Dimanche 28 octobre, le Brésil a voté pour élire son nouveau président et c’est, sans surprise, Jair Bolsonaro qui l’a emporté face à Fernando Haddad, du Parti des travailleurs (PT). Le candidat du Parti social libéral (PSL) a récolté 55,13 % des voix. Déjà lors du premier tour, il avait failli être élu d’office avec 46,1 % des suffrages.
Les promesses de Bolsonaro en matière d’environnement
Cette élection devrait entraîner des changements radicaux aussi bien à l’intérieur du pays qu’à l’échelle internationale, tant le programme de celui qui se définit comme le « Trump tropical » diverge par rapport à celui de ses prédécesseurs. En plus des accusations le décrivant comme misogyne, homophobe, raciste et nostalgique de la dictature militaire, Jair Bolsonaro est également pointé du doigt par ses détracteurs pour ses idées concernant l’environnement, un sujet pourtant grand absent de son programme écrit. En revanche, Bolsonaro a semé quelques idées tout au long de sa campagne qui en disent long sur ses positions. Faisons le point.
Retrait de l’Accord de Paris
Comme son homologue américain, Bolsonaro a fait savoir qu’une fois élu, il sortirait de l’Accord de Paris sur le climat, signé par 195 pays en 2015. Un comble quand on sait que le Brésil devrait être désigné pour accueillir la COP25 en 2019. Pour lui, cet accord va à l’encontre de la souveraineté nationale, notamment en matière de gestion de l’Amazonie. La présidente sortante, Dilma Rousseff, s’était en effet engagée à réduire de 37 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2025 par rapport au taux de 2005, et de 43 % d’ici 2030. L’une des principales mesures pour y arriver serait de freiner la déforestation, première responsable des émissions de gaz à effet de serre au Brésil, devant l’utilisation d’énergies fossiles. Plutôt que de « payer un prix élevé » pour respecter ces engagements, le nouveau président préfère tout simplement y renoncer.
Suppression du ministère de l’Environnement
Autre point qui fâche du côté des militants écologistes, la disparition du ministère de l’Environnement annoncée par Bolsonaro. En fait, il s’agit plutôt d’une fusion entre cette entité et le ministère de l’Agriculture. La nouvelle entité créée serait alors en charge de la gestion des ressources naturelles quelles qu’elles soient ainsi que du milieu rural. Il serait aussi question de transformer les agences fédérales dédiées à l’environnement, Ibama – en charge de la surveillance de l’environnement au Brésil – et l’Institut Chico Mendes pour la conservation de la biodiversité (ICMBio). Toutes deux seraient également réunies sous une seule et même organisation et pourraient se retrouver avec des pouvoirs moindres. Bolsonaro a en effet déclaré lors de sa campagne qu’il voulait retirer à Ibama le droit de délivrer des permis environnementaux et, donc, de s’opposer à des projets industriels potentiellement nuisibles à l’environnement.
L’Amazonie en question
De telles décisions pourraient menacer l’avenir du premier poumon terrestre de la planète, l’Amazonie. Pour rappel, la plus grande forêt au monde s’étend sur neuf pays – le Brésil, la Bolivie, le Pérou, la Colombie, l’Equateur, le Venezuela, Surinam, Guyana et la Guyane française – mais c’est le Brésil qui détient la plus grande surface, avec 63 % de la superficie totale.
Déforestation et exploitation minière
L’Amazonie est riche en ressources naturelles et pourrait être l’une des premières à faire les frais d’une telle politique. Le nouveau président du Brésil s’est déjà dit favorable à l’ouverture de nouveaux sites amazoniens aux industries minières et agroalimentaires. Il s’agirait notamment d’autoriser l’exploitation sur des territoires autochtones – environ 13 % du territoire brésilien. Pour cela, Bolsonaro espère assouplir la loi en la matière ainsi que concernant l’octroi de permis d’exploitation. S’exprimant dans les colonnes du journal brésilien Estadaõ, l’actuel ministre de l’Environnement Edson Duarte a assuré de son côté que l’arrivée au pouvoir du candidat du PSL serait synonyme d’une hausse immédiate de la déforestation dans le pays. « J’ai peur d’une ruée vers l’or vert. Ils sauront que, s’ils occupent illégalement des terres, les autorités feront preuve de complaisance. Ils seront certains que personne ne les dérangera », déclare-t-il à propos des exploitants de l’agroalimentaire. Or, la déforestation est déjà forte dans le pays puisque l’équivalent de « 184 millions terrains de football auraient été rasés ces quarante dernières années », rappelait le chercheur Antonio Donato Nobre en 2014.
Une autoroute en pleine Amazonie ?
Un sujet préoccupe particulièrement les défenseurs de l’environnement : la probable réouverture de la BR-319, une autoroute abandonnée qui relie Manaus à Porto Velho en traversant l’Amazonie. Longue de 890 km, cette route passe en plein cœur de zones préservées. Une fois réformées Ibama et ICMBio, plus rien ne s’opposerait non plus au projet de « construction d’une centrale hydroélectrique en pleine zone habitée par le peuple Munduruku », souligne Reporterre. Une trentaine de réseaux et organisations ont publié un manifeste, dont Greenpeace et WWF Brésil, pour mettre en garde contre ces propositions dangereuses pour l’écosystème. « L’environnement est grave. Cela concerne notre qualité de vie et le monde que nous laisserons à nos enfants, quelle que soit notre façon de penser, d’agir et de se battre. Sa protection est un droit fondamental de l’ensemble de la société brésilienne […] Le président de la république a le devoir de reconnaître et de s’engager à protéger les acquis environnementaux de la société. »
Pour rappel, le Brésil est le pays où les défenseurs de l’environnement sont le plus assassinés. En 2017, 46 personnes y ont été tuées au nom de leur cause.
par Jennifer Matas
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