Il est des batailles qu’il est bon d’apprécier même quand la guerre n’est pas encore gagnée. Le Parlement européen a prononcé ce mardi 16 janvier une ferme opposition au développement de la pêche électrique sur son territoire, s’opposant ainsi à la décision de Bruxelles.
Avec 170 voix d’écart, le Parlement européen réuni à Strasbourg a voté majoritairement contre la proposition de développer la pêche électrique sur tout le territoire de l’Union européenne. Interdite en 1998, puis autorisée à titre expérimental depuis 2007 dans la mer du Nord sur un quota bien précis de chalutiers, la pêche électrique est une spécialité avant tout hollandaise. Bien qu’autorisée à hauteur de 5 % des flottes de chalutiers à perche de chaque Etat membre de l’UE, les Pays-Bas ont équipé de ce dispositif 28 % de leurs navires. Leur principal argument ? La pêche électrique est éco-responsable puisqu’elle permet de consommer jusqu’à 45 % de gazole en moins. Un raisonnement qui n’a pas convaincu les parlementaires lors de la séance plénière du 16 janvier. Toutefois, rien n’est encore acquis pour les défenseurs de l’environnement : après ce vote, la Commission européenne, le Parlement et les Etats membres doivent s’entendre sur un texte final. Un exercice qui s’apparente déjà à un casse-tête : le 21 novembre dernier, à Bruxelles, la Commission avait plaidé, elle, presque à l’unanimité pour l’élargissement de cette méthode controversée.
La pêche électrique : une expression mais plusieurs utilisations
L’appellation « pêche électrique » n’est pas seulement l’apanage de l’industrie. Quand elle est employée par les scientifiques et les chercheurs, la technique consiste à plonger dans l’eau un outil appelé « Martin-pêcheur® » qui émet un champ électrique qui étourdit les poissons et les poussent à se diriger vers une autre électrode près de laquelle une épuisette les accueille. Ce système est utilisé pour réaliser des inventaires de la faune de nos cours d’eau ou pour faciliter la capture et le déplacement de populations. Elle a l’avantage de ne pas causer la mort du poisson et de se pratiquer à pied, sans pollution du cours d’eau.
En revanche, la technique utilisée par l’industrie de la pêche consiste à envoyer des impulsions électriques dans l’eau à l’aide de chalutiers équipés de perches rigides sur lesquelles sont fixés des filets. Le but est d’étourdir ou de déloger les poissons de fonds afin qu’ils se prennent dans les filets. C’est cette utilisation qui est aujourd’hui l’objet du débat européen.
Quelles espèces de poissons sont menacées par cette pêche ?
Les chalutiers électriques ciblent les poissons et crustacés de fonds enfouis dans le sable et habituellement difficiles d’accès. L’espèce la plus recherchée est la sole (Solea solea) qui ne vit qu’en Europe mais d’autres poissons comme le turbot (Scophthalmus maximus), la barbue (Scophthalmus rhombus) et la plie commune (Pleuronectes platessa) sont également des cibles privilégiées, sans oublier les crevettes qui aiment également vivre dans les fonds.
Si ces espèces ne sont actuellement pas considérées comme menacées, l’utilisation de l’électricité pour leur capture pourrait avoir des conséquences sur le reste de la faune marine, très sensible aux champs électriques. Alors qu’il n’existe toujours pas à l’heure actuelle d’étude fiable sur les incidences de son utilisation, cette pratique a été interdite en Chine en 2000 après plus de 10 ans d’utilisation. Dix-huit ans plus tard, l’Europe s’engagera-t-elle sur le même chemin ?
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