur l’Annexe I de la CITES dès son entrée en vigueur, en 1975, ce qui en interdit tout commerce international. Le parc national d’Ujung Kulon est quant à lui créé en 1980 par le gouvernement indonésien, mais l’activité humaine y était déjà très réduite : après l’éruption volcanique du Krakatoa, différentes zones du parc actuel avaient déjà été déclarées « réserves naturelles » entre 1921 et 1958.
Aujourd’hui, de nombreuses organisations comme le WWF, l’Asian Rhino Project, l’International Rhino Foundation ou la Fondation Aspinall concentrent leurs efforts sur la protection du rhinocéros de Java. Ce dernier profite par exemple de patrouilles entraînées et armées : les Rhino Protection Units (RPU). Répartis par groupes de 4, ces hommes arpentent Ujung Kulon depuis 20 ans afin de neutraliser les éventuels braconniers, retirer les pièges, repérer les campements illégaux…
Récemment, un sanctuaire de 5 000 hectares baptisé Javan Rhino Study and Conservation Area a également vu le jour à l’est d’Ujung Kulon ; il a permis d’accroître la surface habitable par les rhinocéros. 150 personnes issues des communautés locales ont été impliquées dans ce projet : leur mission était de construire une clôture de 8 km autour de la zone afin d’empêcher le bétail d’empiéter sur le territoire des pachydermes. Des postes de garde ont également été bâtis. L’Asian Rhino Project mène de plus une campagne de destruction du palmier arenga, une espèce invasive qui élimine les sources de nourriture du rhinocéros de Java. Enfin, sensibilisation et achat de pièges photographiques font partie des initiatives lancées par les défenseurs de l’environnement, en association avec le gouvernement indonésien.
Relocaliser pour mieux protéger
Dès les années 1980, des experts ont proposé de déplacer une partie du groupe évoluant à Ujung Kulon afin de créer une seconde colonie et, peut-être, augmenter les effectifs de l’espèce. Ce débat n’a toujours pas été tranché car la mise en oeuvre d’un tel programme est risquée pour les animaux : il faut tout d’abord réaliser un état des lieux de la population afin de déterminer quels individus doivent être « relocalisés », puis capturer les animaux (souvent jeunes), les déplacer et espérer que la nouvelle population s’adaptera à son environnement. De plus, laisser toute l’espèce groupée à Ujung Kulon présente un avantage non négligeable : cela facilite considérablement leur reproduction.
Aucun rhinocéros de Java n’évolue à ce jour en parc animalier, l’espèce tolérant très difficilement la captivité : son espérance de vie y est divisée par deux par rapport à celle observée à l’état sauvage. Les derniers spécimens présents dans des parcs zoologiques sont morts au début du XXème siècle, et leurs caractéristiques étaient alors si méconnues qu’ils étaient souvent présentés comme des rhinocéros indiens.
Reproduction
Du fait de la faiblesse des effectifs de l’espèce, le cycle de vie du rhinocéros de Java reste particulièrement méconnu. On estime que la femelle atteint sa majorité sexuelle entre 3 et 4 ans alors que les mâles doivent attendre environ 3 ans de plus. La saison de reproduction, s’il y en a une, n’est pas connue.
Après l’accouplement, la femelle est gestante durant environ 16 mois. A la naissance, le nouveau-né est très dépendant de sa mère et demeure avec elle jusqu’à l’âge de deux ans ; une femelle ne pourra ainsi donner naissance à un petit que tous les 4 ans environ. Après avoir gagné son autonomie, un rhinocéros ne cherchera jamais la compagnie de ses congénères, sinon pour se reproduire. Son espérance de vie est estimée à une quarantaine d’années dans son milieu naturel.
1 réponse to “Le rhinocéros de Java”
23.09.2017
DidonnaBientôt ce sera le tour de l’homme. Et tant mieux, c’est le plus inutile de tous.