Après les chauves-souris australiennes en novembre, c’est au tour des lamantins de Floride (Trichechus manatus latirostris) de décliner de façon foudroyante. En 2018, 13 % de cette sous-espèce du lamantin (Trichechus manatus) a disparu dans les eaux américaines, soit 824 morts au total. Une véritable hécatombe.
Record de décès chez les lamantins de Floride
Selon les chiffres préliminaires de la Commission de conservation de la faune de Floride, 2018 aura été la deuxième année la plus meurtrière jamais enregistrée pour le lamantin de Floride, avec une augmentation de près de 50 % de la mortalité par rapport à 2017. La pire année remonte à 2013, lorsque 830 individus avaient disparu.
Cette nouvelle est d’autant plus grave que la situation du lamantin de Floride n’était déjà pas très réjouissante. En effet, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a classé cette sous-espèce dans la catégorie « en danger » d’extinction (EN) en 2007. D’après les dernières estimations de la Commission de conservation de la faune de Floride*, la population sauvage de lamantins de Floride est estimée entre 7 520 et 10 280 individus environ.
De nombreux décès dus à l’Homme
Une telle vague de disparitions pourrait presque ressembler à une épizootie – l’équivalent d’une épidémie pour des animaux – comme cela a pu se produire pour les antilopes saïga, régulièrement décimées par des maladies. Mais non. Pour expliquer cette hausse inquiétante de la mortalité des lamantins de Floride, il faut regarder du côté de l’Homme. Car 409 des 824 décès – soit près de la moitié – sont dus à trois facteurs, tous reliés aux activités humaines.
La prolifération d’algues toxiques : 211 décès
Comme les dugongs avec qui on les confond parfois, les lamantins sont des herbivores qui se nourrissent de différentes plantes qu’ils broutent au fond de l’eau. En mangeant, ils ingèrent par accident les petits poissons et crustacés qui sont accrochés aux plantes, mais aussi les algues qui se trouvent à proximité. C’est pourquoi lorsque des algues toxiques se développent en abondance dans son habitat, le lamantin de Floride est particulièrement exposé.
Or, en 2018, la Floride a connu une « marée rouge » dévastatrice. Au cours de l’été, plus de 1 000 tonnes d’animaux marins ont été retrouvés morts sur les côtes, tous tués par Karenia brevis, un organisme unicellulaire microscopique relâchant des neurotoxines mortelles. Parmi les victimes, de nombreux lamantins qui respirent ces neurotoxines ou les ingèrent en mangeant les poissons et algues infectés.
Pour The Revelator, ces algues toxiques auraient causé la mort de 211 lamantins de Floride en 2018.
Les collisions avec des bateaux : 121 décès
Le lamantin de Floride vit dans des eaux peu profondes et à faible débit, près des côtes, dans des rivières et des baies, aussi bien dans l’eau douce que salée et même saumâtre. Il a besoin de remonter à la surface pour respirer toutes les 5 à 10 minutes. Une fois qu’il a fini de se nourrir, il retourne à l’air libre avant de plonger à nouveau et ainsi de suite. Il passe donc une importante partie de son temps à la surface où il croise inévitablement des bateaux et des jets-skis.
Comme pour d’autres animaux marins comme la baleine noire ou le dauphin de Chine, les collisions avec des navires et leurs hélices font partie des principales menaces qui pèsent sur le lamantin de Floride. Même si ces chocs ne tuent pas forcément l’animal sur le coup, elles peuvent le blesser gravement et finir par l’emporter.
L’an dernier, les collisions ont causé la mort de 121 individus en Floride. Or, ce chiffre est en constante augmentation ces cinq dernières années. En 2014, les collisions ont été responsables de 69 décès chez les lamantins de Floride, puis 86 en 2015, 106 en 2016 et 111 en 2017.
Le stress dû au froid : 77 décès
Les lamantins ont beau arborer un physique imposant – plus de 3 m de long pour un poids dépassant 1 tonne –, ils ne disposent pas de suffisamment de graisse pour résister aux températures froides.
Résultat, lorsque l’eau descend au-dessous des 20°C, les lamantins peuvent développer une maladie baptisée « cold stress » ou « stress dû au froid » en français. Les symptômes sont similaires à ceux d’une pneumonie ou d’une hypothermie chez l’humain. Au bout d’un certain temps, le lamantin développe des lésions blanches qui apparaissent principalement sur la queue, les nageoires et la tête. Il devient léthargique, son métabolisme ralentit ce qui entraîne des difficultés à digérer, une perte d’appétit, de poids et souvent le développement de nouvelles infections à cause d’un système immunitaire devenu déficient. Si cette exposition au froid dure trop longtemps, l’animal peut en mourir. En 2018, 77 lamantins de Floride sont morts ainsi.
Sauvetage et remise en liberté
Lorsqu’ils sont secourus à temps, les lamantins de Floride en difficulté sont envoyés dans des centres de soins et de réadaptation. L’an dernier, celui de SeaWorld à Orlando en a par exemple accueilli 72, dont de nombreux orphelins.
https://twitter.com/Fox35News/status/1085602584696639488
Une fois remis en liberté, le lamantin est équipé d’un émetteur afin d’assurer son suivi. Cela permet de contrôler qu’il se réadapte bien à la vie sauvage et que son état de santé ne se détériore pas. Ce suivi est assuré par le Partenariat pour la réhabilitation des lamantins – ou MRP en acronyme anglais.
*Florida fish and wildlife conservation commission, « Estimation de l’abondance du lamantin de Floride », 2018.
par Jennifer Matas
2 Réponses to “Hausse inquiétante de la mortalité chez les lamantins de Floride”
29.08.2019
ANDRETriste nouvelle qu’est cette hausse de la mortalité des lamantins. Cependant, incriminer l’Homme pour la moitié de ces pertes est me semble-t-il illégitime. En effet, quel est le rapport entre l’Homme et un froid trop important? le rapport entre l’Homme et des algues infectées par un micro-organisme?
29.08.2019
Jennifer MatasBonjour, ces facteurs sont imputés aux activités humaines par la Commission de conservation de la faune de Floride. Concernant les algues toxiques, les scientifiques estiment que l’agriculture industrielle et le mauvais traitement des déchets favorisent leur prolifération. Quant au froid, un article de Science Daily (https://www.sciencedaily.com/releases/2003/08/030805071937.htm) explique qu’avant, les lamantins avaient pour habitude de migrer vers des eaux plus chaudes lorsque l’hiver arrivait, mais qu’ils ont cessé cette migration quand des usines et centrales électriques ont ouvert sur le littoral, car elles rejetaient une eau chaude apprécié des lamantins. L’article dit : « les rapports indiquent maintenant que plus de 60% de la population s’est habituée à passer les hivers à proximité des eaux de décharge des usines. Lorsque des centrales électriques obsolètes sont fermées, ces couvertures sont retirées et certains lamantins ne sont pas en mesure de trouver des substituts à temps. »