En juin dernier, nous vous annoncions la mort de six baleines franches de l’Atlantique nord sur les côtes canadiennes. Malheureusement, il ne s’agissait que du début de l’hécatombe. En tout, 17 corps de baleines ont été retrouvés, dont 12 dans le Golfe du Saint-Laurent uniquement. Un premier décès a déjà été dénombré en 2018 mais ce n’est pas le plus inquiétant. La saison des naissances s’achève pour la baleine franche de l’Atlantique nord et aucun petit n’a été observé. Une situation inédite.
Les causes de la mortalité importante de 2017 révélées
La situation d’Eubalaena glacialis ne cesse de se détériorer : 2017 restera une année noire pour la baleine noire de l’Atlantique nord avec une mortalité sans précédent. Sur les 17 corps de cétacés, sept ont pu être nécropsiés (terme zoologique pour l’autopsie) et deux causes se détachent : quatre baleines ont succombé à un traumatisme causé par une collision avec un bateau et trois autres sont mortes noyées, empêtrées dans des filets de pêche. Pour tenter d’endiguer la première menace, le Canada et les Etats-Unis ont tous deux baissé temporairement les limites de vitesse imposées aux bateaux sur l’aire de répartition des baleines franches. Une mesure levée durant l’hiver et qui de toute façon n’avait été que partiellement respectée. En revanche, contre les filets de pêche, rien ou presque n’a été annoncé. Pour faire bouger les choses, des ONG et des associations de protection animale se sont associées le 18 janvier pour attaquer en justice le Service national des pêches maritimes des Etats-Unis. Ce dernier est accusé de ne pas protéger les baleines franches des filets de pêche et notamment de ceux de la pêche au homard, qui semble en cause. Plus au nord, au Canada, c’est la pêche au crabe des neiges qui est pointée du doigt. Le produit fini a même perdu sa certification « pêche durable » pour une durée de 90 jours à cause de son implication dans la mort des baleines franches l’été dernier.
Bien que déjà très grave, tout ceci n’aurait pu être qu’une mauvaise passe si l’espèce s’était reproduite suffisamment pour combler les pertes. Malheureusement, c’est loin d’être le cas.
Aucune preuve de natalité en 2018 pour le moment
Chez Eubalaena glacialis, la saison des naissances s’étale de décembre à mars après une gestation de presque un an. Mais alors que nous sommes déjà le 30 mars, les observateurs n’ont pu voir cette année aucune trace de baleineaux. Généralement, les femelles viennent mettre bas dans les eaux plus chaudes au large de la Floride et de la Géorgie (sud-est des Etats-Unis) avant de remonter vers le Canada en été. Mais depuis 2010, le taux de reproduction tend à diminuer. Quand une femelle donnait auparavant naissance à un petit tous les 3 ou 4 ans, ce chiffre semble maintenant être passé à 7 ou 8 ans. Autre statistique alarmante : chaque printemps, une vingtaine de petits étaient visibles contre seulement cinq en 2017 et zéro en 2018. Plusieurs explications sont plausibles. Les baleines rencontrent de plus en plus de difficultés à se nourrir suffisamment, d’où leur présence plutôt récente dans le golfe du Saint-Laurent où elles n’étaient historiquement pas visibles. Pour se nourrir, elles quittent les zones protégées et se rapprochent des côtes où elles se retrouvent piégées par les filets de pêche ou percutées par les navires. Amaigries et menacées, les femelles sont moins fertiles et stressées. Cité par Consoglobe, Philip Hamilton, chercheur au Anderson Cabot Center for Ocean Life, observe les baleines noires depuis 1986 et il n’a jamais vu d’année sans baleineau depuis cette date. 2018 marque donc un tournant dans le déclin de l’espèce.
Avec environ 450 baleines franches de l’Atlantique nord actuellement, dont seulement une centaine de femelles en âge de se reproduire, l’avenir de l’espèce semble suspendu aux mesures qui seront prises par les gouvernements des deux pays nord-américains. L’utilisation de casiers sans cordes pour pêcher le crabe et le homard pourrait être la solution. Sans cela, Scott Kraus, chef scientifique du centre Anderson Cabot de l’aquarium de la Nouvelle-Angleterre à Boston, estime que compte tenu des récents événements, l’espèce pourrait s’éteindre dans 23 ans.
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