
« Les zones humides disparaissent trois fois plus vite que les forêts. » C’est en partant de ce triste constat que la Convention de Ramsar* a tiré la sonnette d’alarme dans son dernier rapport**. Il faut dire qu’il y a urgence tant ces zones jouent un rôle clé dans la vie sur Terre.
Qu’est-ce qu’une zone humide ?
Une zone humide est avant tout un écosystème aquatique. Il en existe de différentes sortes : lacs, cours d’eau, marais, tourbières, estuaires, lagunes, mangroves ou encore récifs coralliens sont des zones humides. Ensemble, toutes les zones humides de la planète recouvrent 12,1 millions de km². 2 200 de ces zones, soit environ 15 % d’entre elles, sont dites « d’importance internationale » et figurent sur la liste de Ramsar. La France compte 48 sites Ramsar qui s’étendent sur une superficie de 3,6 millions d’hectares répartis entre la métropole et l’outre-mer. Parmi les plus connus, on trouve la baie de Somme, le Mont Saint-Michel, la Camargue, le lac du Bourget ou encore l’étang des Salines en Martinique.
Le rôle des zones humides
Les zones humides sont vitales pour un grand nombre d’espèces sur Terre. Non seulement elles sont les premiers fournisseurs d’eau douce au monde, mais en plus elles comptent parmi les milieux les plus riches en termes de diversité biologique.
Un sanctuaire pour 40 % des espèces dans le monde

Camargue (France).
Ces écosystèmes ultra-élaborés débordent de vie animale et végétale parce qu’ils fournissent de l’eau, de la nourriture et un abri à de nombreuses espèces, comme la grue de Sibérie. D’autres s’y réfugient pour s’en servir de pouponnières. On estime que 40 % des espèces de la planète vivent et se reproduisent dans les zones humides. Les humains eux aussi en sont fortement dépendants. Non seulement pour l’eau douce que l’on consomme, mais aussi pour la nourriture et les matières premières qu’elles abritent.
Une protection naturelle
Surtout, les zones humides tiennent un rôle clé dans la résilience quant à plusieurs catastrophes naturelles. Par exemple, les mangroves constituent une barrière naturelle contre les cataclysmes comme les ouragans, les cyclones et les typhons. Les marais, tourbières, estuaires et autres permettent de leur côté d’atténuer les crues et ainsi de limiter les risques d’inondation, ou encore de protéger le littoral de l’érosion, d’alimenter les cours d’eau en période de sécheresse ou de lutter contre le réchauffement climatique !
En effet, les zones humides sont des puits de carbone naturels. Cela signifie qu’elles absorbent d’importantes quantités de carbone, un gaz à effet de serre en partie responsable de la hausse globale des températures. A elles seules, les tourbières stockent deux fois plus de carbone que toutes les forêts du monde alors qu’elles ne représentent que 3 % de la surface de la planète !
Une disparition inquiétante
Malgré leur importance cruciale, ces sites disparaissent. Entre 1970 et 2015, près de 35 % des zones humides auraient été rayées de la carte et cette disparition galopante s’accentue depuis les années 2000 sans que de véritables mesures internationales ne soient prises.
Pollution de l’eau
La principale menace qui pèse sur les zones humides : la pollution des cours d’eau. Ceux-ci sont de plus en plus chargés en matières nutritives nocives provenant des engrais et pesticides utilisés dans l’agriculture. Par ruissellement, ces substances se déversent dans les zones humides des quatre coins du globe, bouleversant gravement ces écosystèmes. D’après l’Organisation des Nations Unies (ONU), 80 % des eaux usées non traitées sont ainsi déversées dans les zones humides. La quantité d’engrais en question devrait par ailleurs augmenter de 25 % en 2018 par rapport à 2008 et s’élever à 200 millions de tonnes. La conséquence directe, c’est que ces engrais favorisent le développement des algues et autres plantes aquatiques qui, lorsqu’elles meurent, se décomposent, ce qui réduit drastiquement la concentration en oxygène de l’eau. On parle alors d’hypoxie, un phénomène qui nuit fortement à la faune et la flore des zones humides.
Un quart des espèces menacées d’extinction

Singe nasique (Nasalis larvatus) dans la mangrove.
D’autres menaces entrent aussi en jeu, comme la prolifération d’espèces invasives telles que les écrevisses envahissantes dans le delta de l’Okavango, au Botswana, et les déchets maritimes et urbains qui s’échouent dans les zones humides côtières. Résultat : aujourd’hui, plus de 25 % des espèces animales et végétales qui vivent dans les zones humides sont menacées de disparition. Parmi elles, les coraux qui résistent difficilement au réchauffement climatique, des tortues marines et d’eau douce, des amphibiens, des oiseaux, des mammifères, des poissons, des reptiles et de nombreux végétaux.
*La Convention de Ramsar (du nom de la ville iranienne dans laquelle elle a été signée) a donné naissance à un traité adopté en 1971 et entré en vigueur en 1975. Son objectif : prendre des mesures en faveur de la conservation et de la gestion durable des zones humides partout dans le monde. A ce jour, 170 pays l’ont ratifiée. A noter que l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) travaille en étroite collaboration avec la Convention de Ramsar.
**« Perspectives mondiales des zones humides : l’état mondial des zones humides et de leurs services à l’humanité (2018) », Convention de Ramsar, rapport PDF.
par Jennifer Matas
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