Balayer devant sa porte avant de regarder chez les autres. La France, prompte à critiquer la médecine asiatique ou les extravagances des Emirats Arabes Unis, voit depuis quelques années une inquiétante croissance du trafic de grands félins sur son territoire. Peut-on acheter un grand félin en France comme on adopterait un chat ? nous interrogions-nous déjà en octobre 2018. Cette nouvelle semble le confirmer.
Caresse de tigre : officiellement un refuge pour félins
C’est l’association française Aves France et l’ONG Four Paws, réputée pour son combat contre les fermes de bile d’ours, qui ont dénoncé le scandale le 26 novembre dernier. Après plus d’un an d’enquête et d’accumulation de preuves, les deux associations ont dévoilé au grand jour les pratiques de l’association Caresse de tigre, située près de Rouen.
Officiellement, l’organisme recueille des fauves ne pouvant être pris en charge sur leur lieu de naissance (cirques, parcs zoologiques…). Une pratique autorisée par la loi, si la présence d’un capacitaire pour faune sauvage est avérée sur place. En l’occurrence pour Caresse de tigre, qui compte 11 tigres et lions, 2 lionceaux et un tigreau, il s’agit de Brigitte Klimond.
« Comme de nombreuses associations, nous avions entendu parler de l’association Caresse de tigre, sans savoir exactement ce qu’il se passait derrière leurs portes », explique Aves France sur son site caressedetigre.info. « C’est la mise en place d’une cagnotte pour acheter un couple de lions déjà présents chez eux depuis 6 ans qui nous a poussé à nous intéresser de près à Caresse de tigre, nous précise Christophe Coret, président d’Aves France. Ils ont fait croire au public que leurs dons éviteraient aux animaux de retourner au cirque alors qu’en fait, après les avoir reproduit, l’un des petits a justement été envoyé dans un cirque. Il y a tromperie puisque le public croit soutenir des valeurs de protection animale. »
Imprégnation des animaux, monétisation, et chantilly
Selon Aves, la direction de Caresse de tigre propose en fait aux visiteurs de rentrer dans la cage des petits félins pour manipuler les lionceaux, les prendre en photo, donner un biberon pour le prix de 50 € les 10 minutes, auxquels s’ajoutent les 15 € de billet d’entrée.
Pour Aves France, ces visites sont illégales. « Caresse de tigre est un établissement fixe sans autorisation d’ouverture au public. La création du site a été autorisée quand Brigitte Klimond, ancienne dresseuse itinérante, a souhaité se sédentariser et garder les animaux qu’elle avait en spectacle mais en aucun cas elle ne peut faire entrer du public. Pour obtenir cette autorisation, les enclos doivent respecter des normes strictes de sécurité et ce n’est ici pas le cas. Les propriétaires contournent en fait l’arrêté de 10 août 2004 qui estime qu’au delà de 7 jours d’ouverture par an, la demande d’autorisation d’ouverture au public est obligatoire. »
C’est pourquoi les fondateurs de Caresse de tigre ouvrent leurs portes officiellement 14 après-midi par an, sur réservation, à des groupes de visiteurs. « Mais en fait on a constaté qu’ils dépassaient largement ce quota, poursuit Christophe Coret. Lors de notre deuxième visite, il y avait des groupes prévus à 11h, 14, et 16h le samedi comme le dimanche et parfois de 10 personnes ! Sachant qu’un capacitaire s’engage normalement à tenir à distance du public ses animaux. »
Au cours des trois visites que les associations ont réalisées sur place, de nombreuses infractions ont été relevées mais également des actions choquantes comme cette femme donnant de la chantilly ou du camembert dans sa main à un jeune tigre. Les animaux, qui ne sont pas sous contraception, se reproduisent et sont transférés à d’autres dresseurs de cirque sédentarisés. Et aux parcs animaliers français ? Le président d’Aves les met immédiatement hors de cause : « Les parcs zoologiques ont un devoir de traçabilité de leurs animaux, ils s’échangent les animaux entre parcs et sont contrôlés ».
