Un élevage illégal de tigres en vue de les tuer pour commercialiser les parties de leurs corps ? Non, ce n’est pas en Asie du Sud-Est que cela se passe mais en Europe et plus précisément en République tchèque.
Un abattoir en plein Prague
Au terme d’une enquête qui aura duré cinq ans, les autorités tchèques ont découvert l’horreur dans une maison de Prague, pendant l’été 2018 : un abattoir de tigres. Peaux, ossements, viande en décomposition, et même un cadavre de tigre fraîchement abattu d’une balle dans le cou… Les enquêteurs n’en croyaient pas leurs yeux, comme le rapporte The Guardian. « Je travaille pour l’inspection de l’environnement depuis 25 ans et je n’avais jamais vu une chose pareille. La situation là-bas était vraiment horrible », confie Pavla Rihova, une inspectrice présente sur les lieux. C’est la première fois qu’une telle découverte est faite sur le sol européen.
Des tigres élevés et abattus pour le marché noir
La République tchèque a commencé à soupçonner l’existence d’un tel trafic sur son sol en 2013, lorsque la police a trouvé des os de tigres dans le véhicule d’un homme. Celui-ci affirmait les avoir récupérés d’un centre d’élevage en Slovaquie, mais cette explication n’a pas convaincu les autorités, qui ont alors commencé à remonter la filière. D’autant qu’au fil des mois, elles ont saisi de nombreux produits à base de tigres (vin, bouillons, etc.) dont la provenance semblait être la République tchèque. Finalement, après de longues investigations, les enquêteurs sont parvenus à démanteler le réseau. Au sommet, on trouve Le Xan Vu, un commerçant vietnamien qui passait toutes les commandes à Ludvík Berousek, propriétaire de l’un des plus grands centres d’élevage de tigres et de lions en République tchèque. Ce dernier détournait donc, selon l’enquête, une partie de ses félins normalement destinés aux cirques ou à des zoos privés et les envoyait à un taxidermiste, Miloš Hrozínek. C’est justement la maison de ce dernier qui a servi d’abattoir clandestin. Ces trois personnes sont poursuivies pour mise à mort illégale et commerce d’espèces protégées. Ils encourent cinq ans de prison.
Un trafic illégal plus vaste qu’on ne le croit ?
Toutes les parties ou presque du corps du tigre se monnayent sur le marché noir. Sa peau, ses dents, ses griffes, ses organes et même sa viande trouvent acquéreurs. La demande provient généralement d’Asie où ces types de produits sont utilisés dans la médecine traditionnelle, mais il se pourrait que cet abattoir clandestin ait aussi servi à fournir la communauté asiatique qui vit dans les environs. Interrogé par Radio Prague, le chef de l’inspection tchèque de l’environnement assure que ce genre de trafic est en hausse. « Ces dernières années, nous avons observé une augmentation des exportations illégales de tigres et d’autres félins depuis la République tchèque. Cela s’explique par le fait que ce pays compte une communauté asiatique assez nombreuse et que la demande de produits à base de tigre est importante dans cette région. »
D’autres abattoirs de ce type pourraient-ils exister ailleurs en Europe ? Oui, répond clairement Pavla Rihova. Elle a d’ailleurs interpellé l’Union Européenne afin que des mesures plus rigoureuses soient rapidement prises, notamment en matière d’échanges entre centres d’élevage et d’enregistrement des grands félins. Pour rappel, le trafic d’espèces sauvages est le troisième plus gros marché illicite au monde, derrière les armes et la drogue. Il serait estimé à 23 milliards de dollars par an.
par Jennifer Matas
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