Quoi de plus relaxant que de se promener en bord de mer, soleil couchant, de sentir le sable sous nos pieds et de respirer les embruns ? Dans ce moment de quiétude, rien ne saurait plus vous agacer que la vue de déchets plastiques charriés par les vagues.
Mais voilà, ce petit carré noir dont les quatre coins partent en pointe, que vous avez d’abord pris pour du plastique, n’est en réalité pas un détritus. Il s’agit d’une capsule d’œuf de raie et son observation et son identification peuvent aider les scientifiques.
Programme CapOeRa
Depuis 2005, l’Association Pour l’Etudes et la Conservation des Sélaciens (APECS) coordonne le programme CapOeRa – ou Capsules d’œufs de Raies – un peu partout sur nos côtes, à l’océan Atlantique, la Manche ainsi qu’à la mer Méditerranée.
Le principe : aider les scientifiques à mieux connaître les différentes espèces de raies présentes dans les eaux françaises, à l’heure où nous manquions cruellement d’informations dans ce domaine.
Testé pendant deux ans en Bretagne, le programme CapOeRa a été déployé à l’échelle nationale à partir de 2008 et continue d’exister aujourd’hui. Plusieurs structures relais – soutenues par d’autres associations, des aquariums, des maisons de la nature, des offices de tourisme, etc. – ont été installées depuis les plages du Nord jusqu’aux plages proches de Montpellier, en passant par tout le littoral atlantique.
Les promeneurs n’ont qu’à ramasser les capsules de raies qu’ils trouvent sur les plages et les déposer dans des bacs prévus à cet effet. Ces derniers seront ensuite acheminés jusqu’à des scientifiques qui pourront étudier leurs contenus et compiler ces données.
Grâce à ces informations collectées directement par le grand public sur le terrain, les scientifiques peuvent mieux connaître les aires de distribution des raies ainsi que leur mode de reproduction, les périodes de ponte, etc.
Des bébés raies en capsule
Mais au fait, c’est quoi une capsule d’oeuf de raie ? Cela peut sembler incroyable, mais toutes les espèces de raies n’ont pas le même mode de reproduction et parmi la trentaine d’espèces qui côtoie les côtes de France métropolitaine, plusieurs sont ovipares. En réalité à l’échelle globale, l’oviparité concernerait environ 30 % des raies dans le monde.
Cela signifie qu’elles pondent des œufs, renfermés dans des sortes de capsules qui restent collées au fond de la mer.
Après l’éclosion de l’œuf, le bébé raie perce la capsule et part faire sa vie dans l’océan ou la mer, tandis que la capsule dérive jusqu’à finir par s’échouer sur le rivage. C’est là que nous pouvons les ramasser pour les soumettes aux scientifiques.
Grâce à leur teneur en kératine, les capsules d’œufs de raies sont souples dans l’eau, mais très résistantes et fermes à l’air libre. Elles peuvent être ramassées sans crainte. Le plus souvent, on les trouve dans ce qu’on appelle « la laisse de mer », cette bordure où s’accumulent algues, déchets naturels et non-naturels. A noter qu’une raie peut pondre plus d’une centaine d’œufs à la fois.
D’autres raies sont ovovivipares : elles donnent naissance à des bébés raies déjà complètement formés et ne pondent pas d’œufs en externe. Les œufs restent dans le ventre de la mère jusqu’à la naissance des petits. D’autres encore sont vivipares.
Les espèces les plus observées en France
A chaque type de capsule correspond une espèce particulière de raies, et une capsule contient un seul individu. Avec un peu d’aide et de l’entraînement, il est possible de reconnaître quelle espèce de raie a pondu cette capsule.
En France, on a identifié plus d’une dizaine d’espèces de raies ovipares différentes grâce à l’étude des capsules, mais certaines sont plus répandues que les autres.
La raie brunette (70 % de la collecte nationale)
C’est l’espèce de raie dont on retrouve le plus de capsules sur nos plages. Entre 2005 et 2017, en effet, 510.000 capsules de raies brunettes ont été collectées en France, soit 70 % de la collecte nationale totale.
La raie brunette est une raie benthique, qui vit principalement sur les fonds meubles comme les fonds sableux, la vase, les graviers, ainsi que dans les herbiers. Adulte, elle mesure en moyenne 80 à 100 cm de long et se caractérise par sa face dorsale brune qui lui vaut son nom. Tout le dessus de son corps est recouvert de bandes plus sombres entourées çà et là de points blancs. Sa face ventrale, en revanche, est blanche.
Ses capsules présentent une cavité rectangulaire de 7 à 9 cm de long, encadrée par des cornes supérieures plus longues que celles inférieures. Ces dernières se relèvent légèrement vers le haut, comme on peut le constater lorsqu’on observe la capsule de profil.
La raie bouclée (25 %)
Deuxième espèce de raie ovipare la plus observée sur nos côtes, à en croire le nombre d’échouages de capsules sur nos plages – notamment dans la Manche et en Bretagne –, la raie bouclée est également une espèce benthique.
