« Je les aime, elles ont rempli ma vie. » C’est ainsi que débute notre conversation avec Laurent Arthur, chiroptérologue passionné et passionnant, tout jeune retraité du Muséum de Bourges. Ce membre de la SFEPM a beaucoup travaillé sur l’impact de l’éolien sur les chauves-souris, d’il y a 15 ans, quand il pensait encore qu’il n’y avait aucune incidence, à aujourd’hui, où il est convaincu que les éoliennes ne sont pas compatibles avec la biodiversité.
La SFEPM, Société française pour l’étude et la protection des mammifères, a récemment publié un manifeste dans lequel son groupe de travail sur les éoliennes prévient de leur impact sur les populations de chauves-souris. L’éolien, un sujet très à la mode et qui peine à faire consensus. Pour Laurent Arthur qui étudie la question depuis de nombreuses années, « nous sommes en train de sacrifier des espèces tout en parlant de protéger la biodiversité ». Car pour lui, l’éolien est bien une énergie renouvelable mais tout sauf verte !
Des espèces impactées différemment selon la hauteur des gardes basses
Ce spécialiste des chauves-souris alerte sur les collisions des pales et des petits mammifères. Avec les anciens appareils équipés d’une garde basse de 40 mètres de hauteur (NDLR : distance qui sépare le bout d’une pale du sol) « toutes les espèces n’étaient pas impactées, seulement celles de haut vol comme les pipistrelles, les noctules et les sérotines. Mais depuis deux ans, on touche beaucoup plus d’espèces avec l’installation de nouvelles machines dotées de pales qui descendent en dessous de 30 mètres. Ce qu’il faut comprendre c’est qu’en bout de pale, on atteint des vitesses de 250 à 350 km/h ».
La France compte de nombreuses espèces menacées de chauves-souris, elles constituent d’ailleurs 8 des 17 espèces de mammifères menacées sur notre territoire. Les noctules, qui aiment voler en altitude et sont donc directement impactées par les collisions avec les pales, sont en voie de disparition et classées vulnérables sur la liste rouge nationale.
D’après une projection de Vigie-Chiro datant de juillet 2020, la noctule commune –Nyctalus noctula – pourrait perdre jusqu’à 88 % de sa population dans les 15 prochaines années. Les signaux acoustiques enregistrés dans le ciel la nuit diminuent. « On entend le ciel se vider », constate Laurent Arthur, pessimiste quant au sort de ces chauves-souris. « J’ai bien peur que les noctules ne voient pas la fin du 21ème siècle, et si on descend toutes les éoliennes à 10 mètres, on va perdre beaucoup plus d’espèces. »
En effet, les chauves-souris de haut vol représentent environ un tiers des espèces tandis que 40 % volent entre le sol et 30 mètres de hauteur.
Pourquoi les chauves-souris n’évitent-elles pas les éoliennes ?
Ces petits mammifères volants, qui pèsent jusqu’à 40 grammes pour les espèces les plus grandes vivant en France, sont « comme attirés par les éoliennes » et ce pour plusieurs raisons : « Leurs mats sont des structures verticales, semblables à de grands arbres, ce qui rappelle aux animaux leur gite naturel et comme les chauves-souris voient à l’aide d’un cône d’ultrasons, elles ne voient pas à plus de 25 ou 100 mètres de distance. De plus, les éoliennes fixent les insectes qui s’écrasent sur les pales, et les chauves-souris sont attirées par les insectes puisqu’elles s’en nourrissent ».
Dans une étude de 2014 combinant enregistrements acoustiques et suivis caméra vidéo afin d’observer le comportement des chauves-souris à proximité des éoliennes, près de 88 % d’entre elles changeaient même de trajectoire pour se diriger vers l’appareil !
Or, les chauves-souris font partie des animaux au cycle de reproduction lent. Chaque femelle fait un seul petit par an et le taux de renouvellement des populations est bas. « Les courbes démographiques sont pourtant claires : au-delà d’un seuil de mortalité, le phénomène sera quasi irréversible, et nous sommes proches de ce seuil. Et plus le nombre de victimes s’accroît, plus ce seuil se rapproche », explique la SFEPM dans son communiqué.
