Confortée par des preuves génétiques solides, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) officialise ce qui avait été confirmé par les scientifiques il y a quelques années : il existe non pas une mais deux espèces d’éléphants d’Afrique distinctes :
- l’éléphant de savane (Loxodonta africana) ;
- l’éléphant de forêt (Loxodonta cyclotis).
L’organisme a en effet mis à jour sa liste rouge internationale, le 25 mars 2021. Jusqu’à présent, ces deux espèces étaient considérées comme une seule et même espèce et classée « vulnérable » à l’extinction. Important changement : leur statut de conservation empire.
L’éléphant de savane « en danger »
L’espèce la plus commune des éléphants d’Afrique, à savoir l’éléphant de savane, passe ainsi dans la catégorie « en danger » (EN). Auparavant, Loxodonta africana était considéré « vulnérable » à l’extinction.
D’après les estimations, cet éléphant aurait perdu au moins 60 % de ses effectifs au cours des 50 dernières années, principalement à cause du braconnage pour récupérer l’ivoire de ses défenses.
L’éléphant de forêt « en danger critique »
La situation est pire pour l’éléphant de forêt. Classé pour la toute première fois en tant qu’espèce à part, il entre directement à la pire place des espèces menacées de disparition : en danger critique (CR). Il s’agit de la dernière étape avant l’extinction dans la nature.
Cet éléphant a été particulièrement victime du braconnage pour son ivoire, réputé plus dur – et donc plus recherché – que celui de l’éléphant de savane. Il est aussi facilement traqué par les braconniers puisqu’il trace un sillage visible dans la végétation dense où il vit.
En plus de cela, l’éléphant de forêt se reproduit plus tardivement et moins souvent que son cousin de la savane. Les populations se renouvellent donc plus lentement, ce qui les expose encore plus à la menace que représente le braconnage. Une étude parue en août 2016 pointe ainsi que le faible taux de croissance naturelle des éléphants de forêt joue en leur défaveur et que l’impact du braconnage ne pourrait être surmonté qu’au bout de plusieurs décennies.
Au cours des trente dernières années, les éléphants de forêt ont perdu plus de 86 % de leurs effectifs. Présents dans les forêts tropicales d’Afrique centrale et de l’ouest – principalement au Gabon et au Congo –, ils ne croisent que rarement la route des éléphants de savane, plutôt acclimatés aux paysages ouverts de l’Afrique subsaharienne.
Deux espèces distinctes, ce que cela change
Au-delà d’une classification différente sur le papier, cette distinction entre l’éléphant de savane et l’éléphant de forêt aura des implications diverses. La CITES, qui réglemente le commerce international des espèces sauvages animales et végétales, de leurs parties ou produits, mais également les gouvernements des pays dans lesquels vivent ces deux espèces, devront en tenir compte et adapter leur gestion en conséquence.
Y a-t-il un risque pour que l’éléphant soit moins bien protégé ? A priori, non. Ce changement taxonomique ne devrait en rien affecter la protection dont il bénéficie déjà. Aussi bien à l’international – le commerce de l’ivoire étant interdit par la CITES – qu’au sein des pays de son aire de répartition.
Au contraire, « cette nouvelle classification de l’UICN est un appel urgent à l’action : les gouvernements et la société en général doivent faire davantage pour arrêter le trafic d’ivoire, que ce soit en Afrique elle-même, ou le long des routes commerciales lointaines et des destinations éventuelles où l’ivoire continue d’être introduit en contrebande », a déclaré Susan Lieberman, vice-présidente de la politique internationale de la Wildlife Conservation Society (WCS). Des mesures supplémentaires et mieux adaptées à chacune de ces espèces sont donc attendues.
L’épineuse question de l’éléphant de savane dans certaines zones
Pour autant, concernant l’éléphant de savane, la prudence reste de mise. En effet, si l’espèce est considérée comme « en danger », certaines populations sont en augmentation et donnent du fil à retordre aux gouvernements, comme celui du Botswana où vivent 130.000 de ces pachydermes, la plus importante population africaine. Ce pays ainsi que quatre de ses voisins avaient même milité pour un assouplissement du commerce international de l’ivoire en 2019. Demande finalement rejetée par la CITES, mais qui témoigne de la volonté de ces pays de gérer leurs populations d’éléphants à leur façon.
« Bien que les résultats de l’évaluation placent la population continentale d’éléphants de savane dans la catégorie « en danger », il est important de garder à l’esprit que certaines sous-populations sont en plein essor. Pour cette raison, une grande prudence et des connaissances locales sont nécessaires lors de la traduction de ces résultats en politique », ajoute de son côté Dave Balfour, évaluateur des éléphants d’Afrique et membre du Groupe de spécialistes des éléphants d’Afrique de la Commission de la survie des espèces de l’UICN.
Avec cette nouvelle mise à jour, la liste rouge de l’UICN comprend désormais 134.425 espèces animales et végétales évaluées, dont 37.480 sont menacées.
1 réponse to “Les éléphants d’Afrique : deux espèces, toutes menacées”
15.04.2021
Ninon Verstraetec’est tout simplement un « génocide »