Légèrement plus grande que la raie brunette, elle mesure 90 à 100 cm de long. Sa face ventrale est blanche, bordée de bandes grisâtres, tandis que sa face dorsale présente des petits points noirs et jaunes et une couleur globale qui varie d’un individu à l’autre.
La capsule de la raie bouclée se différencie par une cavité rectangulaire proéminente, de forme quasi-carrée, mesurant 6 à 7 cm de long environ. Les cornes sont plus courtes que chez la raie brunette, et généralement de même taille.
La raie lisse (2,7 %)
Présente partout sur nos côtes françaises, cette espèce côtière est benthique, autrement dit, elle vie cachée au fond de la mer le jour et s’active à la nuit tombée. Sa face dorsale est brune parsemée de petits points noirs et de plus rares taches claires tandis que son ventre est blanc. Elle mesure dans les 1 mètre de long.
La capsule de la raie lisse se distingue par ses cornes supérieures deux fois plus longues que celles inférieures, et qui sont bien souvent cassées lorsqu’on les découvre sur la plage. La cavité centrale, quant à elle, mesure 10 à 12 cm.
Les échouages les plus importants de capsules pour cette espèce ont été observés à l’Ouest du Cotentin. En revanche, vous n’en trouverez pas ou très peu sur les plages méditerranéennes ou dans le Sud du Golfe de Gascogne.
La raie douce (0,9 %)
Raie benthique également, la raie douce est elle aussi recouverte de points noirs sur le dos, à l’exception des bords des ailes qui sont dépourvus de taches. Chaque aile présente même, en général, un début d’ocelle de part et d’autre, et sa face ventrale est blanche.
La raie douce est cependant plus petite que les précédentes espèces de raies citées, avec une taille moyenne oscillant entre 60 et 80 cm maximum.
Sa capsule est également plus petite que les autres, avec une cavité centrale de 5 à 6 cm, aux bords arrondis. En revanche, ses cornes sont plutôt longues en comparaison avec la cavité qu’elles encadrent.
C’est surtout en Vendée qu’on a retrouvé le plus de capsules de raies douces, et plus rarement sur le reste de la façade Ouest. En mer Méditerranée, les échouages sont très rares, d’après les données collectées par le programme CapOeRa.
La raie mêlée (0,3 %)
Benthique, cette espèce de raie n’est pas présente en mer Méditerranée. Les échouages de capsules les plus nombreux ont été observés en Gironde, et très peu ailleurs, notamment dans la Manche Est où il n’y a eu que peu d’observation.
De taille moyenne par rapport aux autres espèces citées, la raie mêlée mesure 70 à 90 cm de long. Sa face dorsale est grise, brune, voire verdâtre, ou parfois couleur sable, selon les individus. Des lignes et des taches claires parsèment son dose, souvent de façon parallèle de part et d’autre de chaque aile. Sa face ventrale est blanche.
Sa capsule est, elle aussi, de taille moyenne avec une cavité étroite à sa base et mesurant 7 à 8 cm de long. Les cornes supérieures, en revanche, sont longues et fines tandis que les cornes inférieures sont courtes et larges, et légèrement recourbées vers l’intérieur.
La raie fleurie (0,1 %)
Vivant dans les fonds meubles et les herbiers, la raie fleurie est aussi bien présente dans l’Atlantique, la Manche et la Méditerranée. De taille légèrement plus petite que ses cousines, elle mesure 75 cm de long chez les femelles et 67 cm chez les mâles, qui sont donc moins grands.
On reconnait facilement la raie fleurie aux deux ocelles noirs et jaunes présents sur chacune des deux ailes et qui ressortent sur le brun clair de la face dorsale. Le ventre, quant à lui, est blanc, avec une ligne plus sombre en bordure des ailes.
Sa capsule est elle aussi très distincte des autres, avec une cavité petite de 5 à 6 cm à la forme très arrondie, ainsi que des cornes supérieures très longues, au point de se courber et parfois de se croiser. Attention, cependant, il est rare de trouver des capsules intactes après leur échouage. Il arrive donc que les cornes soient cassées et compliquent l’identification de l’espèce.
1 réponse to “Mieux connaître les raies de France grâce à vous”
20.09.2022
Fresh_CareerDepuis plusieurs annees, le CPIE Marennes-Oleron est un partenaire relais du programme de science participative “CapOeRa” ne en Bretagne. Il consiste a suivre la presence et des raies ovipares des cotes francaises a travers le recensement des echouages de capsules d’?ufs de raies. Tous les citoyens peuvent y participer ! En se promenant sur la plage, il suffit d’ouvrir l’?il et de ramasser les capsules deposees par la maree. Apres les avoir apporte a la structure relais proche de chez soi, on identifie et denombre les differentes capsules. Au large de l’Ile d’Oleron, plusieurs especes de raies vivent et se reproduisent. C’est le premier territoire en matiere d’echouage de capsules: plus de 500 000 ont ete recoltees sur les plages depuis 2012 ! Toute l’annee, des capsules de raies et de petits requins s’echouent sur les plages de l’Ile d’Oleron. Sur nos cotes, nous en avons deja recense plus de 9 especes. En plus de l’interet scientifique, il permettra aux habitants et visiteurs d’effectuer des promenades a la fois ludiques et utiles.