
Le tigre du Bengale est l’une des trois sous-espèces de tigres classée « en danger » d’extinction par l’UICN, avec le tigre de Sibérie et le tigre d’Indochine. Sa situation est donc délicate, mais moins que celle de ses cousins le tigre de Chine méridionale, le tigre de Malaisie et le tigre de Sumatra, tous trois « en danger critique ».
Des tigres du Bengale plus nombreux ?
Récemment, plusieurs bonnes nouvelles sont même venues redonner de l’espoir quant au bon rétablissement de sa population dans la nature. Le Bangladesh a notamment révélé début mai 2019 que le nombre de tigres du Bengale augmentait à nouveau dans les Sundarbans, son fief à cheval entre ce pays et l’Inde. D’après un recensement réalisé par le ministère des Forêts, la région compterait en effet 116 tigres contre 106 il y a quatre ans. Soit une hausse de 8 % sur la période, une première depuis 15 ans !
Il faut dire que l’Inde et le Bangladesh ont fourni de nombreux efforts pour la conservation de ce grand félin dans les Sundarbans. En 2011, ils ont signé un accord pour agir ensemble pour sa préservation et lutter contre les braconniers dans les environs.
Autre bonne nouvelle : la naissance en 2019 de tigrons dans certaines régions du Madhya Pradesh, au centre de l’Inde, où plus aucun bébé tigre n’avait été observé depuis plusieurs années. « Au moins 11 petits ont été aperçus, dont 5 dans la réserve de Panna Tiger, 3 dans le sanctuaire de Nauradehi et 3 autres dans le sanctuaire de Ratapani », détaille The Guardian.
En 2018, le Népal a lui aussi fait savoir que sa population de tigres du Bengale avait fortement augmenté, et même doublé en huit ans ! Aujourd’hui, le pays abriterait ainsi 235 individus contre seulement 121 en 2009.
Le braconnage, une menace forte
Malgré toutes ces annonces porteuses d’espoir, difficile de rester optimiste au regard du braconnage dont ce grand félin est victime. En Inde, où vit la plus grande population de tigres du Bengale, 289 félins ont été braconnés depuis 2010. La pire année étant 2016 avec l’abattage de 50 individus sur la période.

Tigre du Bengale dans les Sundarbans, entre l’Inde et le Bangladesh.
Dans les Sundarbans, aussi, les braconniers sévissent. Mais le Bangladesh comme l’Inde ont renforcé la surveillance dans les parages. Le Bataillon d’Action Rapide (RAB en anglais) – l’unité d’élite de la police bangladaise – a par exemple interpelé 400 individus suspectés de braconnage depuis 2004, et tué 120 autres lors d’affrontements. 200 autres encore ont accepté de cesser leurs activités illégales en échange de contreparties financières et d’aides juridiques.
Une petite victoire, mais la menace reste réelle. Les braconniers traquent les tigres depuis longtemps. Ils cherchent leurs peaux, leurs crocs, leurs griffes et toutes autres parties de leurs corps qui s’échangent à prix d’or au marché noir. L’interdiction de tout commerce international concernant le tigre, décidée en 1993 par la CITES, n’a donc pas empêché que se poursuive le braconnage.
Il arrive par ailleurs que des tigres se retrouvent coincés dans des pièges et des collets, posés soit par des braconniers à destination de ces félins, soit par des villageois pour attraper du gibier. Certains pièges sont si solides que les tigres meurent dans l’instant ou ne se remettent jamais de leurs blessures. En Inde, 24 tigres du Bengale sont ainsi morts depuis 2010.
Au braconnage s’ajoutent les abattages en représailles à des attaques sur l’homme ou sur le bétail. Les conflits entre le tigre et l’humain sont récurrents, en particulier dans certaines régions comme dans les Sundarbans où les tigres tueraient une cinquantaine de personnes chaque année, d’après l’ONG WildTeam. La cohabitation entre les deux est donc l’une des clés pour aider à la conservation du tigre du Bengale dans la nature. C’est la raison pour laquelle WildTeam a créé la TigerTeam. Ses missions : sensibiliser les populations locales des Sundarbans et les aider à vivre en harmonie avec le tigre.
Changement climatique et montée des eaux

Les Sundarbans, plus grande forêt de mangrove au monde.
Même si le braconnage et la chasse cessent un jour, le tigre du Bengale devra faire face à une menace d’une toute autre ampleur : celle du changement climatique couplée à l’élévation du niveau des mers.
Une nouvelle étude parue en février 2019 révèle en effet que d’ici 2070, les Sundarbans seront devenus inhabitables pour ce grand félin, alors qu’aujourd’hui ils constituent son plus important refuge. En dépit des efforts de conservation, de sensibilisation et de lutte contre le braconnage, l’avenir s’assombrit donc pour le tigre du Bengale, condamné à disparaître de l’un de ses derniers bastions.
Cette immense forêt de mangrove – la plus grande au monde – est fortement menacée par la montée des eaux. Ces terres se trouvent à moins de 5 mètres au-dessus du niveau de la mer et pourraient être submergées ces prochaines décennies.
Le Bangladesh arrive en tête des pays les plus fragiles face à la crise climatique. Plusieurs millions d’habitants sont déjà impactés chaque année par les inondations au moment de la saison des pluies, et d’ici 2050, le pays pourrait perdre jusqu’à 20% de son territoire. Ce qui transformerait plus de 50 millions de personnes en « réfugiés climatiques ».
« Au-delà du changement climatique, les Sundarbans sont soumis à une pression croissante due aux développements industriels, aux nouvelles routes et au braconnage, explique le professeur Bill Laurance, co-auteur de l’étude parue en février. Ainsi, les tigres subissent un double revers : un empiétement humain accru, un climat de plus en plus dégradé et l’élévation du niveau de la mer qui en découle. »
Autant de facteurs qui pondèrent les récentes bonnes nouvelles concernant le tigre du Bengale et laissent entrevoir le pire pour son avenir.
par Jennifer Matas
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