Début décembre, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a décidé de modifier les statuts de deux cétacés présents sur la liste rouge des espèces menacées d’extinction : Orcaella brevirostris, le dauphin d’Irrawaddy, et Neophocaena asiaeorientalis, le marsouin aptère. Tous deux sont passés de la catégorie « vulnérable » à celle d’« en danger d’extinction », s’enfonçant ainsi vers une disparition à long terme.
Le déclin du dauphin d’Irrawaddy, Orcaella brevirostris
Le dauphin d’Irrawaddy (Orcaella brevirostris), parfois également appelé dauphin du Mékong, est visible en Asie du sud-est et surtout au Bangladesh, où se trouve sa plus grande population. Cinq sous-espèces sont connues, toutes classées « en danger critique d’extinction » par l’UICN. Aussi à l’aise en eau douce que dans l’eau salée, le cétacé privilégie les côtes, les estuaires et les embouchures de fleuves comme le Gange, le Mékong ou encore les Sundarbans au Bangladesh. Ce dauphin au rostre (museau) arrondi est bien connu des locaux : de par son aire de répartition et son naturel peu craintif, il est proche de l’Homme. Ainsi, en Birmanie, il a pour réputation de rabattre le poisson dans les filets des pêcheurs. Cette collaboration Homme-cétacé était l’un des atouts des programmes d’éco-tourisme organisés en collaboration avec des associations de protection animale comme WCS Bangladesh. Malheureusement, l’espèce connait aujourd’hui un véritable déclin : le nombre d’individus a même été divisé par deux au cours de 60 dernières années.
La disparition du marsouin aptère, Neophocaena asiaeorientalis
Le marsouin aptère, parfois appelé marsouin Yangtzé, ne doit pas être confondu avec le dauphin de Chine (Lipotes Vexillifer), souvent surnommé dauphin du Yangtzé ou Yangzi. Neophocaena asiaeorientalis vit bien dans ce même fleuve d’eau douce, mais il ne s’agit que d’une de ses populations puisque notre marsouin aptère est également visible en mer, le long des côtes coréennes et japonaises. Pourquoi aptère ? Ce terme renvoie habituellement aux oiseaux dépourvus d’ailes et est ici employé pour qualifier l’absence d’aileron dorsal, celui-là même qui fait frémir chez le requin blanc. Malheureusement, comme son compatriote le dauphin de Chine, il semble que le nombre de Neophocaena asiaeorientalis soit en train de décliner, peut-être même plus rapidement que le dauphin d’Irrawaddy puisque selon la dernière mise à jour UICN, leur nombre a été divisé par deux en 45 ans seulement. La chute des effectifs pourrait même atteindre 70 % dans la mer intérieure de Seto au Japon.
Les techniques de pêche en cause
Ces deux cétacés asiatiques n’aiment guère s’éloigner des côtes, et ce comportement est sans doute la cause principale de leur disparition. Les techniques de pêche modernes ont fait des ravages chez les deux espèces. Comme leur cousin américain, le vaquita, ils constituent des prises accessoires, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas directement visés par les pêcheurs. Deux techniques de pêche sont particulièrement décriées : l’utilisation de filets maillants et l’électro-pêche.
Les filets maillants sont suspendus verticalement dans l’eau comme des cages de but au football. Le poisson qui s’y engage se coince au niveau des ouïes dans la maille du filet, sans pouvoir faire demi-tour. Pensés pour être personnalisés selon la prise, ces filets sont en fait de véritables attrape-tout. Tortues marines et cétacés s’y retrouvent aussi bien capturés que les poissons. Dans le Mékong notamment, ce système a causé la mort de nombreux dauphins d’Irrawaddy ces dernières années.
L’électro-pêche quant à elle est une pratique souvent illégale mais de plus en plus utilisée car d’une redoutable efficacité. Les pêcheurs utilisent des générateurs ou des batteries de voiture pour créer un champ électrique qui attire les poissons, les assomme ou les tue selon la force du champ. Les poissons remontent à la surface et n’ont plus qu’à être récupérés. Si toutes les espèces de poissons et de cétacés ne montrent pas la même sensibilité aux champs électriques, il est impossible de cibler une espèce en particulier en utilisant l’électro-pêche et tout ce qui nage à proximité se retrouve piégé.
Si le dauphin d’Irrawaddy et le marsouin aptère vivaient plus loin des côtes, leurs destins auraient-ils été différents ? Rien n’est moins sûr. Si les techniques de pêches sont principalement en cause dans le déclin des deux espèces, la surexploitation des océans entraîne une concurrence accrue pour la nourriture, un phénomène qui commence à toucher nos deux cétacés. Par ailleurs, les sous-espèces en eau douce ne s’en tirent guère mieux que celles en eau salée ! Si le déclin du marsouin aptère se poursuit sur le même rythme, il suivra le même destin que son cousin le dauphin de Chine.
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