On a longtemps pensé que la famille des grands singes ne comptait que trois grandes catégories : les orangs-outans, les gorilles et les chimpanzés. C’était avant de découvrir une nouvelle espèce en Afrique en 1929 : le bonobo. Mais alors que l’on célèbre sa journée internationale ce 14 février, sa situation se révèle inquiétante.
Le bonobo, un singe pas comme les autres
Considéré comme une sous-espèce de chimpanzé pendant un temps, il est aujourd’hui admis que Pan paniscus est une espèce à part entière. Il faut dire que ce singe endémique des forêts de la République démocratique du Congo (RDC) se distingue des autres primates par de nombreux aspects. A commencer par son organisation sociale : à l’inverse des groupes de type harem comme chez le gorille, chez le bonobo ce sont les mâles qui restent à vie au sein du même groupe et les femelles qui, une fois leur maturité sexuelle atteinte, partent rejoindre un autre groupe palliant ainsi tout risque de consanguinité. Ce sont aussi les femelles qui dominent, un cas unique chez les grands singes. « Les plus dominantes s’associent pour créer une alliance dont le rôle consiste à maintenir la cohésion au sein du groupe et résoudre les conflits », détaille Mélanie Paziault, bénévole à l’association Lola Ya Bonobo chargée de la conservation de l’espèce en RDC. Et comment font-elles pour calmer les tensions ? Elles utilisent le sexe. Une méthode qui marche puisqu’à l’inverse de l’Homme ou du chimpanzé, le meurtre n’existe pas chez le bonobo. C’est grâce à cette pratique pacifiste qu’on surnomme ce primate le « hippie de la forêt ». Il n’y avait donc pas de meilleur jour que la Saint-Valentin pour instaurer sa journée mondiale.
Le braconnage, premier fléau du bonobo
Aujourd’hui, il ne reste plus que 20 000 bonobos à l’état sauvage alors qu’ils étaient 100 000 en 1980. D’après le dernier rapport de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) publié en 2016, l’espèce est « en danger » et pourrait s’éteindre ces prochaines décennies si rien de plus n’est fait pour la préserver. « D’ici trois générations, soit environ 75 ans, la population du bonobo devrait diminuer de plus de 50 % », explique l’UICN, le prélèvement actuel réalisé sur l’espèce étant trop important pour lui permettre de se renouveler suffisamment vite et éviter l’extinction. Les menaces qui pèsent sur Pan paniscus sont nombreuses : longtemps ciblé par les chasseurs, il ne fait aujourd’hui plus partie des marchés de viande de brousse mais est désormais très recherché par les braconniers. Ces derniers le revendent comme animal de compagnie à de riches particuliers au Moyen-Orient ou à des parcs asiatiques où il sera transformé en attraction touristique. « Sur le marché noir, un bébé bonobo peut se vendre entre 30 000 et 50 000 euros », avance Mélanie Paziault. Et d’ajouter : « Deux à trois bonobos sont tués tous les jours en RDC ». Pour s’en procurer en écartant tout danger, les braconniers préfèrent tuer l’intégralité du groupe, ce singe étant très protecteur envers ses congénères. « En moyenne, pour un bonobo capturé, dix sont abattus », assène la bénévole. Un ratio équivalent à celui avancé par Projet Primates au sujet des chimpanzés.
La destruction de son habitat naturel
Autre menace grandissante : la destruction de son milieu naturel. L’aire de répartition du bonobo est assez restreinte puisqu’elle se cantonne aux forêts qui bordent le fleuve Congo dans la partie RDC. « Jusqu’à présent, il était relativement protégé des activités humaines car son habitat naturel est reculé et difficile d’accès. Mais les choses commencent malheureusement à changer », regrette la bénévole de Lola Ya Bonobo. Pas plus tard que début février, le président de la RDC Joseph Kabila a signé une ordonnance autorisant l’exploration pétrolière dans la région du parc de Salonga, où vivent les bonobos. Il pourrait s’agir du début d’une série d’autres mauvaises nouvelles pour l’habitat naturel de Pan paniscus, la RDC faisant partie des pays les plus riches en minerais au monde. A titre d’exemple, 60 % de la production mondiale de cobalt, un minerai notamment utilisé dans la fabrication de batteries de voitures et de smartphones, provient de République démocratique du Congo.
Plusieurs actions doivent être mises en œuvre pour préserver l’espèce, l’objectif étant à la fois de protéger son milieu naturel et de lutter contre le braconnage dont elle est victime. Aujourd’hui, l’un des fers de lance de la préservation du bonobo dans son milieu naturel est Lola Ya Bonobo. L’association a en effet créé un sanctuaire à quelques kilomètres de Kinshasa, dans lequel sont recueillis les bonobos orphelins. Là, on leur attribue une maman de substitution – sans leur mère, les petits meurent en moins de trois jours de carence affective – avant de le mettre en contact avec d’autres congénères dans des enclos en semi-liberté. Une fois la cohésion du groupe assurée, tous sont réintroduits dans leur milieu naturel.
Par Jennifer Matas
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