Fort de ces éléments, Aves France a déposé plainte en décembre 2019 contre Caresse de tigre. Le 24 novembre dernier, l’OFB s’est déplacée sur place pour contrôler le site et effectuer le révélé et les saisies officielles. Suite à leur passage, les animaux ont été saisis administrativement. « Une notion que comprend mal le grand public, poursuit Christophe Coret. La saisie et le retrait sont deux choses différentes. A Caresse de tigre, les animaux sont saisis mais restent chez leurs propriétaires auxquels ils sont confiés en attendant que le procureur déterminent la suite. La saisie administrative permet de bloquer une situation, d’éviter le transfert des animaux. »
Le président de l’association française de défense animale rappelle ainsi le triste précédent de l’ours Micha des Poliakov. Saisi administrativement par l’Etat mais resté auprès de ses propriétaires, l’animal mourant a finalement été confié au Refuge La tanière où il décèdera en novembre 2019.
Afin de demander le transfert des animaux, Aves France déposera une plainte globale auprès du procureur, reprenant les éléments à charge de ses trois visites. L’association enverra également le dossier au ministère de Barbara Pompili. « Nous l’avons rencontrée suite à ses annonces sur le bien-être animal, nous lui avons montré des photos prises à Caresse de tigre et elle nous a demandé de la tenir au courant », nous glisse Christophe Coret.
Les sanctuaires, une pratique mal connue et mal entourée par la loi
L’association Caresse de tigre n’est pas nouvelle. Elle a été crée en 2004 avec pour but la protection du tigre et la création d’un parc pédagogique permettant de faire découvrir aux écoles avoisinantes les fauves. « Un comble pour un établissement qui, rappelons-le, n’a pas les autorisations nécessaires pour ouvrir au public. »
En dehors des parcs animaliers et des centres de soins, il existe donc d’autres structures autorisées à détenir des animaux sauvages en France.
Ces établissements sont assez peu encadrés juridiquement. « Le statut de sanctuaire n’existe pas légalement. Ils s’autoproclament refuge mais ce n’est pas le cas. C’est un établissement privé. Il suffit de présenter un certificat de capacité adapté à l’espèce et une autorisation d’ouverture de l’établissement. » Cette dernière ne signifie pas que l’ouverture au public est permise, mais que les installations sont jugées conformes pour la détention des animaux.
Dans le cas de Caresse de tigre, de nombreux reportages ont été réalisés par la presse locale ou nationale. A France 3 Normandie venue tourner un reportage, Brigitte Klimond confiait recueillir des félins depuis 1985, après une carrière dans le monde du cirque. Dans ce même reportage, le journaliste donne lui-même du camembert à Ramsès, un jeune tigre de 60 kg avant de commenter une séquence où le mari de la capacitaire donne un biberon de lait à un tigre blanc de 2,5 ans ! Quand le journaliste demande d’où vient le tigre blanc, la propriétaire reste très évasive, parle d’un ami propriétaire d’une femelle qui n’aurait pas eu assez de mamelles pour nourrir deux petits et d’un « cadeau » qu’il lui aurait fait.
Pourquoi, alors qu’il était connu de tous et que le public avait accès aux animaux, rien n’a été fait ? « Les gens sont fascinés par les animaux sauvages et il y a sans doute une espèce d’excitation à tenir dans ses bras un animal interdit. Même aujourd’hui, alors que nous alertons sur les pratiques de cette association le grand public ne comprend pas. Ils nous parlent de complot contre Caresse de tigre… ».
2 Réponses to “Un faux refuge pour félins dénoncé par des associations”
28.11.2020
equeter KarineVous n’avez rien d’autre à faire
Vous vous en prenez à des gens qui aiment ces animaux
Vous avez peur pfff foutaises n’importe quoi ce commentaire allez voir des animaux maltraités d’abord.
28.11.2020
Sylvie RUILOBABonjour
Ces animaux ne sont pas faits pour qu’on les tripote !!! avec gains substantiels…évidemment…je m’insurge contre ces pratiques…heureusement que vous existez..
Bien à vous