Les années se suivent, les rapports des scientifiques s’enchaînent, et la situation s’aggrave : à la crise climatique – dont on entend beaucoup parler dans les médias nationaux sur fond de crise énergétique et de catastrophes naturelles qui se multiplient – se couple une crise de la biodiversité, qui fait malheureusement moins de bruit mais ne doit pas être décorrélée de l’ensemble du problème. Deux études publiées cet été nous rappellent violemment l’urgence de la situation pour les espèces sauvages partout dans le monde.
L’humain menacé par la perte de biodiversité
La première a été dégainée par l’IPBES, sous l’égide de l’ONU, le 8 juillet 2022. Après son très attendu rapport sur l’état de la biodiversité mondiale, dans lequel les experts de l’IPBES avançaient le chiffre impressionnant d’un million d’espèces menacées dans le monde et de 75 % des écosystèmes terrestres altérés par l’homme – la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques a cette fois mis l’accent sur les conséquences de l’érosion de la biodiversité sur l’espèce humaine.
En effet, la surexploitation des espèces sauvages menacerait directement un humain sur cinq. L’IPBES rappelle au passage que des milliards de personnes en dépendent pour se nourrir, se soigner, se chauffer et se dégager des revenus, en particulier les populations les plus pauvres de la planète.
« 70 % des pauvres dans le monde dépendent directement des espèces sauvages, les champignons, les algues et les plantes sauvages constituent des sources d’alimentation et de revenu pour une personne sur cinq et 2,4 milliards dépendent du bois pour cuisiner », a expliqué Marla Emery, coauteure du rapport.
Or, la gestion et l’exploitation de ces espèces dont notre survie dépend est loin d’être durable. D’après l’IPBES, les deux tiers des espèces ne sont pas utilisées de façon raisonnable, et 34 % des « stocks » mondiaux de poissons sauvages sont surexploités dans les mers et les océans.
En l’absence de changements radicaux, c’est toute l’espèce humaine qui se retrouvera à son tour menacée.
Plus de 40.000 espèces menacées d’après l’UICN
Quelques jours après la publication du rapport de l’IPBES, c’est l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), organisme de référence qui répertorie dans sa liste rouge les espèces menacées, qui a rendu public sa dernière mise à jour. Et sa liste non exhaustive des animaux et plantes en voie de disparition vient de s’allonger avec plus de 40.000 nouvelles espèces désormais dans la catégorie « menacée ».
Sur les 147.517 espèces répertoriées, l’UICN en classe 41.459 en tant qu’espèces menacées, dont :
- 9.065 en danger critique d’extinction ;
- 16.094 en danger ;
- 16.300 en vulnérable.
C’est 1.375 de plus que l’année dernière. A cela s’ajoutent également 902 espèces autrefois classées par l’UICN et considérées aujourd’hui comme éteintes, et 82 espèces éteintes dans la nature mais vivant encore dans en captivité.
Bien entendu, ces chiffres sont loin de la réalité, que l’IPBES estime plutôt aux alentours de 1 million d’espèces sauvages menacées. Ils reflètent uniquement les connaissances de l’UICN, après l’étude de chaque espèce et groupes d’espèces, au cas par cas.
Symbole fort de cette nouvelle mise à jour, le papillon monarque – célèbre dans le monde entier pour ses impressionnantes migrations de plus de 4000 kilomètres à travers les Amériques – est entré dans la liste rouge de l’UICN, dans la catégorie « en danger ».
Les experts de l’UICN ont également souligné la fragilité de toutes les espèces d’esturgeons encore en vie dans l’hémisphère nord – telles que le béluga européen et l’esturgeon commun d’Europe –, rappelant que toutes faisaient face à de grandes menaces comme la construction de barrages et le braconnage pour récolter le précieux caviar des femelles.
De façon plus générale chez les animaux, ce sont surtout les amphibiens qui sont les plus menacés d’après l’UICN, avec 41 % des espèces répertoriées considérées comme en voie de disparition. Viennent ensuite les raies et les requins (37 %), les coraux (33 %), les crustacés (28 %), les mammifères (27 %) et les reptiles (21 %).
En décembre 2022, après avoir été repoussée pendant deux ans en raison de la pandémie de Covid-19, s’ouvrira la COP15 sur la biodiversité, au Canada. Avec ces nouveaux éléments qui s’ajoutent à tous les autres, les dirigeants du monde entier ne pourront pas dire qu’ils ne savaient pas.
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