Comment protéger les chauves souris des collisions avec les pales d’éolienne ?
Les chauves-souris étant nocturnes, on pourrait croire qu’il suffit d’éteindre les éoliennes la nuit. Mais pour une question de rentabilité ce n’est bien sûr pas aussi simple.
Pourtant, des solutions sont déjà mises en place. « Le bridage consiste à couper les éoliennes au moment où les animaux sont les plus actifs. C’est une mesure très technique, qui permet de faire baisser la mortalité mais pas de l’empêcher. Et pour les oiseaux elle n’est d’aucune utilité », déplore le chiroptérologue. Le bridage est décidé par le préfet mais peu d’appareils sont en réalité équipés de ce système. Pourtant, à l’installation d’un éolienne, le développeur doit effectuer dans les trois ans une étude de mortalité pour rendre compte de l’impact sur les chauves-souris.
Des études souvent peu concluantes puisque, comme nous le précise le spécialiste, « quand on trouve une chauve-souris morte, il y en a en réalité 10 de disparues ». Les corps sont disloqués avant d’atteindre le sol, emportés par des prédateurs, ou mangés par les insectes au sol. Autant d’indices qui disparaissent.
3 Réponses to “Les chauves-souris sacrifiées sur l’autel des parcs éoliens”
23.06.2021
MJDBonjour !
Etant chiroptérologue et formée par Laurent Arthur, je me permets de répondre à « Forest ». Merci de votre préoccupation ! Quelle chance d’avoir des barbastelles chez vous. Pour ce qui est des canons, je n’ai jamais observé pendant mes écoutes des chauves-souris qui soient dérangées par le bruit des coups de feu ou des canons effaroucheurs. Bien que ce soit sur leur fréquence d’écoutes, je pense que cela peut les surprendre mais ne les éloigne pas. Elles ne sont (heureusement !) pas familières du danger que peut représenter un coup de feu. Pour ce qui est des données du mât de mesure implanté en février 2020, les analyses de sons sont sûrement en cours. Croyez-moi, ça prend un temps fou à analyser ! De plus, les données sont sûrement privées et seront transmises au développeur et à la DDTM uniquement. « L’avantage » du mât de mesure est qu’il permet de connaître en amont l’activité à hauteur de pâles des éoliennes, et donc d’éviter l’impact sur les chauves-souris en amont du projet (certains attendent la mortalité la première année pour définir les mesures de bridage…). J’espère sincèrement que ce projet n’aboutira pas, mais malheureusement si des éoliennes sont déjà implantées, cela risque d’arriver…
J’en profite pour ajouter, à destination des autres lecteurs, que l’un des grands soucis auquel nous avons à faire face aujourd’hui dans la protection des chauves-souris dans le domaine éolien, est la recrudescence de projets en milieu forestier. C’est une aberration écologique qui va à l’encontre des préconisations d’Eurobats, un groupe de travail de chiroptérologues à l’échelle européenne. Les chauves-souris chassant au dessus des canopées sont particulièrement impactées par ces projets. Or la faible proportion de surface pouvant être prospectée pour chercher des cadavres ne permettra pas d’établir des suivis de mortalité fiables… C’est se cacher les yeux pour dire qu’un danger n’existe pas.
Il existe malheureusement de trop grandes lacunes dans les études sur les chauves-souris dans les projets d’énergies renouvelables. Faux discours publics des développeurs, manque de temps et de formation pour les DREAL, bureaux d’études peu scrupuleux, appel du profit pour beaucoup… Autant de choses qui permettent de continuer à construire des parcs éoliens au détriment de la biodiversité.
13.06.2021
Bon SensC’est un scandale de multiplier des installations industrielles aussi invasives que nuisibles sur toute le territoire.
Ce moyen de production ne devrait exister que sporadiquement dans les rares endroits où il pourrait être adapté (désert hors couloir migratoire en gros).
