Le 9 avril dernier, nous avons repris sur notre page Facebook une information du journal « 20 Minutes » sur l’attaque de bétail par des vautours au Pays Basque. Face à vos réactions d’incompréhension, voire de méfiance, nous avons souhaité avoir l’éclairage d’un professionnel de ces oiseaux et de la région. Stephan Maury, responsable du seul Centre de soins de faune sauvage des Pyrénées-Atlantiques – Hegalaldia – a accepté de répondre à nos questions.
Cécile Arnoud : Quelles espèces de vautours trouve-t-on dans le Pays basque et les Pyrénées ?
Stephan Maury : Dans les années 70, les Pyrénées françaises ne comptaient que deux micro-colonies de vautours fauves mais, en 40 ans, un long travail de restauration des populations a permis de passer de 20 couples à 900 aujourd’hui ! C’est pour cela que nous recevons à l’association Hegalaldia de plus en plus d’appels de personnes étonnées de voir des vautours voler au-dessus de leur maison. Nous avions perdu l’habitude de voir ces oiseaux hors des montagnes où ils nichent en colonie. La région compte également des gypaètes barbus, au nombre d’une vingtaine de couples, et des vautours percnoptères, des oiseaux migrateurs qui ne viennent en France que pour se reproduire – de mars à octobre environ. Enfin, quelques vautours moines issus de programmes de réintroduction sont visibles mais ce sont les plus rares. Parmi ces quatre espèces, seul le vautour fauve descend de la montagne pour s’aventurer dans les plaines. On en voit de plus en plus sur les sentiers de randonnée où ils s’habituent à l’Homme. Ces oiseaux ne présentent aucun danger si on se rappelle qu’il s’agit d’animaux sauvages dont il ne faut pas s’approcher. Trop souvent, je vois des parents pousser leurs enfants près des vautours pour prendre une photo. C’est là qu’il y a danger. Notre hantise, c’est qu’un jour un vautour donne un coup de bec sur le visage d’un enfant.
CA : Des éleveurs du Pays basque se plaignent d’attaques sur leurs troupeaux. Les vautours peuvent-ils s’en prendre à des animaux vivants ?
SM : Oui, les vautours peuvent attaquer des animaux vivants, même si je n’aime pas ce terme d’« attaque ». Les incidents de ce type ont lieu le plus souvent lors de la mise bas des vaches, et spécialement celles de la race blonde d’Aquitaine. A cause de la sélection réalisée par les éleveurs, les veaux sont de plus en plus gros et les mises bas de plus en plus compliquées. Quand un vautour attaque une vache, c’est en général que la naissance se passe mal et que la mère et le petit sont en mauvaise posture. Par exemple, quand le petit n’arrive pas à sortir et reste coincé dans la vache. Les vautours qui ont l’habitude de venir manger le placenta lors des naissances attaquent le veau puis il suffit d’un coup de bec sur la vulve de la vache pour provoquer une hémorragie. Dans les Pyrénées, seuls les vautours fauves – qui sont nécrophages – sont impliqués dans ces faits divers. Les gypaètes se nourrissent d’os et les percnoptères d’insectes et éventuellement de tendons laissés sur les carcasses. On peut voir de 100 à 200 vautours fauves sur une même charogne mais ils sont incapables de déchirer le cuir de la vache. S’ils la mangent, ce n’est que via les orifices qui leur permettent d’insérer leur tête : anus, vulve, œil, bouche. Une vache en pleine santé, mobile, ne sera jamais attaquée. Il suffit qu’elle se retourne pour faire face aux vautours et ils s’envolent. Pour éviter les incidents avec les vautours, moi je conseille aux éleveurs de rentrer leurs bêtes à l’étable quand ils savent qu’elle est sur le point de mettre bas.
CA : En France, existe-t-il des plateformes de nourrissage pour les vautours dans les Alpes ou les Pyrénées ? Si oui, ce système a-t-il prouvé son efficacité ?
SM : Il existe en effet en France des placettes d’alimentation pour les nécrophages mais dans les faits, chaque éleveur de la région dispose déjà d’une parcelle où il dépose ses bêtes mortes : peu font appel à l’équarrissage ! Des charniers illégaux (NDLR : interdits depuis 1942 en France), il y en a partout ! Toute l’année, les charognards rendent service aux éleveurs en les débarrassant des bêtes mortes. Le vautour est un équarisseur naturel. L’installation de placettes n’a d’intérêt que pour légaliser cette pratique. Même en mettant tous les jours de la nourriture sur chaque placette, le vautour attaquera quand même car ces oiseaux ont besoin de se déplacer et ils ne trouvent pas assez de carcasses dans la nature pour s’alimenter. Un vautour a besoin de 250 grammes de viande par jour, donc 900 couples cela représente 225 kg au quotidien !
