Il y a dix ans, les Etats-Unis vivaient l’une des plus grandes catastrophes environnementales de leur histoire avec l’explosion de la plate-forme pétrolière Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique. A environ 80 km des côtes de la Louisiane, des millions de litres d’hydrocarbures se déversent pendant près de 87 jours. Dix ans plus tard, la population de dauphins de la région est toujours fortement impactée par cette marée noire historique.
Résumé de la catastrophe Deepwater Horizon
Le 20 avril 2010, la plate-forme pétrolière Deepwater Horizon prend feu. Deux jours plus tard, elle s’effondre, libérant près de 780 millions de litres de pétrole qui se déversent dans le golfe du Mexique. La tragédie provoque 11 morts humaines, mais ses répercussions sur la faune sont impossibles à chiffrer.
Le golfe, qui venait de faire l’objet d’un « recensement de la vie marine » (Census of Marine Life) juste avant le naufrage, est l’un des sites les plus riches au monde en termes de biodiversité avec pas moins de 15.419 espèces marines répertoriées.
Dix ans plus tard, la National Marine Mammal Foundation (NMMF), basée à San Diego, s’est focalisée sur l’impact de la catastrophe sur les populations de dauphins. « Nos découvertes sont décourageantes et un brutal rappel du lien inextricable entre les activités humaines et la nature », a déclaré le Dr Cynthia Smith, directrice exécutive et directrice médicale de la National Marine Mammal Foundation.
Les conséquences directes de l’explosion de Deepwater
Plus d’un millier de dauphins tués
D’après le gouvernement américain, il y a eu dans le nord du golfe du Mexique 1.141 échouages de dauphins – dont 95 % de décès – consécutifs à la catastrophe.
Le Dr Cynthia Smith a étudié tout particulièrement les effets de la catastrophe dans la baie de Barataria, dans le sud-est de la Louisiane. Celle-ci abrite 2 000 à 3 000 dauphins et notamment des grands dauphins (Tursiops truncatus), une espèce non menacée d’après les critères de l’UICN mais qui a connu un fort déclin suite à cette marée noire. Une sur-mortalité qui a eu un impact sur la taille des populations : -50 % à Barataria et jusqu’à -70 % dans le delta du Mississippi.
Très lourdement touchée par la marée noire, la baie a nécessité plusieurs années d’efforts de nettoyage. Mais les dauphins exposés aux émanations des hydrocarbures ont vu leur santé se détériorer au fil des années.
Des problèmes pulmonaires massifs
En effet, à la suite de l’exposition au mazout, les cétacés ont très rapidement montré des signes de maladie pulmonaire. L’inhalation ou l’ingestion du pétrole a tué directement une partie des dauphins à proximité de la catastrophe mais a également provoqué une augmentation des symptômes respiratoires chroniques chez les cétacés et chez les secouristes humains. Et dans les deux cas, les chercheurs ont remarqué que pour une bonne partie, les symptômes s’aggravaient avec le temps.
En plus de ces problèmes pulmonaires, la marée noire provoquée par Deepwater Horizon aurait également impacté le système immunitaire des dauphins, provoquant une augmentation des cas d’infection et de maladie, et ce depuis dix ans. Car, comme le rappelle Dr Cynthia Smith, les dauphins ont une longévité comparable à celle des hommes. Les animaux malades, s’ils ne décèdent pas rapidement, subissent une longue dégradation de leur santé.
Des problèmes de fécondité chez les dauphins même dix ans après l’explosion
Autre problème chronique révélé par les études de la NOAA et du NMMF, la marée noire semble avoir altéré les capacités reproductrices des dauphins. De 2010 à 2015, près de 75 % des femelles ont fait des fausses couches ou ont mis au monde des delphineaux mort-nés. Le faible taux de reproduction des dauphins a ainsi été constaté dans la baie de Barataria et dans le détroit du Mississippi jusqu’à très récemment. En 2018, seul 20 % des gestations ont été menées à leur terme avec succès sur ces sites, contre 65 % pour la même espèce mais dans une autre zone géographique.
Le Dr Smith se montre pessimiste sur les naissances des prochaines années : « nous ne nous attendons pas à ce que le faible taux de réussite de la reproduction s’améliore tant que la santé globale des femelles reproductrices ne sera pas meilleure ».
Le constat est en effet que dix ans n’ont pas suffi aux populations de dauphins pour se remettre de l’explosion de la plate-forme et de ses conséquences sur la qualité de l’eau. D’après les projections du Gulf Spill Restoration, site du gouvernement dédié à la remise en état du golfe, les populations de grands dauphins ne seront pas rétablies avant 2050 ! Soit quarante ans après l’explosion de la plate-forme. Pire encore, celle des dauphins à long bec (Stenella longirostris), espèce également classée comme peu concernée par l’extinction, ne devrait se rétablir complètement que dans un siècle !
Des populations de dauphins plus fragiles
Avec une population plus concentrée et un faible taux de reproduction, les chances de survie de certains groupes sont menacées. Les recherches prouvent en effet que les dauphins ayant survécu à l’exposition d’hydrocarbures sont moins susceptibles de faire face avec succès aux autres facteurs de stress dans leur environnement.
Et des facteurs de stress, il y en a ! La National Marine Mammal Foundation pointe notamment du doigt les pressions environnementales causées par le changement climatique mais également la pollution sonore et les accidents avec les filets de pêche. Autant de facteurs qui pourraient ralentir, voire empêcher les populations de dauphins du golfe du Mexique de retrouver le niveau qui était le leur avant avril 2010.
Enfin, si les recherches du Dr Cynthia Smith ont surtout porté sur les dauphins de la baie de Barataria en Louisiane, il faut également s’attendre à ce que ses résultats soient semblables pour d’autres cétacés de la région. Parmi eux se trouve notamment la sous-population du golfe du Mexique du rorquals de Bryde (Balaenoptera edeni), classée en danger critique d’extinction par l’UICN.
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