A l’autre bout du monde, une catastrophe écologique est peut être en cours sur la péninsule du Kamtchatka, située à l’extrême orient russe. Une pollution chimique ou des exercices militaires pourraient être à l’origine du décès de milliers de cétacés, poissons, coquillages et mollusques. L’affaire a éclaté au grand jour le 3 octobre dernier grâce à la branche russe de Greenpeace, mais le gouvernement nie.
Que se passe-t-il au Kamtchatka ?
C’est sur les réseaux sociaux que l’ONG annonce qu’une « catastrophe environnementale » est en cours au Kamtchatka, péninsule volcanique qui abrite notamment la plus forte concentration d’ours du monde.
Des milliers de cadavres d’animaux jonchent depuis quelques jours la plage de Khalaktyrsky. Les surfeurs, qui s’adonnent habituellement à leur passion sur le site, se plaignent de « douleurs aux yeux et à la gorge et des vomissements », déclarant même que l’eau « est devenue dangereuse pour les gens et probablement pour les animaux marins ». (Source : Katya Dyba)
Sur place, Greenpeace fait analyser l’eau et décèle « un excès de produits pétroliers (4 fois supérieur aux normes autorisées), de phénol (2,5 fois supérieur aux normes) et d’autres substances dans les échantillons d’eau ».
Si la plage de Khalaktyrsky dévoile aux yeux du monde l’ampleur du phénomène, il faut remonter plus au nord pour en comprendre les enjeux. La pollution chimique serait en fait charriée par les rivières en amont et notamment celle du parc national de Nalychevo, la rivière Nalychev, où des membres de Greepeace se sont rendus le 6 octobre. « Ils [y] ont trouvé des traces suspectes et prélevé des échantillons », explique l’ONG sur les réseaux sociaux.
Face aux vives réactions sur les réseaux sociaux, le gouverneur du Kamtchatka s’est rendu sur place et a promis qu’une enquête allait être menée. Mais lundi 5 octobre, Dmitri Kobylkine, ministre russe de l’Écologie, niait toute catastrophe environnementale, évoquant un possible phénomène naturel lié aux récentes tempêtes.
«We’ve observed a yellowish foam on the ocean surface. The water itself is opaque. In one location we found dead animals. A certain volume of pollutant, not only on the surface, but also at depth, moves along the coast», Vasily Yablokov, Greenpeace Russia climate project leader. pic.twitter.com/icLrFptiFC
— Greenpeace Russia (@greenpeaceru) October 5, 2020
[Traduction : « Nous avons observé une mousse jaunâtre à la surface de l’océan. L’eau elle-même est opaque. Dans un endroit, nous avons trouvé des animaux morts. Un certain volume de polluants, pas seulement en surface, mais aussi en profondeur, se déplace le long de la côte », Vasily Yablokov, chef du projet climat de Greenpeace Russie.]
Toutefois, le gouvernement russe pourrait bientôt être obligé de changer de communication puisque cette nappe de pollution qui mesure près 40 km de long et de 30 à 100 mètres de large dérive le long des côtes de la péninsule et se dirige tout droit vers un site du patrimoine mondial de l’Unesco, les volcans du Kamtchatka.
La faune et la flore du Kamtchatka
Inscrits depuis 1996 sur la Liste du Patrimoine mondial, les volcans du Kamchatka forment « l’une des régions volcaniques les plus exceptionnelles du monde, avec une forte densité de volcans actifs et une grande variété de types et de caractéristiques volcaniques associés », peut-on lire sur le site de l’Unesco. « Le site abrite de très nombreuses espèces, dont la plus grande diversité connue de salmonidés, et des concentrations remarquables de loutres de mer et d’ours bruns. »
En effet, la péninsule du Kamtchatka héberge une faune très riche. L’organisation mondiale décompte sur site pas moins de 16 espèces endémiques mais aussi une forte concentration d’animaux. De l’imposante sous-espèce d’ours brun, Ursus arctos beringianus, les ours du Kamtchatka aux aigles de Steller, ou pygargues empereurs, Haliaeetus pelagicus, espèce classée vulnérable sur la liste rouge de l’UICN, dont la moitié de la population mondiale vit au Kamtchatka.
C’est aussi l’un des seuls endroits au monde où les espèces de saumons du Pacifique coexistent et viennent frayer dans les rivières d’eau douce. La péninsule est considérée comme l’un des derniers sanctuaires de saumons sauvages de la planète. La pollution des cours d’eaux pourrait tuer une importante quantité de ces poissons, que viennent chasser mammifères et oiseaux comme le pygargue à queue blanche, le faucon gerfaut et le faucon pèlerin, tous non menacés d’extinction à l’heure actuelle.
Outre la plage de Khalaktyrsky et plusieurs autres bassins et rivières, la réserve naturelle de biosphère de Kronotski semble également avoir été contaminée.
D’où vient cette pollution ?
Les causes ne sont pas encore connues. Prolifération de microalgues toxiques à cause de la météo ou incident d’origine humaine ? Des enquêtes sont en cours, au sein des institutions russes et de Greenpeace.
D’après plusieurs sources, la contamination de l’eau pourrait provenir d’essais militaires, une théorie dont journal Le Parisien se fait l’écho : « Des scientifiques interrogés par le journal Novaïa Gazeta et l’agence de presse publique RIA Novosti avancent l’hypothèse d’une fuite de carburant de fusée extrêmement toxique, l’heptyle, provenant peut-être d’une installation militaire. « Nous vérifions également cette source potentielle, nous indique Vladimir Chuprov, de Greenpeace Russie. Il est encore tôt pour affirmer quoique ce soit. Dans quelques jours, nous pourrons présenter notre version. » »
1 réponse to “La faune du Kamtchatka menacée par une pollution d’origine encore inconnue”
12.10.2020
d'Oms Marcel.Je suis à peu près certain, que je verrai la fin du règne animal, à l’état sauvage, avant ma fin de vie. Bien triste perspective pour un zoologiste.