Mais c’est un faux débat. Il n’y a pas de problème de sous-alimentation des vautours dans les Pyrénées françaises. Au Centre de soins de la faune sauvage, on récupère en moyenne 60 vautours par an : 90 % sont des juvéniles tombés du nid et 10 % sont des adultes victimes de tirs ou d’électrocution. Il y a tellement à manger ici pour ces oiseaux que le problème ne vient pas de là ! Nous avons tous perdu le souvenir dans notre mémoire collective de ces cas d’attaques de vautours mais c’est un fait totalement naturel. Le schéma est identique en Afrique ou en Asie. Si on avait laissé tranquille le bocage, les bêtes iraient s’y réfugier au moment de la mise bas et seraient protégées des vautours par les bois et les haies. Des naissances de veaux, on en a des milliers chaque année mais les incidents surviennent sur les plaines ouvertes qui offrent une magnifique piste d’atterrissage aux vautours.
Propos recueillis par Cécile Arnoud
5 Réponses to “Les vautours peuvent-ils tuer une vache ? La réponse d’un expert”
18.05.2021
FLORABonjour,
Pourquoi les vautours s’en sont pris à une jument en vie? (Vu au infos aujourd’hui)
09.06.2020
Le Ny MorganMerci pour cet article, clair et précis. Je suis triste de voir que certains prennent ces exceptions comme un changement de comportement et non comme un acte logique de charognards sur des animaux pas morts mais mourants. J’ai vu une biche manger un oisillon une fois, faut-il en conclure un changement de comportement vers la carnivorie chez les cervidés ? C’est tout aussi absurde. Ce n’est pas le comportement des animaux que change, c’est juste notre vision d’un animal sur le point de mourir et un animal déjà mort qui est à revoir.
03.06.2019
GUYOT AndréasPuis-je me permettre de vous faire voir une erreur dans les chiffres.
Stephan Maury écrit 900 couples, donc 1800 individus, il dit que le vautour a besoin de 250 gr de nourriture par jour, donc 1800 x 250 = 450 000, soit 450 kg de nourriture par jour disponible dans la nature.
03.06.2019
Andréas GUYOTj’ai pourtant lu sur le site de la LPO qu’il avait besoin de 500 gr de nourriture par jour. sur un autre de la LPO aussi 400 gr.
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Dans mon département la population des vautours fauves a doublé en 12 ans 2007/2019.
Les vautours fauves biologiquement parlant sont des nécrophages, c’est-à-dire qu’ils mangent uniquement des cadavres d’animaux.
Cela est écrit dans tous les livres, et c’est connu de toutes et tous les Béarnais et des Pyrénéens sur la totalité de la chaîne.
Alors pourquoi y revenir, c’est que ce n’est plus vrai à 100%, certains vautours ont adopté un autre comportement, celui de prédateur pourquoi ? toute la question est là.
Pourquoi certains vautours fauves sont-ils devenus prédateurs, je rappelle qu’un prédateur tue sa proie.
Voyons la situation :
Quel est le nombre de vautours, en 2007 ils étaient 500 couples dans le département de Pyrénées-Atlantiques, 12 ans plus tard, en 2019 ils sont 911 couples, soit quasi le double.
Dans les années 1990, (à l’époque où je les comptais) et avant le changement de comportement, il n’y avait qu’environ 300 couples pour le département 64.
La question est de savoir, est-ce qu’ils disposent d’assez de proies naturellement mortes de la faune sauvage pour se nourrir ?
Les proies du bétail domestique : brebis, vaches, chevaux, morts pendant les estives ou pendant l’hiver, ne doivent pas entrer en ligne de compte. Ce doit être pour eux la cerise sur le gâteau.
Sa consommation quotidienne est évaluée à 500 gr. (Chiffres LPO et CNRS de Chizé).
911 couples x 2 = 1822 individus
1822 x 0,500 kg = 911 kg de nourriture quotidiennement disponible uniquement par la mortalité de la faune sauvage.
C’est-à-dire qu’il faut actuellement (2019) environ 1 tonne de nourriture disponible par jour. Cela s’appelle la biomasse du à la faune sauvage.
A mon époque (1990) il n’en fallait environ que 300 kg journellement et cela change tout.
Je ne suis pas certain que cette quantité de biomasse soit disponible chaque jour ? d’ou l’explication du comportement prédateur de certain.