C’est une honte de détruire l’environnement et la biodiversité pour développer cette filière industrielle, avec en plus la ministre de l’écologie pour favoriser de développement.
J’espère que les condamnations seront sévères quand il faudra répondre de leurs décisions.
12.06.2021
FORESTChez nous dans le Nord Charente, partie du département déjà saturé en éoliennes, plusieurs nuits de suite, un canon-effaroucheur a envoyé une détonation toutes les 40 secondes; J’&vais l’impression que c’était aux portes de notre hameau!; Une personne de notre commune m’a dit qu’il s’agissait probablement un maïssiculteur de la commune voisine qui en était l’auteur. Quand je lui ai dit que des détonations aussi rapproches étaient contre-productives d’une part et que la loi stipulait de ne les faire fonctionner que du lever au coucher du soleil, elle m’a rapporté que effectivement chez le cultivateur qu’elle me citait, un corbeau avait été vu perché sur le canon volerait au-dessus lors de la détonation et se reposait aussitôt !
J’en arrive à me demander si ce tapage nocturne n’a pas Plutôt pour effet inavoué de faire fuir les chauves-souris très nombreuses sur la commune. Nous-mêmes, avons chaque année une colonie de barbastelle qui vient mettre las puis allaiter leur petit derrière nos c=volets.? Je les ai fait enregistrer voilà plus de 5 ans maintenant
Car nous savons depuis fin avril qu’un second projet de 3 éoliennes a été déposé en préfecture sur notre commune, (alors qu’un 1er à déjà été accepté par la préfète malgré l’avis négatif du commissaire enquêteur),et qu’un mât de mesure situé à moins d’un kilomètre de notre hameau mais sur sur la commune voisine (commune du maïssiculteur en question) est planté depuis février 2020 et dont on n’entend aucun écho!! J’ai pris des photos cet hiver au moment des crues car un ruisseau et une zone inondable sépare cette commune au Nord de la nôtre, et nous, et je me suis aperçue que ce mât de mesure était installé au pied d’une bassine (rétribuée par des subventions, et qui épuisent les nappes phréatique sur le bassin de l’Aume-Couture déjà connu comme bassin critique !) qui alimentait des rampes d’arrosage(subventionnées largement dans les années 70!) pour arroser d’énormes superficies de maïs, qui ne sert en grande partie l’alimentation animale, quand ce n’est pas pour faire de l’agro-carburant, avec débouché de la filière dans les usines de SOFIProtéol (montée à l’initiative et appartenant à la société de l’ex-président de la FNSEA aujourd’hui décédé) tant à La Rochelle et une autre à Bordeaux , en tout cas pas de l’alimentation humaine!!!!
Pouvez-vous SVP me dire si oui ou non ce type de canon fonctionnant à fréquence rapprochée toute la nuit, peut faire fuir les chiroptères, auquel cas, les promoteurs éoliens auront la voie libre pour agir et cela, en dépit de la forêt au sud (reliquat de la Sylve d’Argenson qui à l’origine d’étendait de Niort à Angoulême) et en dépit des zones humides (non recensées comme telles malheureusement) et surtout en dépit du corridor écologique que nous avons mis en place voilà 8 ans sur les conseils de la DDT, entre forêt et la rivière du gouffre des Loges, corridor dont la portion qui recouvre l’implantation d’une des 3 éoliennes n’est pas stipulée dans le rapport environnemental ! Alors qu’u ornithologue rencontré sur place, il y a un an m’a confié la richesse en avifaune hébergée par nos haies : oie grièche, circaète jean le Blanc. Par ailleurs nous avons noté depuis le COVID (probablement en raison du fait que mon neveu s’est installé en BIO voilà 5 ans, comme paysan -boulanger, bon nombre d’alouettes des tourterelles des bois, un couple de huppes fasciée qui cette année encore est venue faire son nid sous les tuiles de notre grange, des écureuils, un couple de loriot, rouge-queue à front blanc, pic-épeiche, un couple de milan noir…..
Pourrions-nous classer cette zone, sinon en Natura 2000, au moins en zone protégée pour sa biodiversité !